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L'application du "jus ad bellum" et du "jus in bello" dans les conflits internes africains : etude du cas lybien


par FREDDY AMANI CHISHIBANJI
Université de Bukavu - Licence en droit 2011
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Relations Internationales
   

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SECTION II. `' JUS IN BELLO» OU DROIT DES CONFLITS ARMES

L'étude du `'Jus in bello» dans le cadre de ce travail, portera sur le dispositif normatif applicable aux conflits internes. On s'efforcera d'analyser les règles du DIH applicables dans lesdits conflits. Une telle ambition n'est possible que si l'on fait recours aux règles relatives à la protection des personnes et des biens, et à celles relatives à la répression des infractions commises dans le cadre d'un conflit interne.

En effet, l'expérience de la guerre russe et de la guerre d'Espagne jointe aux innombrables conflits armés non internationaux (CANI) survenus pendant la guerre froide qui ont mis en exergue les multiples atrocités commises à l'encontre de la personne humaine28, ont été à l'origine d'une consécration suivie du renforcement d'un dispositif juridique essentiellement applicable aux CANI (§1).

Bien plus, depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, la multiplicité des conflits internes, hétérogènes et variables, suivie de leur cortège d'atrocités29, a vu une nouvelle consécration dans les conflits internes, de certaines règles qui s'appliquent indépendamment de la situation conflictuelle en présence qu'elle soit interne ou internationale (§2).

27 P. DAILLER, M. Forteau, A. Pellet, N. QUOCDIN , Op Cit, p. 1143.

28 F. BUGNION, CICR et protection des victimes de guerre, PUF, Paris, 1989, p. 375

29 N. NTOOGUE, Le mécanisme de l'OUA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, Mémoire DEA, Etudes Africaines, Octobre 1997, p. 35, in http://roland.adjovi.free.fr/nguemb.htm/

§1 : LES REGLES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE SPECIFIQUEMENT

APPLICABLES AUX CONFLITS INTERNES

L'une des caractéristiques de l'étude du dispositif normatif applicable dans les conflits internes tient sans nul doute à la présence de certaines règles assurant la protection des personnes et des biens.

A l'analyse, on se rend compte que ces règles se sont imposées successivement dans le temps, les plus récentes complétant et renforçant les premières30. Mais dans tous les cas, l'article 3 commun et le protocole additionnel II, sont applicables aux conflits internes. Pour mieux comprendre ces règles, une logique impose que soient appréhendées d'une part l'article 3 (A) et de l'autre le deuxième Protocole Additionnel de 1977(B).

A. L'ARTICLE 3 COMMUN AUX QUATRE CONVENTIONS DE GENEVE DE 1949

Le droit applicable dans les conflits internes a longtemps été considéré comme étant une question purement interne aux Etats, et le fait de prétendre appliquer le DIH à des situations d'affrontements armés internes n'était à première vue que téméraire. Mais, l'expérience affreuse de la guerre d'Espagne a ouvert la voie à l'adoption d'une première disposition du DIH applicable spécifiquement aux CANI : l'article 3 commun aux quatre conventions31. Cet article a permis de dégager pour la première fois certains principes fondamentaux devant être respectés dans ce genre de conflit. Il convient ici d'examiner d'abord le champ d'application de l'article 3 communs aux quatre conventions (1) afin de voir son contenu ensuite (2).

1. le champ d'application de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949

La détermination ou la délimitation du champ d'application de l'article 3 impose de linéer les frontières de ce « minimum irréductible » des droits de l'homme32 ; en d'autres termes, il est important ici de préciser dans quelles circonstances et à quel moment l'article 3 est

30 F. BUGNION, Op Cit, p. 386.

31 H. PETER G., Le Droit International Humanitaire, LGDJ, Paris, 1999, p. 73.

32 S. BOITON M., La protection des journalistes en mission périlleuse dans les zones de conflits armés, Bruylant, Bruxelles, 1989, p. 192.

appelé à s'appliquer. La réponse à ces préoccupations revient à poser la problématique de son champ d'application qui se situe à plusieurs niveaux distincts qu'il faut aborder successivement à travers l'étude de son étendu matériel et spatial d'application (a) et à travers son champ d'application temporel (b).

a. Le champ d'application spatial et matériel de l'article 3 commun

Le champ d'application spatial et matériel de l'article 3 commun découle directement de la première phrase de cet article : « En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des parties contractantes ». A la lecture de cette phrase, on note que cet article 3 a un champ d'application large ; il renvoie à des situations d'affrontements armés se déroulant dans les limites du territoire d'un seul Etat où les combats opposent le gouvernement et les insurgés armés; quelle que soit leur durée et leur intensité.

