La protection des droits de l'enfant dans les conflits armés internes en Afrique centrale: cas du Burundi( Télécharger le fichier original )par Eric Ngueto Nyatchoumou Université catholique de l'Afrique Centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2010 |
Section II : Les attentes spécifiques émanant de l'enfantCette section traite dans sa première partie la question de l'exploitation socioéconomique de l'enfant dans un contexte de conflit armé et dans sa seconde partie, elle aborde la question de la prostitution infantile. A- L'exploitation socio-économique Dans ce sous titre, au regard du constat fait sur le terrain, nous mettons en relief les facteurs tant économique que social, qui empêchent non seulement à l'enfant de s'épanouir convenablement, mais aussi d'assurer la protection des droits de ce dernier. 1. Le travail des enfants Il s'agit ici de faire ressortir les injustices qu'ont subies les enfants burundais dans le contexte de conflit armé. a. Les caractéristiques sociales défavorables aux enfants Elles sont données selon les trois variables suivantes : la situation de résidence, le niveau d'instruction, le statut dans le ménage. - Accès limité à l'éducation conventionnelle Notre enquête révèle qu'il existe bien des enfants avec un niveau primaire et secondaire. La plupart d'entre eux n'a pas atteint le second cycle du secondaire. En tenant compte des groupes d'âges, on a constaté que ceux qui n'ont pas été scolarisés étaient beaucoup plus les adolescents. - Des jeunes enfants sans lien matrimonial L'enquête montre que les enfants mariés ou en union matrimoniale sont très peu. Contrairement aux jeunes célibataires. La situation de marié concerne plus les filles que les garçons. Ce groupe d'enfants aura plus de responsabilités que les autres enfants. b. L'environnement social peu propice au développement des enfants La famille est la cellule de base de la société. La responsabilité de la prise en charge des enfants et leur protection incombe, au premier chef, aux parents. L'absence (disparition) ou la mort d'un ou des deux parents peut avoir des incidences sur la qualité de la prise en charge des enfants. L'enfant qui a perdu l'un ou les deux parents est un orphelin qui peut connaitre des fortunes diverses en fonction des pratiques socioculturelles des populations données. Les résultats de l'enquête ont montré qu'il existe des enfants ont les deux parents survivants et des orphelins (y compris ceux qui ne savent pas le sort réservé à leurs parents). Les familles monoparentales résultant de la mort ou de la disparition d'un des parents sont dominées par les femmes. Autrement dit, la charge et les responsabilités familiales reposent sur la mère qui sent le poids du ménage. - Les enfants chefs de ménage Les entretiens approfondis avec les populations indiquent que le statut de l'enfant dans le ménage détermine ses conditions de vie. Les liens de parenté renforcent la solidarité suivant la conception traditionnelle de la famille élargie. Les enfants séparés, confiés ou non accompagnés recevront moins d'affection et d'attention que ceux qui ont un lien de parenté avec le chef de ménage. Certains ont déclaré vivre chez eux-mêmes ou sont sans domicile fixe ; ils vivent dans la rue ou dans les marchés. - Variation de milieu de vie et de développement Le cadre physique de vie de l'enfant est très important pour son développement et son bien-être. Il est appréhendé, dans le cadre de cette enquête, à travers les commodités du logement, la fourniture d'eau potable et le mode d'éclairage. Les résultats de l'enquête montrent que certains enfants vivent de façon équilibrés. S'agissant de l'alimentation en eau, on note que d'autres s'alimentent en eau potable pendant que certains qui n'ont pas accès à l'eau potable utilisent les Puits et autres. Nous entendons par eau potable, l'eau qui provient du robinet (eau courante) et de la pompe villageoise. - Besoins fondamentaux des enfants en situation précaire Les enfants déplacés n'ont pas tous accès à l'éducation. En effet, le conflit armé a provoqué la fermeture des établissements scolaires dans les zones sous contrôle des groupes armés. Ceux qui ont pu fuir de ces zones ont grossi l'effectif des élèves dans les zones d'accueil, rendant ainsi insuffisantes les capacités d'accueil des écoles ouvertes. Dans d'autres cas, les infrastructures scolaires ont été détruites ou rendues non fonctionnelles. La situation alimentaire semble meilleure pour plus de la moitié des