A. LES REGLES RELATIVES A L'INTERDICTION ET LA LIMITATION
DE L'EMPLOI DE
CERTAINES ARMES CLASSIQUES
Il s'agit ici des règles de la convention de 1980 et de
protocoles y annexés, relatives à l'interdiction et la limitation
de l'emploi de certaines armes classiques, amendée en décembre
2001.
En effet, bien avant le XXe siècle, la
communauté internationale s'est toujours préoccupée au nom
du droit humanitaire, d'interdire l'emploi d'armes de guerre
considérées comme trop cruelles dans leurs effets, car les
parties au conflit et les membres de forces armées n'ont pas un droit
illimité quant au choix des méthodes et moyens de nuire à
l'ennemi.
Ainsi, l'amendement de la convention de 1980 sur les armes
classiques, marque un progrès important dans le développement des
règles du DIH relatives aux CANI. Comme on peut le constater tant au
niveau du contenu des dispositions de ladite convention (1) qu'à celui
de la portée de ses règles énoncées (2). Cette
convention de 1980 montrait déjà sa sclérose.
1. Le contenu des dispositions de la convention du 10
octobre 1980 révisée en 2001
sur les armes classiques
La convention de 1980 se compose de la convention proprement dite
(a) ainsi que des protocoles annexés (b) énonçant les
règles de fond relatives à certaines armes.
a. Le contenu de la convention proprement dite
La convention proprement dite contient certaines dispositions
qui méritent notre attention. Ainsi, nous examinerons successivement son
champ d'application (1°), l'expression des parties à être
liée (2°).
1°. Le champ d'application
Depuis son amendement en décembre 2001, la convention
de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes
classiques qui peuvent être considérées comme produisant
des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, a vu
son champ d'application s'étendre à tous les types de conflits
armés.
En effet, quand elle a été adoptée en
1980, cette convention et les protocoles y annexés ne s'appliquaient
qu'aux CAI. Cependant, en 1996 déjà, lors de la première
conférence d'examen des Etats parties, le protocole II y annexé,
a été modifié de façon à être
applicable aux CANI et, en 2001, la deuxième conférence d'examen
a étendu les autres protocoles en vigueur aux CANI.
Aujourd'hui, les règles de cette convention sont
applicables dans toutes les situations de conflits armés.
2°. L'expression du consentement à être
lié
Outre les modes traditionnels d'engagement aux traités
que sont la ratification, l'acceptation, l'approbation et l'adhésion, la
convention prévoit une procédure un peu particulière
applicable lors des conflits armés. Dans ces situations en effet, l'Etat
qui n'est pas encore lié par la convention ou qui n'est pas lié
par les mêmes protocoles que son ou ses adversaire(s), ou le cas
échéant tout acteur non étatique, peuvent s'engager pour
la durée du conflit par acceptation et application des instruments
pertinents.
Par ailleurs, au moment où un Etat ratifie, approuve ou
adhère à la convention de 1980 révisée, il doit
notifier au dépositoire qu'il accepte d'être lié au moins
par deux des protocoles qui lui sont annexés (Cf. article 4, paragraphe
3 de la convention).
b. Le contenu des protocoles annexés à la
convention de 1980 révisée
La convention de 1980 sur certaines armes classiques applique
à des armes spécifiques deux règles, à savoir :
l'interdiction d'employer des armes qui frappent sans discrimination, et
l'interdiction d'employer des armes de nature à causer des maux
superflus.
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1°. Le protocole relatif aux éclats non
localisables
Encore appelé protocole I, il réglemente "les
armes qui n'existent pas"44. Il interdit d'employer les armes dont
l'effet principal est de blesser par des éclats qui ne sont pas
localisables par les rayons X dans le corps humain.
2°. Le protocole sur l'interdiction ou la limitation de
l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs
Ce protocole II tel que modifié en mai 1996, a pour but
de réduire autant que possible, les pertes et les dommages civils
occasionnés par les mines, pièges et autres dispositifs pendant
les hostilités et après, quand ces engins militaires n'ont plus
aucune utilité militaire. Il touche à un problème bien
réel car de nombreux civils sont jusqu'à présent
blessés par ces mines, longtemps après les
évènements qui avaient justifié leur mise en place.
