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L'application du "jus ad bellum" et du "jus in bello" dans les conflits internes africains : etude du cas lybien


par FREDDY AMANI CHISHIBANJI
Université de Bukavu - Licence en droit 2011
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Relations Internationales
   

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A. LES REGLES RELATIVES A L'INTERDICTION ET LA LIMITATION DE L'EMPLOI DE

CERTAINES ARMES CLASSIQUES

Il s'agit ici des règles de la convention de 1980 et de protocoles y annexés, relatives à l'interdiction et la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, amendée en décembre 2001.

En effet, bien avant le XXe siècle, la communauté internationale s'est toujours préoccupée au nom du droit humanitaire, d'interdire l'emploi d'armes de guerre considérées comme trop cruelles dans leurs effets, car les parties au conflit et les membres de forces armées n'ont pas un droit illimité quant au choix des méthodes et moyens de nuire à l'ennemi.

Ainsi, l'amendement de la convention de 1980 sur les armes classiques, marque un progrès important dans le développement des règles du DIH relatives aux CANI. Comme on peut le constater tant au niveau du contenu des dispositions de ladite convention (1) qu'à celui de la portée de ses règles énoncées (2). Cette convention de 1980 montrait déjà sa sclérose.

1. Le contenu des dispositions de la convention du 10 octobre 1980 révisée en 2001

sur les armes classiques

La convention de 1980 se compose de la convention proprement dite (a) ainsi que des protocoles annexés (b) énonçant les règles de fond relatives à certaines armes.

a. Le contenu de la convention proprement dite

La convention proprement dite contient certaines dispositions qui méritent notre attention. Ainsi, nous examinerons successivement son champ d'application (1°), l'expression des parties à être liée (2°).

1°. Le champ d'application

Depuis son amendement en décembre 2001, la convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, a vu son champ d'application s'étendre à tous les types de conflits armés.

En effet, quand elle a été adoptée en 1980, cette convention et les protocoles y annexés ne s'appliquaient qu'aux CAI. Cependant, en 1996 déjà, lors de la première conférence d'examen des Etats parties, le protocole II y annexé, a été modifié de façon à être applicable aux CANI et, en 2001, la deuxième conférence d'examen a étendu les autres protocoles en vigueur aux CANI.

Aujourd'hui, les règles de cette convention sont applicables dans toutes les situations de conflits armés.

2°. L'expression du consentement à être lié

Outre les modes traditionnels d'engagement aux traités que sont la ratification, l'acceptation, l'approbation et l'adhésion, la convention prévoit une procédure un peu particulière applicable lors des conflits armés. Dans ces situations en effet, l'Etat qui n'est pas encore lié par la convention ou qui n'est pas lié par les mêmes protocoles que son ou ses adversaire(s), ou le cas échéant tout acteur non étatique, peuvent s'engager pour la durée du conflit par acceptation et application des instruments pertinents.

Par ailleurs, au moment où un Etat ratifie, approuve ou adhère à la convention de 1980 révisée, il doit notifier au dépositoire qu'il accepte d'être lié au moins par deux des protocoles qui lui sont annexés (Cf. article 4, paragraphe 3 de la convention).

b. Le contenu des protocoles annexés à la convention de 1980 révisée

La convention de 1980 sur certaines armes classiques applique à des armes spécifiques deux règles, à savoir : l'interdiction d'employer des armes qui frappent sans discrimination, et l'interdiction d'employer des armes de nature à causer des maux superflus.

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1°. Le protocole relatif aux éclats non localisables

Encore appelé protocole I, il réglemente "les armes qui n'existent pas"44. Il interdit d'employer les armes dont l'effet principal est de blesser par des éclats qui ne sont pas localisables par les rayons X dans le corps humain.

2°. Le protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs

Ce protocole II tel que modifié en mai 1996, a pour but de réduire autant que possible, les pertes et les dommages civils occasionnés par les mines, pièges et autres dispositifs pendant les hostilités et après, quand ces engins militaires n'ont plus aucune utilité militaire. Il touche à un problème bien réel car de nombreux civils sont jusqu'à présent blessés par ces mines, longtemps après les évènements qui avaient justifié leur mise en place.

