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Contribution à  l'étude sociologique de la pratique démocratique dans le contexte malgache

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par Alain Ranindrianoro
Université d'Antananarivo - Maitrise sociologie 2012
  

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CHAPITRE III : LES MODALITES DE DEMOCRATISATION A

MADAGASCAR

Au cours de ce chapitre que nous réservons à la modalité de démocratisation à Madagascar, nous attacherons l'étude au processus historique ayant marqué l'avènement de la démocratie dans le pays, nous continuons l'étude par la déduction des faits essentiels de ces contextes historiques.

III.1. Le contexte de la décolonisation

Au regard de l'histoire de la politique malgache, la quête de la démocratie remonte déjà à l'aube de l'indépendance. Les injustices, l'oppression dans tous les domaines, l'inexistence de la liberté dans le contexte colonial ont éveillés les malgaches à chercher la libération.

III.1.1.Une lutte pour la démocratie

Les mouvements de lutte menée par les formations politiques secrètes et les intellectuels ont débouché sur l'indépendance. La souveraineté nationale, la libération du joug colonial, l'accession à l'indépendance étaient les principales revendications. Des formations politiques ont émergé portant la dénomination démocratique à savoir UPDN, le MDRM, UDSM21.

Une fois l'indépendance obtenue, le régime qui se met en place est proclamé un régime démocratique. Il convient de rappeler que le premier parti politique arrivé au pouvoir fut dénommé PSD descendant du PADESM. A cette époque de la renaissance de l'indépendance, le pays a évolué vers un régime démocratique structurel, le régime politique est dominé par le présidentialisme où tout le pouvoir se concentre aux mains de l'exécutif. Le champ politique est dominé par le monopartisme. L'économie est ouvertement capitaliste malgré le slogan social démocrate. La constitution pierre angulaire de la démocratie est héritée de la Quatrième République privée de son sens et de son contenu. Le régime en place a maintenu la relation fidèle avec la France cristallisée par les accords de coopération, la présence des français dans l'administration du pays.

Par ailleurs, nous soulignons que le contexte de l'indépendance dans le pays ne résulte pas de l'action des leaders politiques nationales, mais aussi par le dynamisme du contexte international d'alors.

En outre le contexte de la décolonisation a produit de nombreux critiques jusqu'à aujourd'hui.
Il est souvent évoqué le contenu politique de cette indépendance. Des auteurs ont insisté que
l'indépendance des pays africains y compris Madagascar n'est qu'une coquille vide. C'est une

21 Randriamamonjy (F), Histoire de Madagascar de 1895, 2002, Trano Printy Loterana Malagasy Antananarivo 2001.

indépendance purement formelle née par les besoins de la conjoncture mondiale. L'oeuvre de Ziegler mérite d'être rappelée ici lorsqu'il parle de « protonation » pour designer l'ensemble des pays d'Afrique nouvellement indépendant. Ainsi il a résumé en ces termes suivants « la décolonisation ne marque guère qu'un moment anomique dans le système de domination planétaire érigé par le capital financier, les anciennes puissances tutélaires (France, Angleterre, Belgique), affaiblies par la 2e Guerre Mondiale soumises au diktat du capital hégémonique nord-américain, sont obligées d'accorder une indépendance formelle aux bourgeoisies compradores qu'elles ont mises en place au cours de 50 ans de domination coloniale. [...], la protonation du grec (protos) « rudimentaire » « primitif » est aujourd'hui la forme de société la plus répandue en Afrique. [...], elle est une pure création de l'impérialisme. La protonation est le produit d'une conjoncture particulière du devenir de l'impérialisme »22

III.2. De l'ajustement structurel à l'ajustement démocratique

Comme nous l'avons souligné, l'année 80 et 90 est une époque de remise en question du régime politique marxiste phénomène cristallisé par la chute du mur de Berlin, et le triomphe de l'universalisation des valeurs occidentales.