Chaque partie au conflit est responsable des mines qu'elle a
employé et s'engage à les enlever, les retirer, les
détruire ou les entretenir sans retard après la cessation des
hostilités actives.
3°. Le protocole relatif aux armes à laser
aveuglantes
L'adoption en octobre 1995 du protocole sur les armes à
laser aveuglantes est un succès de la civilisation sur la
barbarie45. Ainsi, il ressort de l'article 1er, l'interdiction faite
aux parties d'une part d'employer des armes à laser
spécifiquement conçues de telles façon que leur seule
fonction de combat ou une de ces fonctions soit de provoquer la
cécité permanente chez les personnes dont la vision est non
améliorée; d'autre part de ne transférer de telles armes
à aucun Etat ni aucune autre entité.
44 W. FENRICK, La convention de Genève sur
les armes classiques : un traité modeste mais, utile, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 547.
45 L. DOSWALD, Le nouveau protocole sur les armes
aveuglantes, Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 292
4°. Le protocole V relatif aux restes explosifs de
guerre
Le protocole le plus récemment a été
adopté le 28 novembre 2003 ; il oblige les parties à un conflit
à prendre des mesures pour réduire les dangers inhérents
aux restes explosifs de guerre et n'est pas applicable aux armes couvertes par
le protocole II modifié.
Ce protocole oblige à chaque Etat d'assister
techniquement, matériellement et financièrement à
l'enlèvement des restes explosifs de guerre qui résultent de ses
opérations militaires et se trouvent sur un territoire qu'elle ne
contrôle pas.
Telle se présente succinctement la quintessence de la
convention de 1980 sur les armes classiques ainsi que des cinq protocoles y
annexés, révisés en 2001. Il semble alors opportun de
s'interroger sur la portée d'un tel accord dont l'ambition est de
limiter les effets indiscriminés et superflus de la guerre et par
là même protéger la personne humaine.
2. La portée des règles
énoncées par la convention de 1980
révisée
Les règles énoncées dans la convention et
les cinq protocoles y annexés concernant certaines armes inhumaines,
bien que modifiée en 2001, ne comblent pas entièrement les
espoirs escomptés.
Nonobstant les lacunes que ces règles comportent (a),
la convention révisée sur les armes classiques est d'un
intérêt humanitaire certain (b).
a. Un traité lacunaire
La convention de 1980 révisée en décembre
2001, sur les armes classiques peut apparaître comme un traité
lacunaire en raison des limites que renferme le nouveau protocole II sur les
mines et le protocole V y annexés. Les principales insuffisances
tiennent à la longue période transitoire obtenue par certains
Etats et surtout à l'absence d'un mécanisme de
vérification du respect de ses dispositions et de sanction. Une loi sans
sanction n'a pas sa raison d'être.
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Aussi aucune disposition n'est prévue pour assurer le
respect de multiples prescriptions techniques édictées par le
protocole. De même, aucun moyen n'est prévu pour assurer le
respect des engagements des parties relatifs aux transferts des mines.
b. Une convention d'une importance humanitaire certaine
Le droit international humanitaire a pour objectif de soulager
et d'empêcher autant que possible les souffrances causées ou qui
peuvent être causées par les conflits armés, en interdisant
les attaques sans discrimination ainsi que l'emploi des armes ayant par nature
des effets indiscriminés ou qui sont de nature à causer des maux
superflus. La convention du 10 octobre 1980 révisée en 2001 a
pour but de codifier et de développer des règles portant
spécifiquement sur l'emploi des armes, en toutes circonstances de
conflit armé, soit en interdisant l'emploi de certains types d'armes,
soit en réglementant leur usage. Son importance est purement
humanitaire.
Par ailleurs, la convention sur les armes classiques et ses
protocoles y annexés, a le mérite d'aborder les principes de la
conduite des hostilités et de la protection des populations contre les
effets des hostilités. Elle apparaît comme un précieux
complément des protocoles additionnels de 1977 aux quatre conventions de
Genève de 1949.
Toutefois, l'idée de la protection humanitaire s'est
heureusement aussi renforcée dans les développements normatifs
survenus ces dernières années dans le domaine de la
répression pénale.