Dans tout les cas, le champ d'application de l'article 3 commun est indépendamment limité à la notion de frontière étatique33.

b. Le champ d'application temporel de l'article 3 commun

Encore appelé « petite convention dans la grande », l'article 3 tout comme l'ensemble des autres règles du DIH, a un champ d'application temporel bien précis. Il s'applique de manière automatique dès l'ouverture des hostilités. Le champ d'application de l'article 3 s'étend au-delà de la cessation des hostilités jusqu'au règlement du conflit.

2. le contenu de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949

Véritable « convention en miniature »34 applicable à tout CANI, l'article 3 commun prévoit une série de dispositions protectrices dont le contenu est limité. Ces normes à valeur de droit coutumier représentent un minimum obligatoire auquel les belligérants ne

33 CICR, Comprendre le Droit International Humanitaire ; règles essentielles des conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, protection des civils et des victimes de conflits armés non internationaux, Septembre 1990, p. 53, in www.CICR.Org

34 F. BUGNION, Op Cit, P. 377.

devraient pas déroger35. En outre, cet article 3 répond à une exigence impérieuse d'humanité puisqu'il a précisément pour objectif de sauvegarder en cas de conflit interne les règles les plus élémentaires, celles qui sont à proprement parler indispensable à la survie de la personne humaine36. Il institue un droit d'initiative humanitaire (b) et consacre une réglementation minimale protectrice de la personne humaine (a).

a. Les règles minimales de protection de la personne humaine

Pour permettre que soit assurée une meilleure protection de la personne humaine dans les CANI, l'article 3 commun procède par l'énonciation de quelques prohibitions absolues de certains actes et mesures (2°), actes incompatibles avec le minimum de traitement humain de la personne humaine (1°) qu'il prône pendant les CANI.

1°. Le principe général de traitement humain des personnes ne participant pas directement ou plus aux hostiités

C'est le fondement même des quatre conventions, et il est fort heureux que ce principe se trouve dans cet article 3 commun, première tentative de réglementation des CANI. Le premier message de l'article 3 est la règle selon laquelle, en toute circonstance, les belligérants doivent traiter avec humanité et sans discrimination préjudicielle toutes les personnes qui ne prennent pas directement ou plus part aux hostilités. Celles-ci comprennent notamment les blessés et les malades, les prisonniers et toutes les personnes ayant déposé les armes, et surtout la population civile. L'article 3 assure à ces derniers un traitement humain sans quelque forme de discrimination que se soit. Et ceci se matérialise par l'énumération de certains critères discriminatoires complétés par la formule « ou tout autre critère analogue »37.

A la lecture de l'article 3 commun, on remarque qu'Il contient l'obligation spécifiquement humanitaire selon laquelle il faut prendre soin des blessés et malades ; car devant la souffrance, il n'est plus question de distinguer entre le frère en arme, l'ennemi ou l'allié : l'homme en tant qu'humain doit dans toutes ces circonstances être traité avec

35 J. PICTET, les conventions de Genève du 12 Août 1949 ; commentaire I, la convention de Genève sur l'amélioration du sort des blessés et malades en campagne, CICR, Rome, 1952, p. 56.

36 F. BUGNION, Op Cit, p. 383.

37Idem, p. 572.

humanité38. L'obligation de recueillir et de soigner les blessés et malades est absolue et inconditionnelle. Bien plus, elle est complétée par les prohibitions de certains actes et mesures qui en sont le corollaire. Aussi, il ressort que l'article 3 comporte une autre série de règles fondamentales concernant la protection de l'individu notamment l'interdiction de certaines mesures arbitraires39.

2°. La prohibition de certaines mesures attentatoires aux droits de la personne humaine

Pour concrétiser l'idée de protection de la personne humaine et de l'inviolabilité de la dignité humaine, l'article 3 interdit certains actes et mesures, qu'aucun Etat ni aucun mouvement insurrectionnel ne saurait transgresser sans se mettre au ban du monde civilisé. La prohibition de ces actes et mesures incompatibles avec un traitement humain est absolue comme on peut le constater : « A cet effet, sont et demeurent prohibées en tout temps et en tout lieu ». Il n'y a pas d'excuse ou de circonstances atténuantes possibles, car cette prohibition est à la fois absolue, permanente.

