Vie pénitentiaire, liens sociaux et affectivité. Comment les personnes vivent- elles leur vie affective dans un milieu carcéral fermé( Télécharger le fichier original )par Rachel Roseline Boulé Schmid Briachetti Haute école de travail social de Genève - Bachelor 2012 |
Partie 2 : Corpus théorique1. Chapitre I: Introduction/Choix de l'approche phénoménologiqueDans le but de nous permettre de construire notre grille d'entretien, d'affirmer ou d'infirmer notre hypothèse et de développer notre analyse, nous avons exploré l'approche phénoménologique. Cette dernière est définie par le petit Larousse comme l'étude descriptive des phénomènes ou l'ensemble de faits observables, d'événements tels qu'ils se donnent à nous. Ce qui, à nos yeux, peut permettre d'expliquer, de découvrir , de se fonder sur des faits vécus de ce que peuvent vivre les détenus en prison de la relation homme - mon de , de la dynamique du lien à autrui. Tout d'abord, nous allons expliquer pourquoi nous avons fait le choix de nous baser sur l'approche phénoménologique. En effet, tout ce qui touche au domaine de l'affectif est complexe. Par ce mémoire, nous désir ons plutôt nous centrer sur une approche humaine, un travail de compréhension de la présence et du sensible au monde. Pour la suite du développement de notre corpus théorique, nous allons expliquer quelques mots clés pour mieux comprendre l'affectivité et la sexualité Puis, nous allons également différencier les différentes altérités qui peuvent se vivre lors de détention ponctuelle en nous appuyant sur le livre d'Arnaud Gaillard4. Notre référence centrale est la phénoménologie. Toutefois, nous trouvons chez Gaillard une pensée claire qui nous permet d'exposer la question de l'altérité en ses différentes modalités. Pour notre travail, du point de vue phénoménologique, l'altérité nous appara»t comme trop abstrait e. Ayant toutes les deux lu le livre de Gaillard (les personnes Çinterviewées È également), son approche sociologique nous permet de définir les choses, de situer nos interlocuteurs dans l'altérité et de les rejoindre par cette lecture commune. Ensuite, pour pouvoir comprendre la suite de notre corpus théorique, nous allons faire référence à des philosophes5 et à des médecins importants qui ont influencé la méthode phénoménologique. Au début du XXème siècle la philosophie se dégage de la psychologie. Ainsi au XXème siècle la phénoménologie est une des orientations majeures . Pour commencer, nous avons décrit brièvement les idées clés d'Edmund Husserl (1859-1938). 4Gaillard, A. (2009). Sexualité et prison : désert affectif et désirs sous contrainte. Edition Max Milo. 5Philosophes: ont un ensemble de questionnements, de réflexions, de recherche sur l'existence humaine. Regardent également le rapport, du sens de la vie de l'homme au monde, de son propre savoir. Etudient les principes fondamentaux d'une activité, d'une pratique sur leur sens et leur légitimité. Puis, nous nous sommes intéressées à Martin Heidegger (1889-1976) pour comprendre l'enjeu de la phénoménologie, la philosophie de l'expérience, la dictature du Ç on È. Avec Ludwig Binswanger (1881-1966), nous appréhenderons mieux l'espace thymique et comprendrons davantage comment la phénoménologie peut s'appliquer dans l'expérience clinique. Nous nous sommes également penchées sur Erwin Straus (1891-1975, plus particulièrement le moment pathique), Vicktor Von Weizsäcker (1886-1957), Jacques Schotte (1928-2007) qui étaient médecins, psychiatres mais fortement influe ncés par la pensée philosophique issue de la phénoménologie. Ces penseurs ont pu exprimer que certains phénomènes vécus dans la vie quotidienne ne peuvent pas toujours être expliqués rationnellement, c'est-à-dire par une connaissance de comment nous sommes construits. Ces philosophes et médecins se sont nettement distanciés par exemple de René Descartes (1596 -1650) et d'Ivan Pavlov (1849-1936) qui ont vu les animaux comme des objets, des robots. Ils ont mis en avant que des moments pathiques peuvent Ç appara»tre È et qu'ils sont liés à l'ouverture, la surprise, l'étonnement, etc. Henri Maldiney (philosophe, 1912 à nos jours) nous intéresse plus particulièrement pour expliquer les notions d'implication, de mouvement et de rythme en phénoménologie. Nous allons également exposer le lien qui existe entre un moment pathique (expliqué par Straus et de nos jours par Maldiney) et l'affectivité vécue en prison pour voir si oui ou non nous pouvons Ç découvrir une réalité Çindépendante È des outils d'observation sensibles et conceptuels È qui sont utilisés de nos jours. Pour finir, nous avons dégagé quelques phénomènes vécus en prison. Notre choix de certains phénomènes, plutôt que d'autres, sont justifiés par le fait que les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenues les ont fait le plus Ç appara»tre È. 1.1. Choix de l'approche phénoménologique6 Avec E. Marc, D. Picard et G. -N. Fischer , nous pouvons remarquer que dans la littérature, il y a abondance de champs théoriques, de concepts et de démarches pour expliquer toutes formes de relations et d'échanges. Les auteurs ont saisi plusieurs regards au niveau des communications interpersonnelles comme sur les formes structurelles du phénomène ou sur les aspects fonctionnels dynamiques et interactifs. Cependant, la plupart du temps chacun amène un point de vue sur une réalité complexe dont il n'éclaire qu'un aspect. Ces concepts prennent en compte un des coté du phénomène relationnel. 