IV.2.1. Des partis politiques absents
Le blocage essentiel de la démocratie malgache
résulte en grande partie par l'absence des partis politiques. Ce que
nous voulons dire par absence, ce n'est pas pour dire qu'ils ne sont pas
là mais pour illustrer le dysfonctionnement des partis politiques
actuels. Actuellement, Madagascar compte plus de 333 partis politiques. Ce
chiffre cadre bien l'exercice d'une démocratie. Pourtant, le
fonctionnement des partis politiques dans le pays montre que la
démocratie est aujourd'hui l'idéologie qui permet au parti
politique ou plus justement le leader du parti de s'enrichir et de gagner les
avantages liés au pouvoir. Dans l'état actuel des choses,
créer un parti politique est un passage obligé pour
accéder au pouvoir. Faire de la
35 Notre entretien individuel.
politique n'est plus une conviction personnelle, ni une
démarcation idéologique, c'est tout simplement une
nécessité absolue pour s'enrichir et jouir de
l'impunité.
L'histoire des partis politiques dans le pays permet de voir
que le multipartisme n'arrive pas à résoudre le problème
de fond du pays. Les partis politiques ne jouent plus le rôle de
producteur d'idée, ou le lieu de réflexion. L'histoire du
mouvement de foule dans le pays est à cet égard un exemple
permettant de mesurer la faiblesse des partis politiques à donner des
alternatives de solution au problème du pays. En effet en 1972, les
partis politiques sont incapables à prendre le pouvoir en cédant
sa place à des militaires. En 1991, 2002, 2009, le pouvoir est conquis
par un homme jusque là méconnus du champ politique
considéré comme l'homme providentiel. Des petites formations
politiques se forment autour de l'homme providentiel donnant naissance un
gouvernement fragile. Ce processus explique l'instabilité
gouvernementale. Tous les chefs d'Etat qui arrivent au pouvoir n'arrivent pas
à gérer ses coalitions hétérogènes.
Le parti politique en question n'a pas de positionnement
idéologique, ni de projet de société, ni de
stratégie de gouvernance. Une fois au pouvoir, le parti devient
monopartisme, et tous les représentants de chaque territoire se
proclament appartient à ce même parti, car pour pouvoir prendre
part aux richesses, et gagner de l'immunité, il faut
impérativement se déclarer de ce même parti. L'exemple ne
manque pas, il suffit de voir les partis politiques représentants au
sein de l'assemblée nationale, en 1983, l'AREMA obtient 117
sièges sur 137 au sein de l'assemblée. Pendant l'époque de
Ravalomanana 90% des sièges appartiennent au parti politique TIM.
Actuellement, le schéma se reproduit où l'on voit de la
domination du parti TGV. Cette situation ne fait que stériliser les
débats politiques au sein de l'assemblée surtout cette
institution fonctionne à la loi de la majorité et le vote
à main levée. C'est toujours le parti du chef d'Etat qui a le
dernier mot à dire.
Les partis politiques sont hostiles aux intérêts
généraux de la nation. Ils réduisent les débats
d'idées à un simple instrument de leur stratégie
d'accession au pouvoir ou de maintenir au pouvoir et de gérer un
système source de satisfaction personnelle c'est-à-dire l'Etat.
Le débat politique, normalement en démocratie, devrait traiter
les problèmes de fond du pays, mais en fait nous assistons à la
simple négation des questions essentielles, l'assujettissement du
débat au fonctionnement du système. L'Etat se réduit
à un simple supermarché politique au sens Touraine du terme dans
lequel les partis politiques font la course au pouvoir afin de s'enrichir. La
répartition des rentes est actuellement les conditions essentielles de
la stabilité politique car elle pousse les élites politiques
à s'abstenir à la violence.
Les partis politiques se réduisent à des
machines de conquête de pouvoir dont l'Etat a besoin pour pouvoir
exister, des machines qui servent à recycler des personnels corrompus et
toujours intéressés, pour illustrer ce propos, on peut signaler
le comportement des hommes politiques qui quittent volontairement son parti
pour adhérer à un autre par opportunisme politique ou
préservation des intérêts personnels. La fonction d'un
parti politique est aujourd'hui de gérer un système source
d'insatisfaction et d'inégalité pour la majorité de la
population.
Le foisonnement des partis politiques d'aujourd'hui s'explique
par les intérêts portés au pouvoir et comme ressource des
intérêts personnels. Un autre problème du multipartisme
qu'on soulève toujours dans le pays c'est l'assise nationale des pays.
Une grande partie des partis ne disposent pas de couverture nationale, ils
n'arrivent pas à s'intégrer dans tous les territoires nationaux.
A cela s'ajoute l'inexistence d'un véritable parti politique
d'opposition. Le multipartisme est une caractéristique d'un
régime où la liberté d'association permet à plus de
deux partis de participer aux débats politiques et aux élections.
Le multipartisme est une condition qui permet aux citoyens de contrôler
les actions de l'Etat, pourtant, il n'existe pas de parti politique qui joue le
rôle intermédiaire entre le citoyen et l'Etat. Ce n'est que
pendant le moment de l'élection que les partis politiques pensent
à l'existence du peuple. Mais la période de l'élection va
être le moment qui renforce le divorce entre les peuples et ceux qui sont
censés les représenter. Une fois l'acte électoral accompli
la vie quotidienne reprend son cours normal. Les thèses élitistes
trouvent ici son importance en affirmant que la démocratie politique
n'est qu'une oligarchie déguisée36. Rien ne garantit
que les représentants élus exécutent nécessairement
la volonté du peuple.
Au cours de notre entretien individuel, toutes les personnes
interrogées se rangent du côté de l'institutionnalisation
du bipartisme ou au moins la limitation du nombre des partis politiques dans le
pays. Les idées véhiculées par ces personnes sont le
rassemblement des partis politiques ayant les mêmes visions ou
idéologies en des groupements forts et solides. La limitation des
nombres des partis politiques au moins autour de 100. A chaque moment fort de
l'histoire, les hommes politiques s'empressent à créer des partis
politiques mais lorsque la période électorale arrive les nombres
des partis qui se présentent aux élections ne dépassent
pas le nombre de 10.
Il appartient aussi au parti politique d'exercer le rôle
d'éducateur des citoyens, mais nous apercevons que ce rôle est
complètement oublié. Aucun parti politique d'aujourd'hui n'a pas
de projet d'éducation citoyenne. L'inaccomplissement de ce rôle se
réaffirme en posant la
36 C'est surtout Robert Michels qui a décrit la
tendance oligarchique au sein des démocraties dans son ouvrage la
sociologie du parti politique dans la démocratie moderne (1911).
question suivante aux citoyens. « Est ce qu'il existe
dans votre quartier des partis politiques qui donnent de cours
d'éducation civique ou au moins informer sur ce qu'est la
démocratie ? ». Les citoyens nous ont livré des
réponses négatives.
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