Essai sur la Politique budgétaire en RDC( Télécharger le fichier original )par Pierre Anicet Ngalamulume Katubadi Université de Kinshasa - Licence en économie monétaire 2008 |
II.5 LES ACTIVITES QUASI BUDGETAIRES DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT.Dans un grand nombre de pays en développement, les opérations de la banque centrale et des autres institutions financières du secteur public, qui peuvent avoir d'importantes conséquences sur le plan budgétaire, sont fréquemment mises au service de la politique économique. Les prêts de la banque centrale au secteur public, notamment les prêts en devises consentis à des taux inférieurs à ceux du marché, ainsi que les prêts subventionnés et les garanties de prêts accordées par des institutions financières du secteur public à divers secteurs ou groupes d'emprunteurs, influent sur la situation financière nette du secteur public même s'ils n'apparaissent pas dans le budget de l'administration centrale comme des postes de dépenses ou de recettes spécifiques. Les prêts de la banque centrale à l'État peuvent prendre la forme de découverts ou d'achats directs de titres d'État. Si le taux d'intérêt perçu sur les prêts consentis à l'administration centrale ou à d'autres organismes du secteur public est inférieur à celui du marché, les dépenses publiques ne seront pas évaluées à leur coût d'opportunité véritable, ce qui risque d'aboutir à la fois à un excès des dépenses et au choix de projets dont les coûts économiques véritables sont supérieurs aux avantages. Outre les prêts directs qu'elle accorde à l'État, la banque centrale oblige fréquemment les banques commerciales à détenir des titres d'État à court terme rémunérés à des taux inférieurs à ceux du marché, en leur imposant des ratios de liquidité. La banque centrale peut aussi rémunérer les avoirs de réserve des banques commerciales à un taux inférieur à celui du marché. Ces procédés sont essentiellement assimilables à des impôts sur le système bancaire, qui tendent à restreindre le développement de l'intermédiation financière, à creuser l'écart entre les taux prêteur et emprunteur et à réduire l'épargne et l'investissement dans l'économie. Ces formes de répression financière peuvent aussi procurer des recettes considérables à l'État. Entre 1984 et 1987, par exemple, la réglementation des marchés des capitaux a procuré au gouvernement mexicain des ressources équivalant à près de 6 % du PIB ou environ 40 % du total des recettes fiscales. Les prêts bonifiés que les banques de développement et les autres institutions financières du secteur public consentent, souvent sans garanties suffisantes, à des groupes spécifiques constituent la forme la plus courante d'opérations quasi budgétaires dans nombre de pays en développement. En Inde, par exemple, la banque centrale impose aux banques commerciales d'État de prêter environ 40 % de leurs actifs à des exploitations agricoles de petite taille et à d'autres petites entreprises. Pour que ces prêts soient financés, les entreprises publiques non financières sont tenues de conserver des dépôts rémunérés à des taux inférieurs à ceux du marché auprès des banques commerciales et des autres établissements financiers du secteur public. Ces activités de subvention implicite favorisent une sélection adverse, ce qui crée des problèmes considérables de recouvrement des prêts pour les banques du secteur public qui les ont consentis. Dans certains cas, la banque centrale doit intervenir pour reconstituer le capital des banques en faillite ou pour prendre en charge les actifs improductifs. Aux prises avec de graves difficultés financières, les banques d'État du Brésil ont fréquemment contracté des emprunts par découvert garantis par leurs réserves légales et ont largement recouru au réescompte de la banque centrale. Au début de 1991, en vue d'assainir le portefeuille de la banque centrale, les autorités ont échangé ces prêts contre des titres d'État jusqu'à concurrence d'environ 2 % du PIB. Malgré une nette tendance à unifier les taux de change dans les pays en développement, plusieurs banques centrales se livrent encore à des pratiques de taux multiples, suivant lesquels des taux de change différents s'appliquent à différentes catégories d'activités. Une variante courante de cette pratique consiste à fixer le taux de change officiel (c'est-à-dire le coût des devises étrangères exprimées en monnaie nationale) à un taux inférieur à celui du marché. Toutes les transactions officielles, comme les paiements au