Les pays du tiers monde sous l'expérience marxiste sont ravagés par une crise économique profonde. La condamnation de ces échecs économiques, la corruption qui mine l'administration, l'incohérence de la politique avec la réalité, l'absence de liberté ont incité les populations locales à une revendication des libertés, une gestion efficace de l'économie. De leur coté, les occidentaux poussés par leurs calculs stratégiques ont lancés les conditions d'aide économique en faisant croire que l'instauration de la démocratie favorisera le développement. Le FMI et la Banque mondiale sont devenus le démiurge du développement. A ce propos, Osvaldo de Rivero souligne que « au cours des 20 dernières années, en plus d'une aristocratie mondiale, dont le pouvoir dépasse celui des Etats nations, une bureaucratie internationale non élue par les peuples est aussi apparue qui établie les règles du jeu économique pour la majorité de la population mondiale. Aujourd'hui, le FMI, et la banque mondiale ont acquis le pouvoir supranational de dicter et de superviser les politiques économiques de n'importe quel pays pauvre et d'influer pour le meilleur et pour le pire sur la vie quotidienne de n'importe quel citoyen sans avoir à rendre de compte à qui que ce soit. »23.

Si la condition d'aide est au départ économique, la condition devient politique d'oül'injonction de la démocratie comme exigence de l'aide. Les bailleurs ont fait croire que le

22 Ziegler (J), Le pouvoir africain, éd. Seuil, 1971 et 1979.

23 Rivero (O), Le mythe du développement, coll. Enjeux et Planète groupe Cérès production, 2003.

développement n'existe pas sans la stabilité politique, sans les structures des idéaux de la démocratie, le respect des droits de l'homme. A ce sujet, nous pouvons évoquer l'exemple du discours du François Mitterrand à la baule en 1990, qui établit un lien entre démocratie et développement, le consensus de Washington24 qui donne la priorité à la libéralisation et l'application de la démocratie, la conférence de vienne en 1993 qui met en corrélation droits de l'homme et développement. Ainsi, le programme néolibéral, libéralisation économique, la décentralisation, l'Etat de droit, bonne gouvernance, ciblage des politiques sociales, adaptation de la main d'oeuvre aux TIC est à l'ordre du jour de presque tous les gouvernements qui veulent démocratiques.

III.2.1. Modalité de l'injonction de la démocratie à Madagascar

A partir de la fin années 70, Madagascar s'est engagé par la politique d'investissement à outrance qui s'est soldé par un échec car elle se traduit par un endettement massif, la dégradation du niveau de vie de la population générale, l'ampleur du chômage, une nationalisation mal maîtrisée. Pour renverser la détérioration de la vie, le pays a négocié avec les bailleurs de fonds dans le cadre de la mise en place du PAS. Les objectifs du programme étaient la réduction de dépenses publiques impliquant la réduction des investissements publics, la suppression des subventions des produits de PPN, libéralisation du commerce extérieur et intérieur, la libéralisation des prix. Le désengagement de l'Etat du secteur productif en laissant sa place aux initiatives des entreprises privées. Il revient à l'Etat d'exécuter sa fonction régalienne à savoir l'éducation, la santé, les infrastructures de bases. Toutefois, les mesures de redressement de l'économie n'ont pas produit les résultats escomptés. La vie de la population devient de plus en plus difficile qui se traduit par la détérioration des services des bases en raison des restrictions budgétaire accentuant la pauvreté.

En matière de gouvernance, les bailleurs de fonds ont exigé la libéralisation de la vie politique, des pratiques de gouvernances ont été instaurées étant désormais admis que c'est la pratique malsaine qui a aggravé la situation.

III.2.2. Le contexte politique nationale

Devant le problème de la pauvreté sans solution, le mélange incompréhensible entre socialiste et capitaliste et suite aux critiques de l'élection présidentielle de 1989 qui ramène Ratsiraka au pouvoir, les foules ont descendu sur la rue. La situation se prolonge par la marche vers la démocratie le 10 août 1991. Le pouvoir monopolistique de 16 ans de Ratsiraka a été destitué.