Chaque partie au conflit est responsable des mines qu'elle a employé et s'engage à les enlever, les retirer, les détruire ou les entretenir sans retard après la cessation des hostilités actives.

3°. Le protocole relatif aux armes à laser aveuglantes

L'adoption en octobre 1995 du protocole sur les armes à laser aveuglantes est un succès de la civilisation sur la barbarie45. Ainsi, il ressort de l'article 1er, l'interdiction faite aux parties d'une part d'employer des armes à laser spécifiquement conçues de telles façon que leur seule fonction de combat ou une de ces fonctions soit de provoquer la cécité permanente chez les personnes dont la vision est non améliorée; d'autre part de ne transférer de telles armes à aucun Etat ni aucune autre entité.

44 W. FENRICK, La convention de Genève sur les armes classiques : un traité modeste mais, utile, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 547.

45 L. DOSWALD, Le nouveau protocole sur les armes aveuglantes, Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 292

4°. Le protocole V relatif aux restes explosifs de guerre

Le protocole le plus récemment a été adopté le 28 novembre 2003 ; il oblige les parties à un conflit à prendre des mesures pour réduire les dangers inhérents aux restes explosifs de guerre et n'est pas applicable aux armes couvertes par le protocole II modifié.

Ce protocole oblige à chaque Etat d'assister techniquement, matériellement et financièrement à l'enlèvement des restes explosifs de guerre qui résultent de ses opérations militaires et se trouvent sur un territoire qu'elle ne contrôle pas.

Telle se présente succinctement la quintessence de la convention de 1980 sur les armes classiques ainsi que des cinq protocoles y annexés, révisés en 2001. Il semble alors opportun de s'interroger sur la portée d'un tel accord dont l'ambition est de limiter les effets indiscriminés et superflus de la guerre et par là même protéger la personne humaine.

2. La portée des règles énoncées par la convention de 1980 révisée

Les règles énoncées dans la convention et les cinq protocoles y annexés concernant certaines armes inhumaines, bien que modifiée en 2001, ne comblent pas entièrement les espoirs escomptés.

Nonobstant les lacunes que ces règles comportent (a), la convention révisée sur les armes classiques est d'un intérêt humanitaire certain (b).

a. Un traité lacunaire

La convention de 1980 révisée en décembre 2001, sur les armes classiques peut apparaître comme un traité lacunaire en raison des limites que renferme le nouveau protocole II sur les mines et le protocole V y annexés. Les principales insuffisances tiennent à la longue période transitoire obtenue par certains Etats et surtout à l'absence d'un mécanisme de vérification du respect de ses dispositions et de sanction. Une loi sans sanction n'a pas sa raison d'être.

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Aussi aucune disposition n'est prévue pour assurer le respect de multiples prescriptions techniques édictées par le protocole. De même, aucun moyen n'est prévu pour assurer le respect des engagements des parties relatifs aux transferts des mines.

b. Une convention d'une importance humanitaire certaine

Le droit international humanitaire a pour objectif de soulager et d'empêcher autant que possible les souffrances causées ou qui peuvent être causées par les conflits armés, en interdisant les attaques sans discrimination ainsi que l'emploi des armes ayant par nature des effets indiscriminés ou qui sont de nature à causer des maux superflus. La convention du 10 octobre 1980 révisée en 2001 a pour but de codifier et de développer des règles portant spécifiquement sur l'emploi des armes, en toutes circonstances de conflit armé, soit en interdisant l'emploi de certains types d'armes, soit en réglementant leur usage. Son importance est purement humanitaire.

Par ailleurs, la convention sur les armes classiques et ses protocoles y annexés, a le mérite d'aborder les principes de la conduite des hostilités et de la protection des populations contre les effets des hostilités. Elle apparaît comme un précieux complément des protocoles additionnels de 1977 aux quatre conventions de Genève de 1949.

