WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Contribution à  l'étude sociologique de la pratique démocratique dans le contexte malgache

( Télécharger le fichier original )
par Alain Ranindrianoro
Université d'Antananarivo - Maitrise sociologie 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IV.1.2. L'abstentionnisme

La participation se trouve au coeur de l'idéal de la vie démocratique, c'est à travers l'élection l'instrument par excellence de la démocratie que le peuple a son mot à dire sur la décision du pays. C'est à travers l'élection que le pouvoir des dirigeants puise sa source de légitimité. Cependant, la baisse du taux de participation de la population pose le problème de légitimité du pouvoir.

En ce qui concerne Madagascar, le phénomène de l'abstention commence à gagner du terrain et ne cesse de s'amplifier. A l'appui de ce propos, on constate une certaine tendance de la baisse de participation électorale qui s'avoisine autour de 40 à 48 %, ce qui revient à dire qu'une grande partie de l'électorat ne participe pas aux opérations électorales.

Pour avoir une image de l'abstention dans le cas de Madagascar il s'avère nécessaire de
rappeler quelque chiffre qui stipule la baisse de participation de la population dans le

33 Andriamahefa in Revue de l'Océan Indien, n° 315.

processus électoral. Nous nous referons ici à quelques données d'études réalisées par Roubaud François sur la sociologie électorale à Madagascar.

Lors de l'élection de 18 novembre 1945 le deuxième tour de l'élection du 21 octobre 1945, l'abstention est enregistrée à 42,52 %. Pendant l'élection législative en novembre 1946, elle avait atteint 44,06 %. Ce n'est que l'élection en 1992 que le taux de participation a atteint un taux élevé avoisinant le 81 % force est de souligner que cette élection est la consultation électorale déroulant dans la régularité. Notons également qu'à l'élection présidentielle en 1996 premier tour le taux d'abstention est de 41,6 % et au deuxième il a augmenté de 50,3 %34. Le schéma s'est reproduit pendant l'élection présidentielle du décembre 2006 ou l'on assiste à la victoire de Ravalomanana avec un taux d'abstention de 38,06 %. Le taux d'abstention est de 47,4 % lors du dernier referendum constitutionnel du 17 novembre 2010. Nous tenons à signaler que ce referendum s'est démarqué par les autres par l'usage du bulletin unique.

Ces quelques données montrent qu'une tendance à la désaffection de la vie politique est en train de s'opérer dans le pays. Mais comment expliquer ce taux d'abstention ? Le taux d'abstention est un indicateur de l'exclusion sociale plus précisément de l'exclusion de la vie politique. Comme nous l'avons souligné précédemment cette exclusion de la vie politique peut résulter du système lui-même à cause du problème de non inscription dans la liste électorale. L'imperfection de la liste électorale produit l'exclusion du citoyen de ses propres droits. La motivation de l'individu à participer à une élection dépend de la fiabilité de la liste électorale.

Toutefois, la participation à une élection dépend également d'autre variable comme le niveau de l'éducation de l'individu, l'enjeu de l'élection, par exemple plus l'élection est importante plus les citoyens sont motivés à aller voter. Elle dépend de l'intérêt du citoyen de ce que rapporte l'élection pour lui. L'étude réalisée par Roubaud François a montré que ce sont les jeunes âgés de 18 à 24 ans qui sont les plus abstentionnistes. Leurs observations pendant l'élection présidentielle en 1996 dans l'agglomération d'Antananarivo ont permis de constater qu'un tiers de ce groupe d'âge n'accomplit pas ses devoirs électoraux. Les abstentionnistes sont de 28 % pour la tranche d'âge de 25 à 29 ans.