En effet, les prohibitions de la prise d'otage, des condamnations prononcées et exécutions effectuées sans jugement régulier, visent à interdire des pratiques assez générales de guerre.

Fort de ce qui précède, on note que les règles de protection de la personne humaine consacrées à l'article 3 commun, bien que maigres, sont d'une nécessité importante. Qu'en est-il de l'initiative humanitaire ?

b. Le droit d'assistance humanitaire

Depuis Henry Dunant, la solidarité humanitaire fait que l'homme doit être secouru en situation de conflit armé parce qu'il a droit à la protection en tant qu'humain40. La mention du droit d'assistance humanitaire dans l'article 3 commun n'a ainsi aucun caractère constitutif ; au contraire il s'agit uniquement de la confirmation d'un droit préexistant que la conférence diplomatique de 1949 tenue à Genève a précisé. Dans son deuxième alinéa,

38F. BUGNION, Op Cit, p 572

39 J. PHILLIPE P., L'actualisation de la protection des journalistes en mission périlleuse dans la zone de conflits armés, LGDJ, Paris, 2001, p. 47.

40 P. BUIRETTE, L'assistance, l'ingérence et le droit, CEDSI, Bruxelles, 1993, p. 194.

cette simple phrase « un organisme impartial tel que le comité international de la croix rouge pourra offrir ses services aux parties au conflit », n'établit rien de plus que le droit du CICR de faire de sa propre initiative, dans un conflit armé non international, des propositions à caractère humanitaire. Ce deuxième alinéa de l'article 3 a une grande valeur à la fois morale et pratique car avec lui, l'offre des services d'une institution humanitaire impartiale est légitime. L'article 3, pilier de l'action humanitaire en situation de conflits internes, n'oblige pas les Etats à accepter l'offre de services ; mais ceux-ci doivent au minimum l'examiner de bonne foi et y répondre41.

En effet, le droit d'initiative permet à l'organisme humanitaire et impartial intervenant dans un conflit de veiller à ce que les personnes protégées soient traitées conformément au droit humanitaire, c'est-à-dire de contrôler le respect du droit humanitaire et de suivre de près les problèmes que rencontrent les victimes des conflits armés dans leur vie quotidienne.

Cet article 3 ainsi présenté a été par la suite complété et renforcé à la conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du DIH applicable dans les conflits armés tenu à Genève de 1974 à 1977.

B. LES REGLES DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II DU 8 JUIN 1977 RELATIF AUX CONFLITS
ARMES NON INTERNATIONAUX.

Les innombrables conflits internes survenus depuis 1949 ont pleinement mis en lumière les faiblesses de l'article 3 commun. En tant que réglementation minimale, l'article 3 n'offrait aux victimes des conflits internes qu'une protection rudimentaire ; s'est alors imposé la nécessité de renforcer cette protection par l'adoption de nouvelles règles devant compléter cet article 3. Fort heureusement, à la fin de la conférence diplomatique de 1977, furent adoptés deux protocoles additionnels aux conventions de Genève de 1949 parmi lesquels figure le deuxième protocole additionnel relatif aux CANI. Ce dernier qui mérite notre attention, à son analyse a un champ d'application bien défini, (1) bien que son contenu soit élargi (2).

41P. BUIRETTE, Op Cit, p. 194

1. Le champ d'application du protocole additionnel II

Le protocole additionnel II, premier texte conventionnel entièrement consacré aux CANI, a un champ d'application matériel limité (a), bien que ce ne fut pas le cas en ce qui concerne son champ d'application personnel (b) inscrit à l'article 2.

a. Un champ d'application matériel limité

Aux termes de l'article 1er, on note que le paragraphe 1er en définissant la notion de CANI, limite le champ d'application du deuxième protocole additionnel aux CANI.

L'application du deuxième protocole additionnel dépend de la réalisation de certaines conditions objectives et ne saurait résulter de l'appréciation discrétionnaire des parties au conflit42.

En revanche, l'article premier en son paragraphe 2 exclut du champ d'application du protocole additionnel II : Expressément les tensions internes et les troubles intérieures comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et d'autres actes analogues. Implicitement, les conflits armés internes opposant des groupes armés organisés entre eux dont aucun ne représente le gouvernement en place.

Malgré que ce protocole II soit limité, parlons de son champ d'application personnel.

b. Un champ d'application personnel étendu

Le champ d'application personnel du deuxième protocole additionnel de 1977 est directement traité au paragraphe 1er de son article 2.