Toutefois, l'idée de la protection humanitaire s'est heureusement aussi renforcée dans les développements normatifs survenus ces dernières années dans le domaine de la répression pénale.

B. LES REGLES ISSUES DE LA JURISPRUDENCE DES TRIBUNAUX PENAUX INTERNATIONAUX RELATIVES A LA REPRESSION PENALE DES INFRACTIONS COMMISES EN SITUATION DE CONFLIT ARME

Il s'agit ici des règles du DIH telles que développées par le TPIY et le TPIR relatives à la répression des infractions au DIH.

En effet, longtemps avant la création de ces deux tribunaux ad hoc, la communauté internationale s'est toujours préoccupée au nom du DIH, à réprimer les violations commises en situation de conflit armé. Mais celle-ci ne se limitait que dans le cadre des CAI comme

l'atteste les deux cas de répression internationale organisée au lendemain de la première guerre mondiale par le traité de Versailles et surtout celle menée devant les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.

Mais au lendemain des années 1990, s'est opéré un changement de conflictualité ; les conflits internes qui émergent de plus en plus complexes, ambiguës et recrudescents, suivis de l'importance des moyens de guerre, occasionnent de graves violations et atrocités à la personne humaine.

Aussi, l'ampleur des crises humanitaires dont nous avons été témoins surtout dans l'ex Yougoslavie et au Rwanda ainsi que la gravité des violations aux droits humains fondamentaux perpétrées à l'encontre des civils, ont amené le Conseil de sécurité des Nations Unies à adopter de nombreuses mesures parmi lesquelles la création du TPIY et du TPIR dont la fonction était de réprimer ces conduites et punir les responsables des atrocités commises.

Ces deux tribunaux, à travers leurs décisions, ont configuré une jurisprudence permettant la consolidation de certains progrès dans le corpus des normes du DIH à savoir la répression pénale des infractions du DIH (1) et la reconnaissance de la responsabilité pénale internationale de l'individu de toute situation de conflit armé (2).

1. La répression pénale des infractions au DIH en toute situation de conflit armé

Bien avant 1994, la pratique des Etats tout comme la jurisprudence internationale montraient que la répression des infractions du DIH relevait de la compétence exclusive de l'Etat qui avait le pouvoir et/ou le devoir de punir lui-même ou d'extrader les auteurs présumés desdites infractions. La création du TPIY et du TPIR respectivement par les résolutions 827 du 23 mai 1993 et 955 du 8 novembre 1994 du conseil de sécurité des Nations Unies, marque un tournant dans le développement du DIH en matière de répression des infractions commises.

La compétence ratione materiae des deux tribunaux englobait respectivement tous les crimes commis en ex Yougoslavie et au Rwanda. Ainsi, dans leurs statuts figurent le génocide et les crimes contre l'humanité.

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Le conseil de sécurité a, pour ce qui est des CANI, inclut dans la compétence du tribunal les violations qui peuvent, soit être commises à la fois dans le cadre des CAI et des conflits armés internes telles le crime de génocide et les crimes contre l'humanité (a), soit être commises uniquement dans le cadre de conflits internes (b).

a. La répression des violations du droit international humanitaire pouvant être commises tant dans les conflits armés internationaux que dans les conflits internes.

Il s'agit ici des crimes de génocide et des crimes contre l'humanité. Alors que de l'article 2 du statut du TPIR et de l'article 4 statut TPIY, découlent la compétence de ces deux tribunaux pour poursuivre les auteurs du génocide ; la répression des crimes contre l'humanité quant à elle est régit par l'article 3 du statut du TPIR et l'article 5 statut du TPIY.

En effet, tous ces crimes ont été commis respectivement dans le conflit en ex Yougoslavie et au Rwanda comme l'atteste l'abondance des décisions, jugements et arrêts.

Dans l'affaire Akayesu, le TPIR a rendu en date du 2 septembre 1988 son premier jugement relatif à la répression des violations commises dans le cadre d'un conflit interne. Jean Paul Akayesu, bourgmestre de la commune de Taba, a été accusé de génocide et de crime contre l'humanité pour avoir participé et encouragé la commission d'actes de violences sexuelles dans les locaux de la commune de Taba46.