Pour notre part nous avons interrogé les individus concernant le dernier referendum constitutionnel du 17 novembre 2010. Ce referendum a permis de savoir l'attitude des citoyens à l'égard du vote mais également leurs attitudes dans sa première expérience de l'utilisation du bulletin unique. Parmi les 65 individus enquêtés, 35 % ont déclaré participer

34 Roubaud François, qui vote pour qui et pourquoi ? Un essai de sociologie électorale à partir des élections présidentielles dans l'agglomération d'Antananarivo, 1992-1996. Novembre 1997.

au referendum tandis que 65 % n'ont pas participé. Pour connaître la perception de la population quant à l'utilisation du bulletin unique, nous avons recueilli que pour les individus ayant participés à ce referendum, ils éprouvent de difficulté du fait que c'est la première fois qu'on pratique cette méthode de scrutin. Il est étonnant de constater que les individus qui déclarent participer à ce référendum n'ont pas encore lu le texte constitutionnel dans lequel ils sont censés de choisir.

Pour les individus qui n'ont pas participé à ce referendum, leurs raisons s'expliquent d'abord par le manque d'information et de mobilisation concernant l'objectif de ce referendum. Ensuite, les personnes interrogées ont insisté que c'est une pratique de modifier chaque fois la constitution mais ça ne change rien. Elle est modifiée dans l'intérêt des dirigeants mais non pas pour l'intérêt de la population.

L'abstentionnisme évoque l'exclusion politique de la population, il découle aussi une crise de représentativité de la pratique démocratique actuelle. Pour connaître la pensée de la population à l'égard de ses représentants, nous avons posé la question suivante : vous sentez vous représenter par vos élus nationaux/locaux ?

Graphique n° 01 : Représentation des élus.

Source : Enquête personnelle 2011-2012.

A partir de ce graphe nous constatons 2 % seulement de notre individu enquêté se déclare représenter par les élus nationaux et locaux, 86 % ne se sentent pas représentés par les élus. Ce pourcentage révèle une attitude négative des hommes politiques qui sont censés représenter la population dans la sphère politique.

Cette crise de représentativité reflète la déception des citoyens en raison de
l'inaccomplissement des promesses tenus au moment de la propagande électorale. La
politique malsaine qui occupe le devant de la scène politique, le développement qui n'a pas

lieu jusqu'ici, le champ politique qui devient un simple lieu de reproduction sociale des classes politiques, la tendance à la gestion familiale du champ politique, le clientélisme politique, la mauvaise gouvernance et les tripatouillages électoraux sont les facteurs de compréhension du comportement des citoyens devant le désintéressement face à ses représentants.

Tableau n° 05 : comportement des citoyens à l'acte électoral.

Se sentir concerné par L'élection

Raison de

Participer à l'élection

Pas du tout concerné

Peu concerné

Assez concerné

Très concerné

Parce que c'est un droit

1,5 % (1)

4,6 % (3)

1,5 % (1)

49,2 % (32)

Prendre part dans la décision du pays

1,5 % (1)

0,0 %

1,5 % (1)

7,7 % (5)

Parce que je suis citoyen

0,0 %

0,0 %

0,0 %

3,1 % (2)

Parce que rien ne change

16,9 % (11)

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Ca n'apporte rien si je vote Ou je ne vote pas

3,1 % (2)

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Je n'ai jamais voté

6,2 % (4)

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Pas de réponse

1,5 % (1)

1,5 % (1)

0,0 %

0,0 %

Total

30,8 % (20)

6,2 % (4)

3,1 % (2)

60 % (39)

Source : Enquête personnelle 2011-2012.

Devant le dysfonctionnement que traverse le système politique malgache, les citoyens réduisent l'opération électorale en un simple acte de vote. Le tableau montre que 49,2 % des citoyens qui sentent concerner par les élections disent que l'élection n'est qu'un simple acte de droit. Nous avons demandé aux citoyens ce qu'est le sens de leur vote, les réponses se tournent autour de question de droit. 7,7 % seulement de nos enquêtés qui se sentent concerner par les élections affirment que l'élection est le moment pour prendre part aux décisions dans le pays. 16,9 % ne sentent pas concerner par les élections en raison de l'inexistence du changement. Les citoyens qui se regroupent dans ce pourcentage attestent que les gens qui arrivent au pouvoir ne font que réécrire l'histoire à la manière de leurs prédécesseurs. Les politiciens malgaches parlent tous du bien du peuple. Ils disent qu'une fois arrivés au pouvoir ils transforment le monde cependant il n'en est rien. Ils ne font que s'enrichir et maintenir à vie sur le pouvoir.

