II-) Financement bancaire et asymétrie
d'information
Dans un environnement incertain et risqué, les
relations qu'entretiennent les PME avec les banques sont
caractérisées par de fortes asymétries d'information et de
comportements opportunistes (2.1) aux conséquences multiples
(2.2).
2.1-) Analyse de la relation de crédit à la
lumière des débats théoriques
Cette relation peut s'analyser à la lumière des
théories contractuelles des organisations18 aussi bien
à la phase précontractuelle (2.1.2) que
post-contractuelle (2.1.3).
17 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires
18 Il s'agit de la théorie des droits de
propriété (TDP), la théorie d'agence (TA), la
théorie des coûts de transaction (TCT), la théorie des
contrats incomplets (TCI), la théorie des conventions(TC) ... Charreaux,
1999).
Mémoire DEA Sciences de Gestion Relations de
crédit et coût de l'endettement : le cas des PME
camerounaises
22
Mais avant, une présentation des concepts clés
à la base de cette analyse s'avère nécessaire
(2.1.1).
2.1.1-) Les concepts de base d'analyse de la relation
de crédit
Le marché du crédit bancaire est animé
par deux groupes d'acteurs : les prêteurs (les établissements de
crédit) et les emprunteurs (les PME dans cette étude). Ces
entités ont des objectifs généralement divergents. La
banque cherche à maximiser son profit moyen espéré et
l'emprunteur le rendement espéré de l'investissement. La relation
qui s'établie entre ces deux acteurs est qualifiée de relation
d'agence. Elle est, pour Jensen et Meckling (1976) : « un contrat dans
lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne
(l'agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui
implique une délégation d'un certain pouvoir de décision
à l'agent19» (Coriat et Weinstein, 1995,
p. 93). En raison de l'absence de congruence des
préférences, cette relation est source de conflits
d'intérêts inducteurs de coûts (coûts d'agence et de
transaction) qui réduisent les gains potentiels de la
coopération. Ces conflits naissent soit de l'allocation des
décisions régissant le processus de création de valeur,
soit de l'appropriation de la valeur créée. Ils trouvent leurs
origines dans l'asymétrie d'information, l'opportunisme des acteurs,
l'impossibilité de rédiger des contrats complets en raison de la
rationalité limitée et de l'incertitude (Charreaux, 1999) :
> l'incertitude :
hypothèse environnementale. La définition de ce
concept, contenue dans les travaux de Knight (1921), est faite par comparaison
au risque. Pour l'auteur, l'incertitude est la caractéristique
essentielle de situation ou l'individu voit les conséquences des
décisions qu'il prend (ou doit prendre) dépendre des facteurs
exogènes dont les états ne peuvent être prédits avec
certitude (Cobbaut, 1997). Il correspond donc aux situations non mesurables. A
l'opposé, le risque est probabilisable et mesurable par une
probabilité « objective ». Il intervient lorsque l'incertitude
peut être quantifiée.
> l'asymétrie de l'information :
hypothèse environnementale. Elle correspond, selon la TA, à une
situation où deux parties pour un même problème et pour la
même période ne peuvent disposer de la même information en
qualité et en quantité. Une des parties dispose de la «
totale » et « parfaite » information tandis que l'autre ne peut
se contenter que d'une information partielle et incomplète.
19 Cette définition fait l'objet d'une
extension : « Remarquons également que les coûts d'agence
apparaissent dans toutes les situations qui implique un effort de
coopération (tel que la co-rédaction de cet article) par deux ou
davantage de personnes même s'il n'y a pas de relation principal agent
clairement définie. » (Jensen et Meckling, 1976 ; cités
par Charreaux, 1999, p. 82).
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> l'opportunisme :
hypothèse comportementale. Principal facteur explicatif
des coûts de transaction, il s'appréhende comme la recherche de
l'intérêt propre, à tout effort calculé pour
tromper, désinformer, déguiser, omettre, choquer ou induire en
erreur un autre agent (Joffre, 1999). C'est un comportement «
stratégique » (qui serait inscrit dans la nature humaine
d'après Williamson, 1975) par lequel les agents recherchent leurs
intérêts strictement personnels, quitte à léser
l'autre partie, en recourant à la ruse, la mauvaise foi, le mensonge, le
vol, la tricherie ou autre formes subtiles de duperie (Gabrié et
Jacquier, 1994).
