b. crimes contre l'humanité
Un crime contre l'humanité est une catégorie
d'infractions criminelles englobant l'assassinat, l'extermination, la
réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte
inhumain commis contre toute population civile avant ou pendant la guerre,
ainsi que les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou
religieux que ces actes ou persécutions aient constitué ou non
une violation du droit interne du pays où ils ont été
perpétrés.11
Cette définition a été donnée par
l'article 6, alinéa c, du statut du tribunal de Nuremberg, le tribunal
militaire international chargé de juger les criminels de la Seconde
Guerre mondiale, en Europe (voir Crimes de guerre). En Asie, l'accord de
Londres du 8 août 1945 institua un tribunal à Tokyo, qui
était chargé de juger les criminels d'Extrême-Orient.
La définition a perduré malgré la
disparition des deux juridictions et a été reprise, avec quelques
modifications, dans plusieurs conventions internationales (conventions des
Nations unies du 9 décembre 1948 et du 26 décembre 1968) 12.
On distingue les crimes contre l'humanité des crimes de
guerre et des crimes contre la paix, également définis lors de
l'accord de Londres de 1945. Les crimes contre la paix sont constitués
par la direction, le déclenchement ou la
11 Pierre AKELE A., Angélique SITA, M.A.,
Les crimes contre l'humanité en droit congolais,
Kinshasa, CEPAS, 1999, p. 99.
12 Pietro VERRI, Dictionnaire du droit, GENEVE,
CICR, 1998. p. 20
poursuite d'une guerre d'agression, en violation des
traités ou des accords internationaux. Les crimes de guerre
correspondent à la violation des lois et des coutumes de la guerre.
Ainsi, sont prohibés l'assassinat, les mauvais traitements et les
déportations pour des travaux forcés ou pour tout autre but des
populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les
mauvais traitements des prisonniers de guerre, le pillage des biens publics et
privés. La prohibition des crimes contre la paix avait
déjà été énoncée dans le pacte de la
Société des Nations et dans le pacte Briand-Kellog du 27
août 1928. L'interdiction des crimes de guerre était quant
à elle contenue dans les conventions de La Haye de 1899 et de 1907.
Cependant, aucune sanction pénale n'était prévue en cas de
violation de ces interdictions internationales.
La répression des crimes contre l'humanité est
organisée de façon très différente selon qu'une
juridiction internationale ou une juridiction nationale en est chargée.
Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ont été
créés spécialement pour juger et punir les criminels de la
Seconde Guerre mondiale et ont disparu en même temps que leur mission
s'achevait. Cependant, de nouveaux organismes ont été
institués depuis : la création du Tribunal pénal
international (TPI) de La Haye, décidée dans le cadre de l'ONU
(résolution 827 du Conseil de sécurité du 25 mai 1993),
répond à la même exigence de juger les criminels de guerre,
mais cette fois dans l'ex-Yougoslavie. Le statut de chacun de ces tribunaux ad
hoc (créés pour la circonstance seulement) prévoit les
crimes et les sanctions que le tribunal aura à juger et détermine
la procédure qui sera suivie devant la Cour. Les États doivent
alors accepter, non seulement la juridiction de la Cour, c'est-à-dire la
compétence et l'autorité de ses décisions, mais
également de coopérer avec le tribunal international afin de
livrer les accusés. Ceci pose de nombreux problèmes de
souveraineté nationale et de police internationale et suppose que chaque
État adopte une loi organisant le dessaisissement de son propre
système judiciaire pénal au profit de l'instance
internationale.
Il n'existe pas de juridiction pénale internationale
permanente qui aurait compétence pour juger les auteurs des crimes
contre l'humanité et autre crimes odieux pour la conscience humaine,
malgré les nombreux projets élaborés soit au niveau
international soit au niveau européen. En conséquence, il revient
aux
droits nationaux de prévoir les modalités de
répression de ces crimes. En France, le nouveau Code pénal
français organise désormais la répression de ces crimes,
complétant ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation,
élaborée lors des affaires Barbie et Touvier. Le droit
français applique, en effet, la règle du principe de
l'imprescriptible des crimes contre l'humanité, ce qui signifie que le
présumé coupable peut être traduit en justice sans qu'aucun
délai ne puisse annuler le droit à l'action en justice,
même très longtemps après les faits incriminés.
L'imprescriptible est exceptionnelle en droit français et ne concerne,
d'ailleurs, que les crimes contre l'humanité. Toutes les infractions,
même criminelles, du droit pénal sont prescriptibles. C'est
pourquoi la distinction avec les crimes de guerre est essentielle, car les
crimes de guerre sont soumis à la prescription normale du droit
pénal. La gravité hors du commun du crime contre
l'humanité permet aussi la mise en oeuvre de procédés
dérogatoires par rapport au droit pénal général
français. Ainsi, la Cour de cassation a admis que l'arrestation de Klaus
Barbie était régulière, malgré les conditions
très particulières de son expulsion de Bolivie vers la France
(arrêt du 6 octobre 1983). De plus, l'accusé de crime contre
l'humanité ne peut se défendre d'avoir agi en conformité
avec la loi en vigueur dans le pays où les faits ont été
commis et au moment où ils ont été commis, car cela ne
permet pas l'exonération de la responsabilité pénale des
infractions commises par l'accusé, qu'il ait été un simple
exécutant ou un dirigeant. Ces dérogations se justifient par la
reconnaissance mondiale d'une sorte de justice pénale naturelle, commune
à l'humanité toute entière, ce qui autorise une
répression plus sévère.
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