enfants. Cependant, la nourriture demeure une grande préoccupation pour les ménages des déplacés qui n'arrivent pas à satisfaire les besoins alimentaires de toute la famille. - Les enfants face aux parents sans ressources financières Si la survie des parents a une influence sur l'éducation, l'entretien et la protection de l'enfant, l'activité économique exercée par les enfants est un indicateur des conditions de vie des enfants déplacés. Cependant, les résultats de l'enquête montrent que très peu de parents exercent actuellement une activité économique rentable. Les parents salariés ont pour nombre d'entre eux perdu leur emploi, ou sont obligés de se livrer aux petits métiers dans le secteur informel. Par exemple, sur un total de 20 parents ou substituts parentaux enquêtés, 15 sont de sexe féminin contre 5 de sexe masculin, seulement 5 femmes sont actives contre un seul homme actif. Les autres sont sans activités. Après la guerre, c'est la débrouillardise dans les zones qui ont été forte touchées par le conflit armé et les zones d'accueil. Cette situation, caractérisée par l'absence réelle du contrôle parental sur les enfants, font que ceux-ci et leurs parents vivent dans la précarité. 2. La traite des enfants Ce phénomène est récurrent dans les zones touchées par le conflit et les zones d'accueil des déplacés. En effet, des situations d'exploitation économique des enfants se manifestent dans des circonstances qui rentrent dans le champ de l'application du Protocole contre la traite des personnes (Résolution 55/25 de l'Assemblée générale du 15 novembre 2000). Les deux éléments contenus dans la traite des enfants, à savoir : « le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement, l'accueil des personnes » « aux fins d'exploitation », indépendamment des moyens utilisés, sont parfois réunis dans les cas enquêtés. Il s'agit, par exemple, du recrutement des enfants au Nord du Burundi, notamment, à Ngozi pour la cueillette du café et le remplissage des sacs de café. La rémunération est de 500 à 1000 francs burundais (250 CFA à 500 CFA) par sac rempli. Les enfants ne font qu'au maximum un sac par jour. Cependant, la rémunération n'est versée que lorsque le sac est plein. Les enfants ne sont ni nourris ni soignés en cas de maladie, la convention de travail prenant fin à la fin de chaque journée, sauf si l'enfant a le doigté. Le recrutement se fait par des chefs d'équipe (Plantations) ou des agents de placement, c'est-à-dire des adultes qui ont la responsabilité de capter la main d'oeuvre en vue de la réalisation de travaux spécifiques. B- La prostitution infantile Nombre de jeunes filles exercent la prostitution. Dans le contexte de l'urgence, la pratique du plus vieux métier s'est rependue parmi les jeunes filles déplacées. En effet, évitant d'être bannie de la société, certaines jeunes filles refusent de se prononcer sur ce fléau, qui, selon d'autres sources existe bel et bien et pratiqué par les jeunes filles. Néanmoins parmi les filles interrogées, seules trois ont courageusement reconnu pratiquer la prostitution comme activité économique. La prostitution a été citée par les catégories sociales comme étant un phénomène qui s'est développé pendant cette période de conflit armé. Selon les témoignages recueillis, cet activité est développée aux abords des camps militaires, des boîtes de nuit et des hôtels. Elle touche de plus en plus les jeunes filles élèves. Un parent, dans la zone de Guitega, soutient qu'au début de la guerre, des jeunes filles étaient convoyées vers les groupements du CNDD-FDD pour satisfaire les soldats. Phénomène difficile à cerner et parfois invisible, la prostitution infantile est une forme intolérable du travail des enfants. C- L'enrôlement des enfants dans la guerre Au regard des informations recueillies sur le terrain, à l'aide des entretiens réalisés avec les acteurs humanitaires et acteurs gouvernementaux, ce sous titre fait ressortir une analyse de la situation des enfants soldats au Burundi. 