> la rationalité :
hypothèse comportementale. Être rationnel, selon la
conception classique, c'est rechercher le maximum de satisfaction au moindre
coût. L'hypothèse forte qui sous tend cette définition
(perfection du marché) lui confère la dénomination de
rationalité pure ou substantive. Ici, les acteurs sont à
même de prévoir tous les états futurs du monde possible et
d'anticiper les différents choix de l'autre. Une alternative plus
réaliste est donnée par Simon (1959)20 et tient compte
de l'imperfection et de l'incertitude environnementale : c'est la
rationalité dite limitée et procédurale.
Elle est fondée sur le fait que l'individu à des capacités
physiques, mentales, et intellectuelles limitées en raison de
l'incertitude et de l'information imparfaite. Ainsi, face à un
problème, celui-ci ne pourrait pas avoir une connaissance de tous les
choix possibles ; une connaissance complète de toutes les
conséquences de ces choix, ou la capacité à les calculer ;
la capacité à comparer ses conséquences, quelque soient
leur diversité, en les ramenant à un indicateur unique. Le
comportement rationnel est donc limité par ces contraintes
environnementales21 (Coriat et Weinstein, 1995).
> Les coûts issus de toute relation de
coopération. Ils naissent de l'interaction des hypothèses
ci-dessus et interviennent à toutes les phases d'élaboration d'un
contrat (phase précontractuelle et post-contractuelle). Ils sont
qualifiés de coûts d'agence et de coûts de transaction par
les TA et TCT respectivement. Ces coûts peuvent être
présentés de façon synthétique dans le tableau
suivant :
20 Cité par Coriat et Weinstein (1995).
21 Coleman (1994, p.167) souligne tout de
même le fait que l'individu reste intentionnellement rationnel :
« Il s'agit de l'hypothèse selon laquelle des individus
cherchent à atteindre des objectifs et quand ces derniers sont connus,
les actions entreprises seront celles que l'individu considère comme les
plus efficaces pour atteindre cet objectif L'individu est rationnel dans le
sens ou il agit intentionnellement » Charreaux, (1999, p. 65).
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Tableau 1. 1 : Les coûts issus de
toute relation de coopération selon la TA et la TCT
|
COÛTS D'AGENCE
|
COÛTS DE TRANSACTION
|
Avant la conclusion du
contrat (coûts ex ante)
|
· coûts précontractuels liés aux
incertitudes informationnelles concernant les compétences de l'agent
(capacité cognitive, formation,...) ;
· coûts liés à l'inadaptation du
postulant (l'opportunisme de l'agent) ;
· coûts de négociation des accords.
|
· coûts liés à la recherche du futur
partenaire ;
· coûts liés aux études des risques
;
· coûts de négociation (déplacement,
traduction, ...) ;
· coûts de mise en place d'avant-projet ;
· coûts de conclusion du contrat.
|
Après la conclusion du
contrat (coûts ex post)
|
· les dépenses de surveillance et d'incitation
engagées par le principal pour orienter le comportement de l'agent
;
· les coûts d'obligation ou d'engagement qui sont
supportés par l'agent pour mettre le principal en confiance ;
· la perte résiduelle ou coût
d'opportunité qui correspond à la perte d'utilité subie
à la fois par le principal et par l'agent du fait de la persistance de
divergences d'intérêts.
|
· coûts d'administration, de surveillance, de
contrôle ;
· coûts de renégociation et de révision
du contrat ;
· coûts d'opportunité (manque à gagner)
;
· coûts de désengagement ou de rupture de
contrats ;
· coûts de faillite (administratifs,
réorganisation, ...).
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Source : de l'auteur à partir de
ses lectures
La définition de ces concepts étant
appréhendée, il convient maintenant de voir comment leurs
interactions se manifestent au cours des différentes phases de la
relation de crédit.
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