CHAPITRE IV : REFLEXIONS SUR LA PRATIQUE
DEMOCRATIQUE
Le présent chapitre va aborder les différentes
pratiques de la démocratie dans le contexte malgache. Ainsi, nous
attacherons notre réflexion sur l'étude de l'instrument d'une
réalisation de la démocratie à savoir les
élections, et sur l'étude des acteurs de la démocratie.
IV.1. Les élections
L'élection est souvent considérée comme
l'indicateur de la présence de la démocratie dans un pays. Elle
est devenue un rite de tous les pays démocratiques en tant que
mécanisme de procédure des sélections des dirigeants qui
vont censés théoriquement représenter les peuples sur les
sphères de décision.
Dans le cas de Madagascar, l'élection au sens moderne
du terme est apparue dans le pays dans le contexte de la colonisation. Le pays
a connu sa première consultation populaire le 21 septembre 1945 pour
l'élection de la première constituante. L'électorat
était limité aux autochtones ayant un certain niveau
d'instruction. Pendant la période de la colonisation les
électorats sont définis par la loi 46-2151 de 5 octobre 1945. Les
élections législatives du 2 janvier 1956 ont appliqué le
suffrage presque universel selon la disposition de la loi 47-1606. Le suffrage
universel est appliqué pendant le referendum du 28 septembre 1958. La
première élection présidentielle était
effectuée par le suffrage universel indirect le 1 mai 1959, ce n'est que
le 25 février 1965 que l'élection présidentielle s'est
déroulée dans le cadre d'un suffrage universel
direct31.
En regardant sur les faits du processus électoral à
Madagascar, nous constatons que le rituel démocratique n'est pas encore
au rendez vous dans le pays.
IV.1.1. Election : pratique démocratique difficile
à maîtriser
Si l'élection manifeste le devoir des citoyens à
l'égard de la nation, force est de constater que les conditions requises
pour accomplir ce devoir ne sont pas encore remplies dans un pays qui se croit
démocratique. Formellement, une élection est démocratique
lorsqu'elle se déroule selon la disposition édictée par le
code électoral et la constitution.
En ce qui concerne Madagascar, le problème se rencontre
au niveau de la fiabilité de la liste électorale par le manque de
volonté du pouvoir en place d'effectuer un recensement
général de la population. La révision de la liste
électorale se déroule toujours dans une précipitation soit
le plus souvent trois mois avant la date de l'élection. Le
résultat de cette pratique c'est qu'une grande partie de
l'électorat est disparue, l'omission d'électeurs
31 Spacensky (A.), Madagascar, 50 ans de vie
politique de Ralaimongo à Tsiranana, nouvelles éditions
latines, 1970.
nouvellement recensés, l'absence du nom de
l'électorat dans la liste. Le recours fréquent à
l'ordonnance témoigne que le pays n'est pas encore à la hauteur
de la préparation de l'élection conforme à la règle
démocratique. Le dernier referendum du novembre 2010 est un exemple
convaincant concernant l'incompétence du pays à organiser une
élection, en effet, pendant ce dernier referendum il est accepté
d'utiliser la carte d'identité nationale pour pouvoir voter ce qui est
en contradiction de la règle édictée par le code
électoral. Le problème devient crucial malgré
l'introduction de la nouvelle technologie pour la confection des listes
électorales. Les hommes qui se chargent de traiter informatiquement la
liste électorale sont rémunérés à chaque nom
tapé, cette situation entraîne l'imperfection de la liste
électorale.
Ensuite, Madagascar souffre d'une maladie de
l'interventionnisme, les politiciens et les membres de la société
civile que nous avons interviewés ont tous insisté sur ce
problème. Les institutions qui se chargent de l'organisation des
élections sont sous les influences du pouvoir étatique à
savoir la HCC, le ministère de l'intérieur. La présence
des partis politiques pour la vérification des listes électorales
dans les institutions préparant les élections n'est pas toujours
le bienvenu alors que c'est un droit du parti de vérifier l'existence de
cette liste. Cette pratique remet en cause toute la crédibilité
des élections32.
Il convient de signaler également le problème de
financement et logistique des partis politiques. Actuellement, les candidats se
chargent de l'impression de leur propre bulletin et la livraison des bulletins
de vote dans le bureau de vote dans le territoire national. Cette situation
pose de problème car certains candidats n'ont pas la possibilité
de surmonter le coût du processus électoral. L'inexistence des
bulletins d'un candidat dans un bureau de vote peut avoir des incidences sur
les résultats des élections mais également sur le choix du
citoyen soit il ne vote pas parce que son candidat ne figure pas dans la
compétition soit il vote mais un vote blanc, ou il vote par
réflexe d'un simple droit. Le processus diminue l'égalité
des chances des autres candidats, de ce fait le parti au pouvoir part avec une
longueur d'avance plus le soutien de l'administration publique. La situation
arrange le candidat au pouvoir à cause de l'instrumentalisation des
ressources étatiques. A l'appui de ce propos par exemple
l'instrumentalisation du pouvoir en place de la chaîne nationale durant
la propagande électorale, ce problème est souvent soulevé
à chaque élection mais ne fait l'objet d'une discussion. La
grande majeure partie de la population ne connaît pas le fait qu'il est
son droit de vérifier la liste électorale.
Enfin, en ce qui concerne la campagne électorale, il
est pratique courante dans le pays de faire un pré campagne qui se
matérialise par la sponsorisation des activités sportives, la
32 Entretien individuel avec des politiciens.
visite d'un lieu suivi d'une oeuvre de charité. En
matière de campagne électorale, on assiste à un
marchandage d'un vote ou l'achat de conscience. Le processus est simple, si la
campagne électorale supposée le moment de l'exposition des
programmes politiques devient le moment de marchandisation d'un vote du citoyen
par la distribution gratuite des billets d'argent, la distribution des
T-shirts, l'exposition des projets qui se forge au hasard du discours de la
circonstance et le milieu visité. Andriamahefa fournit une explication
convaincante quant à la pratique de la propagande politique à
Madagascar à cet égard il a souligné que « les
pratiques de la propagande par contre, supposées être le terrain
de confrontation des programmes, l'exposé politique, viennent tout
remettre en cause. Durant cette période, il faut s'attendre à
tout, tout sauf au débat républicain : le parti devient un
conflit ethnique, la question d'argent peut prendre le dessus de la ligne
politique. Bref, le parti supposé être le milieu
d'éducation des membres n'a plus de raison d'être durant les
propagandes en devenant leur propre terrain de conflit et d'animosité.
Avec tous ces jeux antidémocratiques, le malgache lambda ne sait plus
s'il a choisi le parti ou élu l'individu (à cause de son argent
ou de son appartenance ethnique) [...], en moins d'un an il s'adjoint un
nouveau statut : d'élu démocratiquement, il devient le guide du
peuple. Une fois le processus engagé l'élu est propulsé en
demi dieu intouchable »33
Les irrégularités du fonctionnement de
l'élection demeurent une source de l'abstentionnisme des citoyens
à l'égard du processus de la démocratie. L'abstention
devient un indicateur qui illustre le discrédit du système
politique malgache. La population devient réticente à
l'égard de la chose publique.
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