CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
On peut le constater, un pan essentiel du dispositif de mise
en oeuvre du droit communautaire fait défaut au sein de la CEMAC. En
effet, « le droit communautaire ne peut être
réalisé que s'il est perçu et assimilé par l'ordre
juridique national de chaque Etat »296. La capacité
d'assimilation du droit communautaire des Etats membres est alors ici, la
capacité d'assimilation des autorités administratives, la
capacité d'assimilation des autorités judiciaires nationales,
mais aussi et surtout la capacité d'assimilation des particuliers, tous
acteurs primordiaux de la construction communautaire. Les juges nationaux,
encore plus, sont des instruments stratégiques de la mise en oeuvre du
droit communautaire, et c'est à eux qu'il revient par le
mécanisme du renvoi préjudiciel, d'enclencher le contrôle
de la CJC, car « le juge communautaire ne peut véritablement
jouer son rôle de jurisdictio que s'il est saisi des litiges qui lui
fournissent l'occasion de préciser le sens et la portée des
objectifs des textes communautaires »297. Mais si l'oeuvre
du juge national fait alors cruellement défaut jusqu'ici dans
l'application des directives CEMAC, notamment du fait du
désintérêt du justiciable national à l'encontre du
droit communautaire, l'on est tenté de penser que l'instauration
récente au sein de la CEMAC du mécanisme de recours en manquement
d'Etat, répond d'une nouvelle dynamique dont les effets positifs sont
appelés à s'étendre sur la mise en oeuvre des directives
communautaires. L'action des Etats membres, et surtout celle de la Commission,
sera donc déterminante pour l'efficacité du recours en manquement
d'Etat, qui vise tout au moins en partie, à améliorer la mise en
oeuvre du droit communautaire en zone CEMAC.
296 NEGRUT (V.), « le rôle de la jurisprudence
(CEJ) dans le développement du droit communautaire », ACTA
UNIVERSITATIS DANUBIUS. JURIDICA, n°1, 2008.
297 KOAGNE ZOUAPET (A.), Op. Cit. p.92.
94
CONCLUSION GENERALE
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La transposition des directives fait partie des engagements
communautaires des Etats membres, une obligation à laquelle ils ont
souscrits par leur adhésion au Traité CEMAC. La transposition est
une obligation juridiquement consacrée, notamment par de nombreuses
dispositions des textes communautaires originaires, qui instituent et
conduisent la participation des Etats membres dans le processus de construction
communautaire et plus particulièrement dans la mise en oeuvre du droit
communautaire. Dans le cadre de la CEMAC, la directive communautaire est l'acte
juridique communautaire qui consacre l'obligation de transposition des Etats
membres. Le législateur communautaire, par la directive, consacre un
acte juridique au régime souple, eu égard aux domaines sensibles
et essentiels pour le marché commun, qu'elle est appelée à
régir ; un acte juridique dont la mise en oeuvre est indissociable de
l'intervention des autorités nationales. Cette implication des Etats
membres revêt alors une signification toute particulière, celle
d'un aveu de réalisme, face aux « faiblesses
intrinsèques à tout ordre juridique d'émanation
internationale »298 qui « conduisent les
institutions créées dans un cadre interétatique à
recourir, pour l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles
adoptent, à l'utilisation des systèmes juridiques nationaux
»299. Les Etats membres restent pour ce faire autonomes,
tant sur le plan institutionnel que procédural, mais cette
indépendance ne peut être absolue, au risque de mettre en
péril les objectifs de la construction communautaire. C'est la raison
pour laquelle cette autonomie des Etats membres est soumise à la
primauté et à l'applicabilité directe du droit
communautaire, mais est aussi encadrée par la surveillance du juge
communautaire.
De manière plus pratique, la transposition se
réalise par des instruments que sont les actes juridiques de droit
interne et les structures administratives nationales. Mais le choix des outils
de transposition peut être conditionné tant par la méthode,
que par des exigences essentielles de la transposition issues de la
jurisprudence communautaire. La mise en oeuvre des directives communautaires
c'est alors l'adoption d'un texte national de transposition, dont les
dispositions doivent être conformes aux objectifs fixés par l'acte
communautaire, notamment dans le respect des délais fixés par ce
dernier. La violation des délais de transposition est notamment
constitutive d'un manquement au droit communautaire. Si plusieurs
difficultés peuvent alors être invoquées par les Etats
coupables d'infractions ou qui ont dépassé les délais,
c'est en partie dû au fait que la transposition des directives est un
exercice assez contraignant.
298 KENFACK (J.), Op. Cit. p.270.
299 Ibid.
96
La principale contrainte que rencontre le processus de
transposition en zone CEMAC réside dans le contrôle de l'exercice,
tant sur le plan extra juridictionnel que sur le plan juridictionnel. Car en
effet, si la transposition entraine une sorte d'« individualisation
normative interne »300, « opération
consistant en la digestion de la norme internationale par l'Etat et en sa
restitution sous une forme qui la rend invocable par un individu ou une
personne morale de droit privé »301, la
particularité de l'entreprise communautaire veut que le résultat
de cette individualisation soit le même dans tous les Etats membres,
complexifiant par là même une surveillance qui demande la
participation coordonnée et presque simultanée de tous les
acteurs communautaires. Le contrôle des Etats membres et de la Commission
de la CEMAC est alors inexistant, tandis que le contrôle de la CJC et du
juge national est un contrôle contingent, qui n'agit que si la CJC et le
juge national sont saisis pour solutionner des questions relatives au droit
communautaire. La transposition reste néanmoins un exercice perfectible,
une amélioration qui passe pour l'essentiel par un contrôle plus
important de la Commission de la CEMAC, qui est désormais le bras
séculier de la Communauté dans son contrôle des
activités des Etats membres, mais surtout l'acteur central du recours en
manquement d'Etat. Les Etats peuvent eux mêmes à leur niveau
améliorer l'exécution des directives, en s'inspirant des
modèles qui marchent, car l'exemple de l'UE montre notamment que, plus
les Etats membres seront sanctionnés, plus ils seront prompts à
améliorer la mise en oeuvre du droit communautaire dans l'ordre
juridique national.
300 P. GUGGENHEIM, Traité de droit international
public, cité N. MOUELLE KOMBI, Op. Cit., p. 225.
Notre hypothèse semble alors confirmée, en
effet, le mécanisme de transposition effectif au Cameroun, souffre de
quelques insuffisances tant nationales que communautaires qui grèvent
son déploiement et influent alors négativement sur l'application
harmonisée des directives au sein de la CEMAC. Mais le résultat
obtenu de notre recherche demande une certaine réserve, car en l'absence
d'une jurisprudence CEMAC sur l'exécution des directives, on a
grandement eu recours à la jurisprudence européenne, alors que
rien n'empêche la CJC d'avoir des positions futures différentes en
matière de transposition des directives communautaires.
301 P. REUTER, « quelques remarques sur la situation
juridique des particuliers en droit international public », la
technique et les principes de droit public. Etudes en l'honneur de G.
SCELLE, cité N. MOUELLE KOMBI, Op. Cit., p. 225.
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