titre du service de la dette extérieure des administrations et des entreprises publiques, ainsi que le règlement des importations effectuées par des entreprises d'État, comme les sociétés publiques de distribution de produits pétroliers ou d'électricité, s'effectuent au taux officiel. Les pouvoirs publics peuvent aussi imposer la rétrocession ou le rapatriement des recettes procurées par l'exportation de certains produits -- ou même de la totalité des recettes d'exportation, ce qui est le cas dans de nombreux pays -- et autoriser le secteur privé à régler au taux officiel ses importations de produits de première nécessité (par exemple les médicaments) et de biens d'équipement. Ces dispositions, outre qu'elles faussent la répartition des ressources et amènent à sous-estimer la valeur en monnaie nationale des dépenses consacrées aux importations du secteur public et au service de la dette, cachent le degré réel d'imposition des exportations et des importations. Pendant la période 1979-82, la banque centrale du Costa Rica a accordé, pour certaines importations, des devises à un taux inférieur à celui auquel elle se les était procuréesprocurée. Dans la seule année 1981, ces subventions ont représenté environ 4.5 % du PIB. En 1987-88, le taux de change du shilling ougandais s'est établi sur le marché parallèle entre 200 et 400 shillings pour 1 dollar E.U., alors que le Conseil de commercialisation du café rétrocédait ses recettes d'exportation à la banque centrale au taux officiel de 60 shillings ougandais pour 1 dollar E.U. Il est aussi fréquent que les pouvoirs publics, par l'intermédiaire des banques de développement ou d'autres institutions financières du secteur public, accordent des garanties de taux de change ou subventionnent les assurances contre le risque de change. Ces subventions incitent fortement les bénéficiaires à accroître leurs engagements en devises étrangères, surtout dans les pays où l'inflation est plus forte que chez leurs principaux partenaires commerciaux. Il est vrai que ces subventions n'ont pas nécessairement un impact immédiat sur le déficit budgétaire, mais l'accroissement des engagements conditionnels des institutions financières du secteur public et, finalement, de ceux de l'État, peut entraîner des dépenses budgétaires considérables en période d'instabilité macroéconomique. Au Chili, après la dévaluation de 1982 consécutive à la crise de la dette, la banque centrale a procuré des devises à un taux subventionné au secteur privé pour qu'il puisse assurer le service de sa dette extérieure, soit presque 2 % du PIB par an en 1983-85. Durant la même période, les garanties de taux de change ont représenté environ 1,5 % du PIB par an. Ces dernières années, dans nombre de pays qui ont enregistré des afflux de capitaux considérables, la banque centrale a décidé d'accroître ses réserves et de les stériliser plutôt que de laisser la monnaie nationale s'apprécier librement. En conséquence, le taux d'intérêt intérieur a souvent augmenté pour dépasser le taux de rendement des réserves internationales, ce qui a entraîné des pertes pour la banque centrale. Au début des années 90, les coûts quasi budgétaires de ces opérations de stérilisation représentaient non moins de 1,5 %du PIB par an dans certains pays d'Amérique latine (29(*)). Les opérations quasi budgétaires permettent généralement aux autorités de contourner les contraintes juridiques et politiques auxquelles la politique budgétaire est assujettie, mais elles sont souvent lourdes de conséquences pour les finances publiques et, en général, elles réduisent l'efficience en faussant la structure des prix relatifs, ce qui constitue un obstacle au développement. Certes, il peut être difficile de supprimer rapidement une large part des subventions qui sont ainsi procurées implicitement par le biais des opérations quasi budgétaires mais en les réintégrant dans les états budgétaires de l'administration centrale, on améliorerait la transparence des finances publiques. À long terme, il conviendrait toutefois de recourir de moins en moins à ces subventions, qu'elles soient accordées implicitement ou explicitement, tout en prenant d'autres mesures de réforme structurelle propres à améliorer l'affectation des ressources et la croissance à long terme. * 29 Miguel A., Kiguel et Leonardo Leiderman, on the consequences of sterilized intervention in latin America, the case of Colombia and Chile, Banque Mondiale, Washington, 1993. p. 142. |
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