Dans l'affaire Tadic, alors membre des forces armées Serbes de Bosnie opérant dans la municipalité de Prijedor, Dusko Tadic a été reconnu coupable, par le jugement du 7 mai 1997 de la chambre de première instance du TPIY, pour crime contre l'humanité et de crime de guerre47.

b. La répression des infractions pouvant être commises uniquement dans le cadre des

conflits internes

Dans ce cadre, le TPIR et le TPIY sont habilités à poursuivre les personnes qui ont commis ou ont donné l'ordre de commettre des violations graves du DIH. Les affaires Tadic du TPIY et Akayesu du TPIR confirment ce principe.

46 TPIR, chambre de première instance procureur C/ J.P. Akayesu affaire n° ICTR964T, du 22 septembre 1998.

47 TPIY, chambre de première instance procureur C/ D.Tadic, du 7 mai 1997.

En effet, dans l'affaire Anto Furundzija, il a été reconnu, le 10 décembre 1998, coupable de crime de guerre en particulier en vertu de l'article 3 commun aux autres conventions de Genève relatif aux CANI48.

La jurisprudence des TPI pour l'ex Yougoslavie et le Rwanda constitue un véritable apport au développement des normes DIH ; la transgression de ces normes humanitaires dans le contexte de conflits internes entraîne la responsabilité internationale de l'individu.

2. La reconnaissance de la responsabilité pénale internationale de l'individu en toute situation de conflit armé

Le combat contre l'impunité a rencontré ces dernières années un écho très favorable sur la scène internationale avec la poursuite systématique des grands criminels de guerre, à telle enseigne que même le supérieur hiérarchique en donnant un ordre engage sa responsabilité pénale (a), et même le subordonné en exécutant l'ordre engage aussi sa responsabilité pénale (b).

a. La responsabilité pénale du supérieur hiérarchique

Il s'agit ici de la responsabilité de la personne en position d'autorité dans une situation de conflit armé ; celle-ci est tenue, sinon pour des actes commis par lui, du moins pour avoir su ou pour avoir eu des raisons de savoir que son subordonné s'apprêtait à commettre des exactions ou l'avait fait et qu'il n'a pas pris des mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdites exactions ne soient pas commises ou en punir les auteurs.

L'essentiel du jugement rendu dans l'affaire Tihomir Blaskic N° IT9514T, traite de cette responsabilité du supérieur hiérarchique. En l'espèce, commandant militaire, Blaskic a été mis en cause et condamné en Mars 2000 non pas pour avoir directement commis lesdits crimes, mais parce qu'il n'a pas pris des mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher les militaires qui étaient sous son commandement de les commettre ; et après la commission des crimes, il ne les avait pas puni.

48 TPIR, chambre de première instance procureur C/ A. Furundzija, du 10 décembre 1998.

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b. La responsabilité pénale du subordonné

Aux termes du principe selon lequel chacun est personnellement responsable de ses actes, même s'il a agi sur ordre, la transgression des normes du DIH entraîne automatiquement la responsabilité pénale internationale de son auteur, abstraction faite de son statut social ou de tous autres critères analogues49.

La responsabilité pénale du subordonné, peut être établit en toute situation de conflit armé. En se prononçant dans ce sens, dans l'affaire Tadic, le TPIY réitère que l'individu est responsable pénalement lorsqu'il est reconnu auteur des crimes de guerre dans tout conflit interne.

Au regard de toutes les notions du `' Jus ad bellum » et du `' Jus in bello `' que nous venons d'analyser, on dirait que leurs règles sont bien consistantes pour régir valablement la guerre. Compte tenu de ce qui s'est passé en Libye, nous sommes tentés de vérifier la mise en oeuvre de ces règles dans ce conflit interne.

49 D. PLATNER, Répression pénale des violations du Droit International Humanitaire applicables aux conflits armés internationaux, n° 785, CICR, Rome, 1990, p. 444.

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