1. Analyse des données sur les enfants soldats au Burundi L'analyse des statistiques contenues dans le rapport de l'UNICEF sur la situation des enfants dans le monde en 199656(*) montre que les enfants payent un très lourd tribut lors des guerres civiles au plan international. Depuis la décennie 1980 jusqu'en 1996, environ 2 millions d'enfants auraient été tués, 4 à 5 millions rendus infirment, 12 millions arrachés à leur foyer et un nombre incalculable d'autres enfants confrontés aux risques de maladie, de malnutrition, d'enlèvement de gré ou par la force pour participer aux hostilités57(*). Ce rapport, outre le fait qu'il recommande avec vigueur l'application des normes fixées par le droit international pour protéger les enfants dans les conflits armés, proclame aussi un « ordre du jour contre la guerre » où il est essentiellement question de finir avec l'enrôlement des enfants dans les groupes armés (bannir la production, l'usage, le stockage, la vente et l'exportation des mines terrestres antipersonnel), de renforcer les procédures visant à surveiller et à poursuivre les crimes de guerre. Il ressort de ce rapport que l'UNICEF encourage les victimes ou les proches à dénoncer les coupables, afin que les faits soient portés à l'attention des tribunaux internationaux chargés de juger les crimes de guerre. Ce qui constituerait un appui considérable à la CPI dont la mission est de juger les présumés coupables de crimes de guerre. Il est légitime d'inciter les Etats à ne pas encourager l'enrôlement des enfants dans les conflits armés, mais il serait plus concret de développer des mécanismes sur la base du droit international permettant de contrôler et d'empêcher l'enrôlement et le recrutement des enfants dans les conflits armés. Ce rapport a beaucoup mis l'accent sur le cas des enfants soldats tout en oubliant les cas de viols, tueries, tortures et sévices sexuels, en bref, la vie des enfants au sein de leur milieu social. L'ordre du jour contre la guerre susmentionné parait important, mais reste encore limité dans son applicabilité sur le terrain. Des enjeux d'ordre économique font obstacle et les populations, notamment, les enfants souffrent injustement des effets des armes utilisées pendant les conflits armés. 2. Autre traitement sur les enfants soldats Il s'agit ici des enfants incarcérés et le traitement qui leur est réservé dans les prisons. Certes que l'âge minimum de la responsabilité criminelle était de 13 ans, les jeunes enfants de 9 ans étaient soupçonnés et détenus pour avoir collaborés avec le FNL. Plus de 170 cas de détention des enfants soldats a été rapportés à l'Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB) entre novembre 2005 et juillet 200658(*). Au début de 2007, 51 enfants soldats du mouvement FNL, y compris un de 14 ans était en détention59(*). Toujours selon les mêmes sources, les enfants soldats capturés étaient sévèrement battus et emprisonnés, certains attachés avec des chaines en métal et d'autre privés de soins médicaux jusqu'à l'arrivée des organisations défenseurs des droits de l'homme60(*). Conclusion de la première partie Face aux multiples interprétations possibles de plusieurs des dispositions clés des instruments généraux et spécifiques relatifs à la protection de l'enfant, le Protocole facultatif, en son article 8 instaure le contrôle de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la protection de l'enfant qui sera exercé par le Comité des droits de l'enfant. A ce titre, le comité devra faire tout ce qui est en son pouvoir pour donner une meilleure interprétation des dispositions des textes relatifs à la protection des droits de l'enfant, afin d'assurer une meilleure protection des droits de l'enfant. A cet égard, les directives61(*) qu'il a adoptées pour aider les Etats parties dans la rédaction de leur rapport qu'ils devront lui soumettre contiendront des signes d'une telle interprétation. Après toutes ces mesures et au regard de ce qui se passe sur le terrain, ceci nous amène à aborder la partie traitant de l'inefficacité avérée des garanties de protection des droits de l'enfant dans un contexte de conflit armé. * 56 l'UNICEF, La situation enfants dans le monde, Rapport de 1996, UNICEF, 110 p. * 57 Ibid. * 58 Report of the secretary-general, above note 50 * 59 Global report 2008, child soldier, p79. (www.childs -soldiers.org) * 60 Children and armed conflict, report of the secretary-general, UN Doc. A/61/529-S/2006/826, 26 October 2006; HRW, «Warning signs:continuing abuses in Burundi». * 61 Directives concernant les rapports initiaux que les États parties doivent présenter conformément au paragraphe 1 de l'article 8 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, CRC/OP/AC/I, 14 novembre 2001. Texte disponible sur le site Internet du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, à l'adresse : [ http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/CRC.OP.AC.1.Fr?Opendocument]. (Consulté le 28 avril 2010) |
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