B. LES REGLES ISSUES DE LA JURISPRUDENCE DES TRIBUNAUX
PENAUX INTERNATIONAUX RELATIVES A LA REPRESSION PENALE DES INFRACTIONS COMMISES
EN SITUATION DE CONFLIT ARME
Il s'agit ici des règles du DIH telles que
développées par le TPIY et le TPIR relatives à la
répression des infractions au DIH.
En effet, longtemps avant la création de ces deux
tribunaux ad hoc, la communauté internationale s'est toujours
préoccupée au nom du DIH, à réprimer les violations
commises en situation de conflit armé. Mais celle-ci ne se limitait que
dans le cadre des CAI comme
l'atteste les deux cas de répression internationale
organisée au lendemain de la première guerre mondiale par le
traité de Versailles et surtout celle menée devant les tribunaux
de Nuremberg et de Tokyo.
Mais au lendemain des années 1990, s'est
opéré un changement de conflictualité ; les conflits
internes qui émergent de plus en plus complexes, ambiguës et
recrudescents, suivis de l'importance des moyens de guerre, occasionnent de
graves violations et atrocités à la personne humaine.
Aussi, l'ampleur des crises humanitaires dont nous avons
été témoins surtout dans l'ex Yougoslavie et au Rwanda
ainsi que la gravité des violations aux droits humains fondamentaux
perpétrées à l'encontre des civils, ont amené le
Conseil de sécurité des Nations Unies à adopter de
nombreuses mesures parmi lesquelles la création du TPIY et du TPIR dont
la fonction était de réprimer ces conduites et punir les
responsables des atrocités commises.
Ces deux tribunaux, à travers leurs décisions,
ont configuré une jurisprudence permettant la consolidation de certains
progrès dans le corpus des normes du DIH à savoir la
répression pénale des infractions du DIH (1) et la reconnaissance
de la responsabilité pénale internationale de l'individu de toute
situation de conflit armé (2).
1. La répression pénale des infractions au
DIH en toute situation de conflit armé
Bien avant 1994, la pratique des Etats tout comme la
jurisprudence internationale montraient que la répression des
infractions du DIH relevait de la compétence exclusive de l'Etat qui
avait le pouvoir et/ou le devoir de punir lui-même ou d'extrader les
auteurs présumés desdites infractions. La création du TPIY
et du TPIR respectivement par les résolutions 827 du 23 mai 1993 et 955
du 8 novembre 1994 du conseil de sécurité des Nations Unies,
marque un tournant dans le développement du DIH en matière de
répression des infractions commises.
La compétence ratione materiae des deux tribunaux
englobait respectivement tous les crimes commis en ex Yougoslavie et au Rwanda.
Ainsi, dans leurs statuts figurent le génocide et les crimes contre
l'humanité.
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Le conseil de sécurité a, pour ce qui est des
CANI, inclut dans la compétence du tribunal les violations qui peuvent,
soit être commises à la fois dans le cadre des CAI et des conflits
armés internes telles le crime de génocide et les crimes contre
l'humanité (a), soit être commises uniquement dans le cadre de
conflits internes (b).
a. La répression des violations du droit international
humanitaire pouvant être commises tant dans les conflits armés
internationaux que dans les conflits internes.
Il s'agit ici des crimes de génocide et des crimes
contre l'humanité. Alors que de l'article 2 du statut du TPIR et de
l'article 4 statut TPIY, découlent la compétence de ces deux
tribunaux pour poursuivre les auteurs du génocide ; la répression
des crimes contre l'humanité quant à elle est régit par
l'article 3 du statut du TPIR et l'article 5 statut du TPIY.
En effet, tous ces crimes ont été commis
respectivement dans le conflit en ex Yougoslavie et au Rwanda comme l'atteste
l'abondance des décisions, jugements et arrêts.
Dans l'affaire Akayesu, le TPIR a rendu en date du 2 septembre
1988 son premier jugement relatif à la répression des violations
commises dans le cadre d'un conflit interne. Jean Paul Akayesu, bourgmestre de
la commune de Taba, a été accusé de génocide et de
crime contre l'humanité pour avoir participé et encouragé
la commission d'actes de violences sexuelles dans les locaux de la commune de
Taba46.