24 Cette expression a été employée pour la première fois par l'économiste John Williamson.

Un gouvernement d'insurrectionnel fut crée par le leader des forces vives de la nation le professeur Zafy Albert. Dans le même temps, un gouvernement de transition fut institué dirigé par Guy Willy Razanamasy.

Dans le contexte de la préparation des conférences nationales en Afrique à l'instar du Bénin, Madagascar a aussi tenu une conférence nationale du 23 mars au 2 Avril 1992 sous la direction du FFKM. Les grandes lignes de ce forum furent la mise en place d'un Etat de droit, le pluralisme, respect des droits de l'homme, la participation, organisation d'une élection libre et transparente, la décentralisation, les séparations des pouvoirs conformes aux idéaux démocratiques.

III.3. Un régime politique en crise

Depuis l'octroi de l'indépendance, la vie politique malgache évolue avec un changement de régime à coup de force, le pays n'a connu une véritable alternance politique au sens démocratique du terme.

III.3.1. La crise politique en 1972

En 1972, le régime en place a connu sa première contestation populaire. Le vide politique qui se matérialise par la faiblesse de l'état de santé du président Tsiranana, Le soulèvement des paysans du Sud sont les causes latentes de cette crise. André Rasolo a souligné que « le caractère explosif de 1972 est dû en grande partie à l'incohérence politique et à l'impuissance du régime. Un régime qui confond l'unité nationale avec un partage dit « équilibré » des avantages liés au pouvoir entre les notables de différentes régions. Un régime où l'administration est à la fois incompétente et répressive. »25 En outre le soulèvement des lycéens et étudiants ont favorisé l'élargissement de la crise. La pauvreté, la contestation de l'école antidémocratique, combiné par la condamnation du néocolonianisme, et la politique d'arrangement du pouvoir, ont contribué à la chute du régime Tsiranana. Le chef d'Etat élu avec un score de 99,7 % est chassé du pouvoir. Le pays au bord du gouffre oblige le leader du PSD à transférer le pouvoir aux militaires sous la direction de Ramanantsoa. La crise se calme avec l'arrivé de l'armée. Un régime transitoire militaro civil est institué par le referendum du 8 octobre 1972. La constitution fut adoptée 07 novembre 1972.

Le régime en place est marqué par la rupture de coopération avec les français, c'est la sortie
de la zone franc. La fermeture de la station américaine de la NASA à Imerintsiatosika, le
lancement d'ouverture diplomatique « tous azimuts » sur la base d'un engagement auprès des

25 Rasolo (A), « Autour de mai 1972. La question du pouvoir », Cahiers des sciences sociales, EESDEGS, Université de Madagascar n° 1, 1984.

non aligné26. L'abolition du système représentatif. Le changement s'opère également par l'expérience de la malgachisation, la restructuration de la vie à base de fokonolona.

Tableau n°03 : Résultat du referendum du 8 octobre 1972.

Nombre de bureaux de vote

11

408

Nombre d'inscrits

3

453

722

Nombre de votants

2

897

819

Suffrages exprimés

2

875

988

Voix obtenues

2

773 483 de oui (96 %) et 102 506 de non

Source : Cahiers des sciences sociales, 1984

Ramanantsoa qui n'est pas en mesure de dresser le pays à cause de l'absence de programme politique, une crise de gouvernance, un pouvoir menacé par l'instabilité militaire, quitte la direction du pays en donnant le plein pouvoir au colonel Ratsimandrava le 5 février 1975. Après six jours de règne, il est assassiné à Ambohijatovo. Dans la nuit qui s'ensuit l'assassinat de Ratsimandrava, le général Gilles Andriamahazo a constitué un gouvernement de 18 officiers pour continuer l'activité de l'Etat qui remporte le capitaine de Frégate Didier Ratsiraka au pouvoir. Le 8 novembre 1975 le président Ratsiraka au cours d'un discours politique au stade de Mahamasina a déclaré l'organisation d'un referendum prévu le 21 décembre 1975. La question posée au peuple était, la mise en place d'une société nouvelle ou règne la justice et l'égalité de classe, l'acception de la révolution socialiste malgache et la constitution qui va l'appliquer et pour la réaliser, l'élection de Ratsiraka comme président de la république. La république de Madagascar était donc construite par la révolution socialiste, l'adoption de la nouvelle constitution, et l'élection du président de Ratsiraka au pouvoir27.

