A- Les sources du principe
Si l'autonomie des Etats membres ressort assez clairement
à la lecture de certaines dispositions des textes communautaires
originaires (1), c'est également le cas lorsqu'on s'intéresse aux
principes qui partagent les compétences dans les communautés
économiques régionales comme la CEMAC (2).
1- Les textes communautaires originaires
« Les faiblesses intrinsèques à tout
ordre juridique d'émanation internationale conduisent les institutions
créées dans un cadre interétatique à recourir, pour
l'exécution de nombre des actes juridiques qu'elles adoptent, à
l'utilisation des systèmes juridiques nationaux. Cet emprunt est
conditionné par le respect du principe de l'autonomie
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institutionnelle des Etats membres
»86, d'où l'affirmation claire de ce dernier par
les textes originaires de la CEMAC.
Si le principe n'est pas inscrit dans les lignes du
traité CEMAC, l'article 8 de la Convention de Libreville
régissant l'UEAC dispose quant à lui, que « Les organes
de l'Union Economique et les institutions spécialisées de
celle-ci édictent, dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la
présente Convention leur attribue, des prescriptions minimales et des
réglementations cadres qu'il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives », il est
également de même de l'article 5 de la Convention régissant
l'UMAC.
Cette consécration textuelle de l'autonomie des Etats
membres, dans le cadre particulier de la mise en oeuvre des directives
communautaires, puise ses sources la définition que donne l'article 41
du traité CEMAC révisé de la directive. En effet, celle-ci
lie les Etats membres quant au résultat visé, tout en leur
laisser le choix de la forme et des moyens ; les Etats membres en
matière d'application des directives communautaires, disposent donc
d'une liberté précise, notamment dans la forme et les outils
employés pour se conformer aux objectifs communautaires. L'obligation de
transposition des directives des Etats membres, prévue dans le
régime juridique de la directive communautaire consacre alors sans
équivoque l'autonomie institutionnelle et procédurale des Etats
membres.
La CEMAC n'est d'ailleurs pas la seule à consacrer
l'autonomie des Etats membres, c'est aussi le cas par exemple de l'UEMOA,
notamment à l'article 5 qui énonce que « Dans l'exercice
des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et
dans la mesure des objectifs de celui-ci, les organes de l'Union favorisent
l'édiction des prescriptions minimales et des
réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives ».
2- Les principes relatifs à la répartition
des compétences
Il s'agit notamment du principe de subsidiarité et du
principe d' « édiction minimale ».
Le principe de subsidiarité est consacré par
l'article 11 du traité CEMAC révisé87, il
repose sur l'idée selon laquelle les compétences doivent
être exercées au niveau le plus proche
86 KENFACK (J.), Op.Cit. p. 270-271.
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possible des citoyens (par les Etats). Par conséquent,
si la question ne peut être traitée de façon satisfaisante
au niveau national, il faudra la porter à un niveau plus
élevé (au niveau communautaire). Il y a donc un côté
négatif ou défensif du principe88, qui voudrait que la
Communauté n'agisse pas lorsque l'action des Etats membres suffit
à réaliser les objectifs fixés (comme c'est le cas de la
directive), toutes les institutions et organes de la communauté doivent
donc prouver que l'intervention communautaire est nécessaire.
Le principe d' « édiction minimale
»89 quant à lui est consacré à l'article 8
al 2 de la Convention UEAC et dispose que : « les organes de l'Union
et les institutions spécialisées de celles-ci édictent,
dans l'exercice des pouvoirs normatifs que la présente convention leur
attribue, des prescriptions minimales et des règlementations cadres,
qu'il appartient aux Etats de compléter en tant que de besoin,
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives
». C'est un principe dont l'intérêt réside avant
tout dans la limitation des compétences de la communauté et qui a
une portée générale. Il peut notamment être
assimilé au principe de proportionnalité introduit dans la
communauté européenne par la jurisprudence de la
CJCE90, et consacré par l'article 5 al 3 du TCE, et qui
repose sur l'idée de l'adéquation de l'action communautaire aux
objectifs poursuivis. L'action entreprise ne doit pas alors dépasser ce
qui est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché. Le
principe joue surtout lorsqu'il faut déterminer de la portée et
du type d'acte juridique communautaire à adopter, ce qui signifie alors
« que la préférence doit aller aux lois-cadres, aux
réglementations minimales et aux règles visant à la
reconnaissance mutuelle des dispositions nationales et que les dispositions
législatives excessivement détaillées sont à
éviter »91.
La directive au regard de ce qui précède se veut
donc l'instrument juridique de la subsidiarité et du minimalisme
ciblé de l'action communautaire en zone CEMAC, puisqu'elle
87 « Les Institutions, les Organes et les Institutions
Spécialisées de la Communauté agissent dans la limite
des
attributions et selon les modalités prévues
par le présent Traité, les Conventions de l'UEAC et de l'UMAC et
par les statuts et autres textes respectifs de ceux-ci ». Voir aussi
l'article 8 al1 de la Convention UEAC du 25 juin 2008, l'article 5 du
Traité CE et l'article 16 du Traité UEMOA
révisé.
88 BORCHARDT (K-D.), l'ABC du droit
communautaire, Offices des publications officielles des Communautés
Européennes, Luxembourg, 2000, p.29.
89 BANGO (A.), « l'élaboration et la mise en
oeuvre de la fiscalité dans les pays de la Communauté
Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)
», Université Jean Moulin Lyon 3/Ecole doctorale, 3 juillet
2009, p.157.
90 Ibid.
91 Ibid.
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laisse une marge d'appréciation aux autorités
nationales pour la mise en oeuvre du texte communautaire dans le système
juridique national92.
Le principe de l'autonomie institutionnelle et
procédurale des Etats membres est donc bien le corollaire de la
transposition lorsqu'on observe les textes de la CEMAC, un réalisme
positif du législateur communautaire, dans la mesure où selon le
Professeur Joël Rideau, le principe en question « domine
l'utilisation des systèmes juridiques nationaux
»93, et donc « Les organes compétents, les
procédures à utiliser pour la mise en oeuvre du droit
communautaire sont déterminées par les prescriptions
constitutionnelles étatiques»94 ; le sens que
revêt le principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale
des Etats membres semble donc assez clair sur le plan pratique.
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