Dans l'affaire Tadic, alors membre des forces armées
Serbes de Bosnie opérant dans la municipalité de Prijedor, Dusko
Tadic a été reconnu coupable, par le jugement du 7 mai 1997 de la
chambre de première instance du TPIY, pour crime contre
l'humanité et de crime de guerre47.
b. La répression des infractions pouvant être
commises uniquement dans le cadre des
conflits internes
Dans ce cadre, le TPIR et le TPIY sont habilités
à poursuivre les personnes qui ont commis ou ont donné l'ordre de
commettre des violations graves du DIH. Les affaires Tadic du TPIY et Akayesu
du TPIR confirment ce principe.
46 TPIR, chambre de première instance
procureur C/ J.P. Akayesu affaire n° ICTR964T, du 22 septembre
1998.
47 TPIY, chambre de première instance
procureur C/ D.Tadic, du 7 mai 1997.
En effet, dans l'affaire Anto Furundzija, il a
été reconnu, le 10 décembre 1998, coupable de crime de
guerre en particulier en vertu de l'article 3 commun aux autres conventions de
Genève relatif aux CANI48.
La jurisprudence des TPI pour l'ex Yougoslavie et le Rwanda
constitue un véritable apport au développement des normes DIH ;
la transgression de ces normes humanitaires dans le contexte de conflits
internes entraîne la responsabilité internationale de
l'individu.
2. La reconnaissance de la responsabilité
pénale internationale de l'individu en toute situation de conflit
armé
Le combat contre l'impunité a rencontré ces
dernières années un écho très favorable sur la
scène internationale avec la poursuite systématique des grands
criminels de guerre, à telle enseigne que même le supérieur
hiérarchique en donnant un ordre engage sa responsabilité
pénale (a), et même le subordonné en exécutant
l'ordre engage aussi sa responsabilité pénale (b).
a. La responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique
Il s'agit ici de la responsabilité de la personne en
position d'autorité dans une situation de conflit armé ; celle-ci
est tenue, sinon pour des actes commis par lui, du moins pour avoir su ou pour
avoir eu des raisons de savoir que son subordonné s'apprêtait
à commettre des exactions ou l'avait fait et qu'il n'a pas pris des
mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdites
exactions ne soient pas commises ou en punir les auteurs.
L'essentiel du jugement rendu dans l'affaire Tihomir Blaskic
N° IT9514T, traite de cette responsabilité du supérieur
hiérarchique. En l'espèce, commandant militaire, Blaskic a
été mis en cause et condamné en Mars 2000 non pas pour
avoir directement commis lesdits crimes, mais parce qu'il n'a pas pris des
mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher les militaires
qui étaient sous son commandement de les commettre ; et après la
commission des crimes, il ne les avait pas puni.
48 TPIR, chambre de première instance
procureur C/ A. Furundzija, du 10 décembre 1998.
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b. La responsabilité pénale du
subordonné
Aux termes du principe selon lequel chacun est personnellement
responsable de ses actes, même s'il a agi sur ordre, la transgression des
normes du DIH entraîne automatiquement la responsabilité
pénale internationale de son auteur, abstraction faite de son statut
social ou de tous autres critères analogues49.
La responsabilité pénale du subordonné,
peut être établit en toute situation de conflit armé. En se
prononçant dans ce sens, dans l'affaire Tadic, le TPIY
réitère que l'individu est responsable pénalement
lorsqu'il est reconnu auteur des crimes de guerre dans tout conflit interne.
Au regard de toutes les notions du `' Jus ad bellum » et
du `' Jus in bello `' que nous venons d'analyser, on dirait que leurs
règles sont bien consistantes pour régir valablement la guerre.
Compte tenu de ce qui s'est passé en Libye, nous sommes tentés de
vérifier la mise en oeuvre de ces règles dans ce conflit
interne.
49 D. PLATNER, Répression pénale des
violations du Droit International Humanitaire applicables aux conflits
armés internationaux, n° 785, CICR, Rome, 1990, p. 444.
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