III.3.2. Le mouvement pour la démocratie en 1991

En 1991, une autre crise politique s'est reproduite dans le pays. Le mouvement populaire dirigé par les forces vives de la nation, la transformation politique initiée par les bailleurs de fonds sans résultat palpable ont amené les populations à descendre dans la rue. Le régime socialiste déjà vieux de 16 ans est tombé par l'action du mouvement populaire.

L'inexistence de la liberté qui se traduit par la domination de l'AREMA du champ politique, l'assemblée nationale est constituée de 81 % de l'AREMA, contre 11 % AKFM, et 8 % pour les autres formations, la restriction de la liberté individuelle, une option politique

26 Ibid. p. 31.

27 Randriamamonjy (F), Histoire de Madagascar de 1895, 2002. Ed. Trano Printy Loterana Malagasy. 2001.

contradictoire à la fois socialiste et capitaliste, une misère sans solution sont les éléments donateurs de cette crise.

Les différentes idées véhiculées au cours de la manifestation de 91 furent intégrées dans la nouvelle constitution comme base de la reconstruction de la nouvelle république démocratique naissante. La nouvelle constitution est créée le 19 août 1992. Les résultats des élections étaient de 72,3 % de oui et 27,7 % de non. Dans l'intervalle, Zafy Albert a gagné l'élection présidentielle après le second tour le 10 février 1993. Les résultats de l'élection étaient au premier tour menés par Zafy remportant 46% de voix contre 29 % de Ratsiraka. Au cours de la deuxième tour le père de la démocratie a évincé le père du socialisme 66,76% contre 33,24%. Le nouveau président était inauguré à Mahamasina le 27 mars 1993.28 Le nouveau régime a fait sa rupture avec les autres régimes en adoptant un régime de type parlementaire. Les luttes incessantes entre exécutif et législatif ont amené Zafy à modifier la constitution en 1995.

En septembre 1996, Zafy est empêché par l'assemblée nationale. Le régime transitoire a organisé une élection présidentielle. Zafy et Ratsiraka s'affrontent de nouveau. Ratsiraka est revenu au pouvoir en ajustant son discours car c'est un régime humaniste écologique qu'il propose à ses concitoyens. En 15 mars 1998, Ratsiraka a fait voter une nouvelle constitution. Le présidentialisme se renforce.

Tableau n° 04 : L'élection présidentielle en 1996.

 

Ratsiraka

Zafy

 

Taux d'abstention

Bulletin blanc

Premier tour

36,6

%

23,4

%

41,6

%

4,2

%

Deuxième tour

50,7

%

49,3

%

50,3

%

4,2

%

Source: PROJET MADIO 1997.

III.3.3. La contestation électorale en 2002

Les controversés des résultats électoraux en décembre 2001 ont abouti sur une nouvelle crise sociopolitique dans le pays. C'était la première fois que le résultat de l'élection n'est pas encore prononcé qu'un candidat annonce sa victoire au premier tour.