En effet, ce champ d'application personnel est relatif à toutes personnes affectées par un CANI, sans discrimination aucune. L'énumération de certains critères discriminatoires suivie de la formule « ou tous autres critères analogues » témoigne de l'étendu du champ d'application personnel du protocole additionnel II. Cette application du deuxième protocole additionnel à toutes les personnes humaines affectées par le conflit commence du début jusqu'à la fin du conflit.

42 F. BUGNION, Op Cit, p. 389.

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Ainsi ressort-il ici, que son champ d'application personnel, bien qu'étendu, est tributaire de la protection qu'il accorde à la personne humaine en situation de conflits internes ; et cette protection apparaît manifestement au niveau de son contenu.

2. Le contenu élargi du protocole additionnel II

A la lecture de ce premier texte conventionnel entièrement consacré aux CANI, il ressort qu'il consacre de nombreuses garanties importantes (a) et une très grande protection à toutes personnes humaines (b).

a. Les Garanties fondamentales

Le protocole additionnel II définit de nombreuses garanties fondamentales et importantes pour des personnes touchées par des CANI. Ces garanties concernent toutes les personnes humaines sans discrimination aucune et en toutes circonstances comme l'atteste l'article 4 paragraphe 1er.

En effet, le protocole additionnel II interdit les punitions collectives, les atteintes à la santé et au bienêtre physique et mental, les actes de terrorisme, le viol, la contrainte à la prostitution et les attentats à la pudeur, l'esclavage et le pillage.

De plus, il comporte des dispositions relatives à la protection des enfants et prévoit des garanties à un jugement équitable en ce qui concerne la répression des violations.

b. La protection des malades, blessés, naufragés

Le protocole additionnel II contient des articles relatifs à la protection et aux soins des blessés, malades et naufragés ainsi qu'à la protection du personnel sanitaire et religieux.

Protéger ces personnes, c'est les traiter humainement, les recueillir et les soigner, leur assurer la subsistance et le ravitaillement nécessaire à leur survie. Aussi de l'article 9 paragraphe 2, il ressort que le personnel sanitaire et religieux ainsi que leurs unités et moyens de transport bénéficient d'une protection générale leur permettant d'assurer pleinement leur mission. Ils devront ainsi être respectés et protégés contre les poursuites pénales (Voir article 10 CGPAII). Qu'en est-il de la protection de la population civile ?

c. La protection de la population civile.

La protection de la population civile en situation de conflit armé, sur lequel est fondé le droit humanitaire, renvoi au principe de l'immunité totale de la population et de sa protection.

Dans cette logique, le protocole II renforce cette protection par l'interdiction expresse de toutes les attaques militaires contre la population civile, l'utilisation de la famine comme méthode de combat et les déplacements arbitraires des populations civiles.

Bref, quiconque ne participe pas ou ne participent plus aux hostilités doit en être épargné.

§2. LES REGLES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE APPLICABLES INDIFFEREMMENT AUX CONFLITS ARMES INTERNATIONAUX ET AUX CONFLITS ARMES NON

INTERNATIONAUX

Les changements politiques et stratégiques qui se sont produits dans la société internationale au début des années 1990 n'ont pas opposé, malgré les perspectives initiales, l'amorce d'une nouvelle ère de paix et de respect des droits de l'homme au cours de laquelle les conflits armés auraient progressivement disparu. C'est au contraire, pendant cette décennie du XXe siècle, une période pleine d'incertitudes dénommée l' « après guerre froide », que nous avions assisté à l'explosion des conflits internes, plus déstabilisateurs et porteurs de dangers aux conséquences graves43.

En effet, il est à noter que ces conflits internes n'étaient soumis qu'à une réglementation beaucoup plus restreinte parce que considérés comme de situations intérieures et, de nos jours, dans des cas très spécifiques, ce changement de la nature des conflits armés a parfois été pris en compte pour faire évoluer la réglementation en la matière. C'est ainsi qu'on assiste à une application aux CANI de certaines règles reconnues en matière en conflits armés internationaux (CAI) en l'occurrence celles relatives à l'interdiction et la limitation de l'emploi de certaines armes classiques (A) et celles issues de

43 N. NTOOGUE, Op Cit, p. 33.

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la Jurisprudence des Tribunaux pénaux internationaux relatives à la répression pénale des infractions commises en période de conflit armé (B).

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