6 2ème Marc, E., Picard, D., & Fischer , G.-N. (2008). Relations et communications interpersonnelles . DUNOD , edition Par exemple, les professionnels, pour qui il existe un processus de changement du côté relationnel de l'individu ou dans sa personnalité, peuvent utiliser plusieurs modèles comme le modèle systémique, le modèle psychanalytique, et/ou le modèle cognitiviste. Parfois ces différentes approches sont combinées entre elles selon le contexte dans lequel se situe la personne. En résumant, nous pouvons nous dire que ces diverses approches méthodologiques d'intervention en travail social dans les pratiques psychosociales insistent sur une exploration à visées interprétatives. Elles expliquent le fonctionnement du monde interne de la personne (approches psycho dynamiques) ou de la communication du sujet au sein de ses systèmes sociaux et familiaux (approches systémiques) ou encore au niveau des schèmes cognitifs de l'individu et de leurs corrélats comportementaux (approches cognitivo - co m po rte me nta l es )7. Le modèle systémique s'appuie sur la notion de système, c'est Ç un ensemble d'éléments en interaction, ainsi une modification quelconque de l'un d'eux entra»ne une modification de tous les autres È comme par exemple , dans un orchestre 8 , . Nous ne désirons pas, pour ce travail de mémoire, mettre en avant les problèmes de communication même s'ils existent en prison, alors nous n'avons pas construit notre travail à l'aide de ce modèle. En ce qui concerne la méthode psychanalytique, si nous avons eu des cours de psychologie à la HETS, pour appréhender certains mécanismes internes, nous ne voulons pas à travers ce travail de bachelor comprendre le monde interne des personnes interviewées. Nous ne souhaitons pas connaitre le pourquoi de leur acte. Nous n'espérons pas apporter un niveau psychologique dans l'analyse sur leurs agissements avec d'autres détenus, surveillants etc. au niveau affectif. Nous ne désirons surtout pas que les dires des personnes interviewées soient interprétés. Ou alors, apprendre que leurs compor tements affectifs sont dans une dynamique entre les pulsions et les défenses, comme le pensait Sigmund Freud en disant que le conflit névrotique se noue autour du désir lié étroitement à la sexualité. Le modèle cognitivo-comportementale prend en compte d'abord le processus conscient et s'intéresse surtout au niveau des conduites exprimées par différentes émotions. Nous ne nous sommes pas penchées sur ce modèle car nous désirons surtout être à l'écoute de ce que les personnes ont à transmettre de leur vécu sans forcément entrer dans leur processus de changement ou pas. Pour finir, d'un point de vue sociologique comme par exemple pour Pierre Bourdieu, l'affectivité et la sexualité sont le fait de normes en vigueur, de la culture et des rites transmis. D'un point de vue sociologique, le sociologue cherche plutôt à catégoriser les Ç choses È. Il constate comment les personnes peuvent s'y prendre de manière groupale. 7 Pittet, M (en cours). Enquête sur le rythme et l'implication dans les pratiques d'accompagnement psychosociale - Implication rythmique dans le partage intersubjectif d'expériences affectives et émergence d'un savoir comme objet de formation en travail social. Genève : HES-SO, Haute école de travail social. 8: Notes de recherche : Les Thérapies systémiques : historique (Palo Alto)-: Récupéré le 15.03.2012 de http://www.therapiestrategique.fr/documents/historique PaloAlto.pdf Comme déjà écrit précédemment, nous souhaitons vraiment nous baser sur le moment, l'instant vécu des détenus en prise avec des phénomènes divers. Même s'il est important d'avoir une vue d'ensemble du sujet travaillé, nous avons fait le choix de réfléchir plus spécifiquement sur le concept phénoménologique, qui à notre point de vue, peut donner une dimension plus profonde à notre travail de mémoire et qui peut essayer d'émouvoir, de toucher nos lecteurs sur les moments d'existence affectifs des détenus. De plus, nous voulons en étant dans la rencontre avec le s détenus que leurs expériences d'absence de liberté, deviennent pour nous un moment essentiel dans notre qualité d'écoute, d'accueil, d'empathie, d'ouverture, de lâcher -prise, de travailleuses sociales en nous laissant voir et en dévoilant leur vécu. Avant de construire notre corpus théorique pour le travail de bachelor, il était important de nous mettre d'accord pour définir ce qu'est l'affectivité et la sexualité. |
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