L'argumentation du candidat était de faire une confrontation entre les résultats détenus de la HCC et celles détenus par les observateurs de l'élection. Pour la HCC, Ravalomanana a obtenu 46,44 % et Ratsiraka 40,61 %. Pour le consortium des observateurs Ravalomanana remportait l'élection 50,49 % contre le candidat Ratsiraka 37,61 %. Pour le comité de soutien (Komity miaro ny safidim-bahoaka) de Ravalomanana, ce dernier a obtenu 52,15 % et

28 Ibid.

Ratsiraka 35,67%. Le deuxième tour prévu par la HCC n'a pas lieu. Après six mois de grève et de conflit Ravalomanana s'autoproclame président de la république. Deux investitures l'emportent à la présidence du pays. Le conflit entre Ratsiraka et Ravalomanana ne s'est terminé qu'à Dakar le 18 mars 2002. Le chef d'Etat est réélu à premier tour en 2006 avec un score de 54,79 %. En 2007, le président a amendé une nouvelle constitution visant à consolider son pouvoir qui est approuvée par la population à 75,33 % malgré la faible participation à 42,78 %, deux ans après celui-ci, est écarté de son pouvoir par un mouvement populaire sur la place mythique du 13 mai.

III.3.4. La crise politique de 2009

La vente de la terre à la compagnie Daewoo Logistics, l'achat du Boeing Air Force One 737- 700, et la fermeture de la station VIVA appartient à l'ancien maire de la CUA ont été les éléments pour mobiliser la foule à descendre dans la rue. Andry Nirina Rajoelina lance un appel au peuple tananarivien pour descendre à Ambohijatovo, et revendique la démission de certains ministres du gouvernement Charles Rabemananjara, et l'ouverture de la station VIVA. La crise a évolué vers l'inauguration de la place de la démocratie (ex jardin d'Ambohijatovo), il a lancé la révolution orange en vue de mettre en place une véritable démocratie à Madagascar le 17 janvier 2009. Le 26 janvier, le mouvement se dégénère en pillages et de destruction des entreprises du président au pouvoir, et certaines entreprises privées (lundi noir du 26 janvier). Le samedi 7 février matin sur la place du 13 mai, Monja Roindefo est nommé le premier ministre du mouvement insurrectionnel. L'après-midi le nouveau premier a conduit la foule à prendre le palais présidentiel Ambohitsorohitra.

L'échec de la médiation dirigé par le FFKM à l'hôtel le Hintsy a débouché sur une nouvelle transition dans le pays. Le 17 mars à l'Episcopat Antanimena l'ordonnance n° 2009-001 par la quelle le president Ravalomanana a remis les pleins pouvoirs à des directoires militaires. La nuit qui suit les militaires ont transmis le pouvoir à Andry Nirina Rajoelina par l'ordonnance n° 2009-002. L'ordonnance n° 2009-003 du 19 mars 2009 a institué de la transition vers la IVe République.

Dans le cadre de la recherche de sortie de crise, les quatre mouvances politiques malgaches ont signé successivement l'Accord de Maputo I et II, l'Accord d'Addis-Abeba, dans le cadre de la mise en place d'une transition inclusive et consensuelle. Notons qu'à l'issue des assises nationales d'août 2009, Teny ifampiherana de mars 2010, des Dinika santatra d'août 2010 et de la conférence nationale de septembre 2010, il importe à souligner que le referendum constitutionnel du 17 novembre 2010 s'est déroulé dans des conditions controversées. La constitution est adoptée le 11 décembre 2010.

Pour la mise en place d'une institution précédent la IVe République, sous la médiation de la SADC ; les divers acteurs politiques malgaches ont signé la feuille de route le 8 mars 2011 selon les critères d'une transition consensuelle et inclusive. Toutefois, il importe de souligner que nous sommes loin des résultats attendus. La transition considérée comme consensuelle et inclusive vit actuellement d'une crise gouvernementale. Le pays traverse actuellement sa troisième année de transition, la déception l'emporte sur l'espoir, les promesses pendant le mouvement à savoir la démocratie, liberté d'expression, la diminution du coût de la vie, sont très vîtes oubliées. On assiste à un gouvernement ingouvernable qui se manifeste par le mélange des attributions des ministres. Actuellement, le problème majeur de la transition est la recherche d'une réconciliation internationale, la préparation d'une élection digne de démocratie.

À partir de ces rappels historiques de la vie politique malgache nous pouvons en tirer quelques tendances sur l'évolution de la pratique démocratique dans le pays. C'est toujours l'action des mouvements de foule qui est au centre du changement de régime politique dans le pays. Les chefs d'Etat qui inaugurent un régime politique démocratique sont tour à tour renversés sur la place mythique du 13 mai. Parmi les présidents qui se succèdent au pouvoir, d'aucun n'a quitté le pouvoir normalement au terme de son mandat. Le premier considéré comme le père de l'indépendance inaugurant un régime social démocrate est tombé après trois mois de sa réélection. Le président Ratsiraka qui inaugure un régime socialiste la vraie démocratie au sens marxiste du terme a suivi le même chemin deux ans après sa réélection. Le vrai père de la démocratie à savoir le professeur Zafy Albert est tombé dans le piège du parlementarisme. Ravalomanana a connu le même sort après avoir réélu au premier tour de son mandat en cédant sa place jusqu'à maintenant à l'ancien maire de la CUA considéré encore jusqu'ici le porteur de la vraie démocratie.

Le mot démocratie n'est jamais absent du langage politique de chaque leader politique qui dirige le mouvement de foule. La faction qui veut récupérer le pouvoir insiste sur ce qu'elle fera pour le peuple, sur ce qu'on n'a pas fait mais qu'aurait dus faire, sur ce qui est mal fait et donc à refaire, la faction se proclame comme le vrai porteur de la démocratie. Elle demande à la population de la porter au pouvoir.

Chaque chef d'Etat poussé par le peuple et arrive au pouvoir s'empresse à tailler une constitution à leur mesure force est de reconnaître que le processus vise à la monopolisation du pouvoir et verrouille totalement la porte d'entrée pour les autres qu'à coup de force. La constitution est ensuite confrontée au referendum pour justifier la prise du pouvoir d'où le recours au suffrage universel comme acte de légitimation. Dans cette lecture, Weber n'est pas

absent lorsqu'il avait dit que la domination politique moderne se repose par le recours sur la légitimation par un acte juridique.

Nous pouvons remarquer également une certaine tendance dans le processus de la mise en place de la démocratie dans le pays tout d'abord la création du gouvernement de la rue, la recherche de compromis entre le contestataire et le pouvoir en place, ensuite la prise des bâtiments ministériels, l'installation des ministres de façon musclée.

Au terme de ce chapitre nous tenons à remarquer quelques faits marquant la modalité de démocratisation à Madagascar. D'abord le processus de démocratisation a évolué avec le rythme de la politique interne, il est souvent dirigé par une minorité de la classe politique accompagnée par l'appui des foules. L'inexistence de la liberté, la dérive du pouvoir à la dictature et la pauvreté sans solution sont toujours au centre de la contestation populaire.

La transformation des paysages politiques de ces 20 dernières années a changé la vie politique malgache sur le plan formel, les institutions qui se conforment aux idéaux de la démocratie sont présentes, les séparations de pouvoir sont maintenus, le multipartisme gagne du terrain, à partir de 1990, le pays avait 150 partis politiques29, actuellement, on trouve plus de 333 partis politiques dans le pays30. Le foisonnement de la société civile qui est opérationnelle dans divers domaines. Il ne faut pas ignorer également le développement de la presse privée qui commence à trouver de place à la liberté d'expression qui se manifeste par une presse parfois critique à l'égard du régime en place.

Ensuite, les enjeux économiques internationaux ont été favorables au processus de démocratisation dans le pays, la mise en place des structures conformes aux idéaux démocratiques a été l'exigence des bailleurs de fonds comme condition de leur aide économique. Les conditionnalités démocratiques des années 90 deviennent une arme pour les bailleurs de fonds, et le pays traversant une difficulté est obligé d'accepter l'offre des bailleurs. La réalité économique devient une imposition du réalisme politique.

29 La libéralisation des partis politiques dans le pays est stipulée par l'ordonnance n° 090-001 du mars 1990.

30 Dernier chiffre donné par le ministère de l'Intérieur.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery