VII.2.2. La place de la société civile
En ce qui concerne la société civile, nous avons
souligné qu'elle ne gagne pas la confiance des gouvernements en place.
Leurs actions sont invisibles aux yeux de la population. Elle ne dispose pas de
projet de société capable de combler le vide réflexif
qu'entretiennent les partis politiques.
Néanmoins, des actions ont été
réalisées malgré les pressions du pouvoir en place. Pour
illustrer cette affirmation la SEFAFI publie des articles par presse pour
éclairer l'opinion sur les problèmes de la nation. Le groupement
Friedrich a déployé des efforts dans l'éducation sur la
démocratie par l'organisation des ateliers, par l'organisation des
conférences des débats télévisés mais qui
reste encore l'apanage des cercles des lettrés. En outre, il est
intéressant de signaler que des sociétés civiles comme le
KMF/CNOE déploient des efforts dans l'éducation politique de la
population à savoir l'éducation électorale, la
socialisation politique concernant les atouts et les faiblesses des formes de
régime politique. Non seulement cette société civile joue
des rôles importants dans l'éducation citoyenne, mais aussi elle
supervise le déroulement des élections dans le pays, propose des
solutions et des idées en matières de code électoral. Par
sa couverture nationale et son partenariat avec les autres
sociétés civiles, depuis 1995 elle multiplie des actions de
sensibilisation en matière de bonne gouvernance, la protection de
l'environnement, la lutte contre la corruption. L'action de sensibilisation se
caractérise par la publication des affiches, les émissions
télévisées la production des éditions ou des
manuels.
La tâche de la société civile dans la
pratique démocratique est importante. La société civile
doit se constituer en force pour préserver les intérêts du
pays. Il est étonnant de constater que pendant la période
d'accalmie, la réflexion en provenance des nationaux est absente sur la
place publique et on vit des théories vouées à
l'échec des bailleurs de fonds et de leurs politiques de domination. La
société civile dans le pays est active à chaque moment
fort du pays. Elle n'est que de simple médiateur de règlement des
différends des protagonistes politiques. Mais l'histoire nous a
montré que le problème de fond de ce pays ne peut pas se
résoudre à un moment critique de l'histoire. Tant que le
débat est réduit aux arrangements du pouvoir, et aux calculs de
l'intérêt. Le pays connaîtra une instabilité
politique.
Ce que nous voulons en venir est que le refus de débat
démocratique contradictoire ne fait que biaiser la démocratie.
L'insuffisance de débat entre société civile nationale et
pouvoir en place explique notre échec. Dès que le débat
est interdit par le pouvoir en place, il ne saurait y avoir de prise de
décision capable de satisfaire les besoins de la collectivité car
c'est par l'intermédiaire de la société civile que l'on
peut adopter une culture de participation. Une
discussion entre société civile et pouvoir
étatique doit être un exercice permanent pour combler le manque de
discussion au niveau parlementaire. Il n'y pas de démocratie sans la
reconnaissance d'un champ politique où s'expriment les conflits sociaux
et ou se prennent par un vote majoritaire des décisions reconnues comme
légitimes par l'ensemble de la société. Là ou le
gouvernement est ouvert et rend compte de ses actes, il est possible
d'identifier les politiques néfastes et d'en débattre
publiquement, de surveiller l'usage fait des fonds publics.
Le rôle de la société civile doit
être redéfini pour que la véritable démocratie se
réalise dans le pays. Il s'agit de concevoir un cadre légal de
l'exercice des rôles de la société civile dans un
régime supposé de démocratie. C'est une obligation du
pouvoir étatique de faciliter les moyens de promotion de la
société civile afin qu'elle puisse accomplir leurs
rôles.
Un Etat qui se veut démocratique assure la promotion de
la société civile dans le contrôle de l'appareil politique.
Il doit donner à la société civile les moyens d'exercer un
contrôle direct sur certaines activités de l'Etat. Par exemple, la
surveillance des élections, la participation à
l'élaboration avec le pouvoir en place des politiques sociales et
économiques tout en tenant compte de la réalité
malgache.