La crise de représentativité se confirme lorsqu'il s'agit de demander aux citoyens sur la perception des dirigeants politiques à Madagascar. Les classes politiques ont perdu leur crédibilité aux yeux des citoyens. D'aucun ne déclare favorable à la classe politique. Les citoyens ne font pas confiance à leur classe politique. Les politiciens arrivent à dépolitiser une grande majeure partie de la population. En posant la question aux citoyens « que reprocher vous aux dirigeants politiques actuels et passés ? ». Égoïste, menteur, démagogue, corrompu, qui ne connaît pas la réalité de la population, dictateur, magouille, impunis, pas d'éthique, sont les mots utilisés par les citoyens pour qualifier leur classe politique. Les personnes interrogées affirment à 86 % que la classe politique dans le pays ne change pas. 14 % seulement disent que la classe politique change. Elles font références le plus souvent au changement de la tête du chef d'Etat.

Graphique n°02 : la perception sur le changement de la classe politique.

Source : Enquête personnelle 2011.

Les citoyens ne font plus confiance à leur classe politique, cette situation ne peut que discréditer et engendre un scepticisme qui illustre la désaffection progressive des citoyens au regard de la vie politique et de ses représentants. La population a élu des hommes et des femmes qui vont les sanctionner et créer sa propre aliénation. Cette situation s'illustre par le rapport du citoyen à la loi. Théoriquement, les citoyens élisent les députés qui sont leurs représentants au sein de l'assemblée nationale. Ce sont les députés qui votent les lois au nom de la volonté populaire, cependant dans la réalité, ces lois ne s'adaptent pas aux réalités quotidiennes de la population, ni d'application, à cela s'ajoute l'inégalité dans l'application de la loi. Lors de notre enquête presque la population a répété le problème de la justice « rehefa tsy manam-bola eto dia migadra na tsy meloka aza » (littéralement, « si vous n'avez pas d'argent, vous êtes en prison même si vous êtes innocent »).

Les hommes qui sont censés de représenter les citoyens au sein de l'assemblée ne font que voter des lois à leur mesure et ne sont pas en contradiction avec leurs intérêts personnels. Le culte de l'impunité qui est en train de s'opérer dans le contexte actuel est un exemple convaincant35. C'est pour cette raison qu'on trouve une certaine tendance de la régression de la conscience citoyenne élément indispensable à la démocratie. Les citoyens voient leur avenir sans leurs représentants.

Toutefois, nous apercevons un paradoxe du comportement de la citoyenneté, la défiance que l'on peut constater est contradictoire du comportement des citoyens. Ils reproduisent systématiquement sa propre condition d'exclusion sociale ou de sa propre aliénation politique. Ils reconduisent en permanence soit par l'intermédiaire du mouvement de foule (moyen d'expression populaire) ou par l'intermédiaire de l'élection (moyen de l'expression de la de décision) les mêmes hommes politiques au pouvoir en sachant qu'ils ne font rien d'autre que ce que les autres ont déjà fait. Dans ce cas, la participation citoyenne apparaît un rituel d'exclusion sociale et qui par ses choix participe à créer une classe privilégiée, une oligarchie de pouvoir. L'élection et le mouvement de foule ne sont que des faire-valoir qui légitiment sa propre exclusion.

IV.2. Les acteurs de la démocratie

Comme nous l'avons noté la démocratie ne se pratique pas d'elle-même, elle a besoin des acteurs pour être réalisable. Actuellement, ce sont les partis politiques qui occupent la première place dans la réalisation de la démocratie. Sur le plan formel, les partis politiques constituent les faiseurs d'opinion dans une société donnée. Ce sont eux qui cherchent les alternatives face aux difficultés que traverse un pays. Les partis politiques ont pour vocation première de conquérir et d'exercer le pouvoir.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius