A- L'amélioration du mécanisme de
transposition par les Etats membres
Il est important avant tout de préciser le contexte de
la mise en oeuvre des directives en zone CEMAC. En effet, il nous a
été donné de constater que, si depuis le début de
la Communauté Economique Européenne en 1957 jusqu'aux
années 2000, 1700 directives ont été publiées (avec
à peu près un millier de directives modificatives), soit une
moyenne de 39 directives publiées par an, la CEMAC sur la période
considérée259par notre recherche, a adoptée 24
directives, soit une moyenne de 2 directives par an. La mobilisation des
256 Ibid.
257 C'est un principe essentiel du droit international. Voir TATY
(G.), Op. Cit.
258 La directive CEMAC est l'acte par excellence de
l'intervention des Etats membres dans la mise en oeuvre du droit communautaire,
pour éviter alors de futures procédures précontentieuses
et même contentieuses à leur encontre, il est important qu'ils
améliorent leur dispositif en matière de transposition des
directives communautaires.
259 Entre 1999 et 2009, soit 11ans.
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ressources nécessaires à la mise en oeuvre des
directives en zone CEMAC, ne peut donc être de même envergure qu'au
sein de l'UE.
Il n'empêche tout même, qu'il est opportun pour
les Etats membres, au regard des réformes entamées en 2008, de
définir une méthode sereine et permanente pour la mise en oeuvre
du droit communautaire260. Les améliorations qui seront
apportées au mécanisme de transposition en zone CEMAC devront par
conséquent être adaptées au contexte
susmentionné.
Les Etats membres de la CEMAC et le Cameroun en particulier,
doivent définir une méthode précise de travail. L'exemple
de la circulaire française du 27 septembre 2004 relative à la
procédure de transposition en droit interne des directives et
décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions
européennes, peut être transposé au Cameroun, notamment
dans son esprit général, moyennant quelques modifications
substantielles adéquates.
S'inspirant du modèle français, le Cameroun peut
définir une procédure de transposition qui émane d'une
haute autorité administrative comme le Premier ministre, pour lui
conférer un caractère contraignant à l'endroit de toutes
les administrations subordonnées, et déterminer une structure
administrative chargée de la coordination et du suivi de la
transposition des directives, de la centralisation de toutes les informations
relatives à l'application du droit de la CEMAC au Cameroun, dont
l'autorité ne souffre d'aucun doute sur toutes les autres
administrations nationales261, et en relation quasi quotidienne avec
la commission de la CEMAC et même le Parlement national. La
méthode dans son contenu, sera notamment portée par des piliers
majeurs.
Le premier pilier vise une « étude d'impact
».Tout projet d'acte des institutions communautaires devra donner lieu
à une analyse préalable de ses impacts juridiques,
budgétaires, techniques ou administratifs, ainsi que de ses
conséquences sur le secteur d'activité concerné. C'est un
travail qui se fera en amont, avant la phase des négociations sur le
projet de texte communautaire, par le ministère concerné (qui
sera chargé de transposer la directive), et qui en soumettra un rapport
à la structure nationale chargée de la coordination et
260 L'opportunité est certaine dans la mesure où
l'une des actualités CEMAC c'est par exemple la révision de
certaines directives, on peut citer les directives relatives aux finances
publiques de 2008 qui pour des raisons que l'on ignore n'avaient pas
été transposées, et devraient donc l'être
après adoption des textes définitifs de révision. Voir
Vision CEMAC, n°003, 2ème trimestre 2011,
p.8.
261 Elle peut par exemple être rattachée ou sous la
présidence de la Primature.
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du suivi de la transposition, ainsi qu'au Parlement national
lorsque le domaine de la loi est visé.
Le deuxième pilier vise la constitution d'un «
réseau interministériel de correspondance sur la transposition
». Il est question ici, de mettre en correspondance permanente toutes les
cellules administratives chargées de la transposition dans chaque
ministère et la structure administrative nationale chargée de la
coordination et du suivi de la transposition. C'est par exemple grâce
à cette correspondance que seront transmis les rapports d'étude
d'impact, ou encore harmonisées les positions nationales lors des
négociations262.
Le troisième et dernier pilier est porté sur le
« suivi de la transposition à compter de l'adoption de la directive
communautaire ». Il implique la détermination d'un calendrier de
transposition, des réunions régulières pour
s'enquérir du respect des délais et des difficultés
rencontrées afin d'y apporter rapidement des solutions263, et
anticiper et éviter toute possibilité de contentieux
communautaire. Des séances de travail pourront aussi être
programmées avec la Commission qui a notamment le devoir d'apporter son
concours aux Etats membres dans le respect de leurs obligations
communautaires264.
Le Cameroun peut aussi s'inspirer du modèle
Sénégalais, lorsque des directives adoptées dans un
domaine précis impliquent d'autres secteurs
d'activités265, il reviendra alors à la structure
administrative nationale chargée de la coordination et du suivi de la
transposition, de mettre en place une synergie administrative, tel un «
comité national » comme au Sénégal, qui
réunira toutes les départements ministériels
concernés et qui travaillera avec le ministère chef de file.
Le Cameroun pourra enfin, face à toute
difficulté dans la mise en oeuvre d'une directive communautaire,
demander l'avis de la CJC, conformément à l'article 34 de la
Convention régissant la CJC du 30 janvier 2009, qui dispose que :
« dans son rôle consultatif et à la
262 L'une des difficultés de la transposition que nous
avons mentionnée dans les lignes précédentes est la
réticence du Parlement national face à un texte dont il ne se
sent être de près ou de loin un des instigateurs. Cette
méthode a le mérite d'unifier les positions et anticiper de
possibles résistances ou incompréhensions du parlement.
263 Il peut s'agir d'une disposition de la directive
communautaire qui demanderait de plus en amples éclairages que seule la
CJC ou la commission peut apporter. Il sera donc important de pouvoir
requérir leur avis avec la plus grande célérité.
264 Voir l'article 35 du traité CEMAC
révisé.
265 C'est par exemple le cas des directives relatives aux
finances publiques, qui peuvent influencer les pratiques administratives dans
tous les autres secteurs, commerce, santé, transports... c'est aussi le
cas par exemple des directives relatives aux communications
électroniques, qui peuvent concerner à la fois le secteur des
télécommunications, le secteur du commerce, le secteur de la
sécurité intérieure, le secteur de la justice...
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demande d'un Etat membre... la Cour peut émettre
des avis sur toute question juridique concernant le traité. Dans ce cas,
elle émet des avis sur la conformité aux normes juridiques de la
CEMAC, des actes juridiques ou des projets d'actes initiés par un Etat
membre dans les matières relevant du traité ». Cela
permettra aux Etats membres de dissiper toute confusion sur les dispositions du
texte communautaire, et d'éviter toute survenance d'un possible
manquement.
Il reste néanmoins impératif de souligner que,
les méthodes proposées ne pourront efficacement être mises
en oeuvre sans un réel renforcement des capacités des
fonctionnaires nationaux en matière de droit communautaire, une
tâche à mettre surtout au crédit des instances
communautaires, parmi lesquelles la Commission de la CEMAC.
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