La société civile ne peut exister sans une
population qui à la volonté et la capacité d'en
défendre les valeurs et les institutions. Dans cette perspective
l'éducation est indispensable, elle donne aux citoyens la
capacité de développer la société civile. John
Dewey avait souligné sur ce point que « les écoles ne font
pas et ne peuvent pas faire ce que les gens veulent tant que la
communauté n'a pas conscience plus coordonnée et plus
précise des ses propres besoins, mais il appartient à
l'école de promouvoir cette conception, d'aider les gens à avoir
une idée plus claire systématique de leurs besoins et de la
manière de les satisfaire »41 l'absence de l'éducation est
probablement la cause principale de l'apathie et de l'indifférence de la
société. Il y aura toujours une perversion de la
démocratie si les citoyens ne réagissent pas aux méthodes
de gouvernement. L'engagement de la société civile est
indispensable pour protéger les intérêts collectifs.
Dans ce cadre la société civile doit
déployer des efforts considérables à l'éducation
des citoyens non seulement au changement de la mentalité mais aussi par
la socialisation des citoyens afin de s'intégrer dans le processus. Une
culture civique se repose sur la mobilisation à l'activisme politique
à l'égard de la chose politique. Cependant, la
société civile seule ne peut pas effectuer ce travail
d'éducation. Il s'agit de toutes les parties prenantes comme la famille,
l'école, les fokontany, les communes etc. à ce titre
toutes les institutions concourent à la réalisation de
l'éducation de la société à la démocratie, a
titre illustratif il serait facile pour les citoyens d'afficher les droits
qu'ils disposent en matière d'élection dans le
fokontany.
41 Dewey (J.), Démocratie et
éducation, Armand colin, 1975-1990 p. 22.
VII.2.3. La démocratie de
proximité
Si la participation sociale constitue une réponse
adéquate à la crise du gouvernement représentatif. La
décentralisation apparaît le moyen nécessaire pour pouvoir
la pratiquer. Nous tenons à souligner que le pays avait
déployé des efforts en matière de décentralisation.
Cette volonté de décentraliser n'est pas nouvelle que ce soit du
temps du royaume, de la colonisation ou celle de la république
successive. Elle est marquée par la volonté du pouvoir
étatique des cadres légaux par la constitution ou par des
documents énonçant la politique nationale de
décentralisation.
Pourtant, elle n'est jamais efficace en raison de
l'insuffisance des moyens, de l'indifférence de la population,
dissimulation à des intérêts politiques, une politique
d'assistanat et malgré les différentes épisodes de la
décentralisation, on n'hésite pas affirmer que Madagascar est un
pays centralisé. Chaque régime qui se succède dans le pays
a inauguré une décentralisation à sa guise et ses profits
personnels pour consolider le pouvoir. Si dans l'esprit, la
décentralisation permet la participation sociale de la population, il
faut affirmer que dans la pratique l'écart est considérable. Elle
n'est jamais discutée dans toutes les dimensions de la
société.
La démocratie de proximité exige un renversement
de la pyramide du pouvoir. Le pouvoir doit être là ou le peuple
vit et produit le social. Sans supprimer le pouvoir central, les divers
pouvoirs locaux peuvent participer à ses décisions. Dans ce cadre
elle exige une négociation de statut avec le pouvoir central
définissant le niveau de compétence et l'autonomie de chaque
collectivité. Il s'agit de concevoir une démocratie locale
donnant le maximum de l'initiative citoyenne. En effet, un problème
crucial que l'on ne traite pas de fond est la responsabilité des
citoyens dans la décentralisation. S'agit-il tout simplement de
groupements d'individu constitués en force délibérative
des idées préconçues en haut ou vontils contribuer
réellement à l'élaboration des décisions qui leurs
concernent. Nous pensons qu'une décentralisation doit tenir compte de la
participation de la population dans la conception, l'élaboration, et
l'exécution des programmes politiques qui touchent chaque
collectivité.
Une démocratie de proximité nécessite un
transfert de ressource durable et une utilisation rationnelle des ressources.
La collectivité doit développer l'esprit de création et de
concevoir un programme issu d'une délibération collective. Dans
ce cas, chacun a le droit de décider de tout ce qui touche les formes de
vie sociale comme la culture, les institutions, voir même
l'économie.
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