L'usufruit des droits incorporels( Télécharger le fichier original )par Wyao POUWAKA Université de Lomé Togo - Diplôme d'études approfondies 2011 |
B- L'admission d'un droit de propriété rénovéLa rénovation de la propriété est fondée sur l'idée d'idéalisation du droit de propriété. Le droit de propriété a été confondu à la chose sur des fondements faux. L'objet de la propriété n'était nullement pas un pouvoir du titulaire sur la chose, mais « un rapport juridique objectif »202(*), au reste incorporé dans la terre afin d'être opposable à tous ses acquéreurs successifs. Le Code civil s'est démarqué de cette propriété anachronique qui confond le droit et son objet. Les dispositions ponctuelles du Code civil et même du Code de commerce démentent l'idée selon laquelle le droit de propriété se réduit à une chose corporelle. Cette conception constitue un « dogme purement doctrinal qui résulte de la dénaturation de la loi »203(*). Aussi bien les droits que les choses corporelles ont vocation à être objet de droit réel. L'article 588 C.civ. évoque l'hypothèse de l'usufruit d'une rente viagère ; l'article 2075 C.civ. traite du nantissement de droits de créances et autres meubles incorporels ; l'article 2118 C.civ. admet la possibilité d'hypothéquer un usufruit. L'ensemble de la loi civile est consacré à l'exercice de la propriété. Portalis soutient que la propriété est « l'âme universelle de la législation »204(*) ce qui revient à dire qu'aucun bien ne lui échappe. Les dispositions du Code civil, soutient Locré205(*), « sont toutes consacrées à établir les règles de la propriété : ou bien elles décident à qui les choses appartiennent, comment on les acquiert, comment on en jouit, comment on peut en disposer, ou bien elles règlent les droits que les engagements donnent relativement aux choses, en expliquant comment ces engagements se forment et s'éteignent ». La propriété ne se réduit pas aux prérogatives que l'on a sur les choses, elle est à la base du statut personnel et de l'activité juridique. La propriété est en définitive la clé des rapports de droit privé. Ainsi vue, la propriété a une assiette plus étendue et son domaine s'étend aux droits incorporels. Si cette doctrine reste à ce jour minoritaire, elle n'en est pas moins pertinente. Elle a le mérite d'élargir le domaine du droit de propriété de sorte qu'outre les choses corporelles, les droits incorporels sont objets appropriables. La thèse de la rénovation du droit de propriété est séduisante. Cependant, elle reste muette sur la question de la distinction droits réels-droits personnels. Et, c'est justement l'évocation de cette distinction qui met à néant l'idée de l'élargissement du champ du droit de propriété et partant de l'usufruit. La nature juridique de l'usufruit n'est pas évoquée. Cette inquiétude est bien partagée par F. Zénati lorsqu'il reconnaît que l'usufruit des créances est « une figure hétérodoxe à la lumière de la théorie classique des biens »206(*). Peut-être l'explication va se trouver dans le fait que cette théorie est consacrée à la propriété non aux droits réels. Il en résulte un constat de non achèvement. La relecture du Code civil se révèle être elle aussi impuissante à régler le problème de la nature juridique de l'usufruit lorsqu'il porte sur les droits incorporels. La solution à cette difficile question ne résiderait-elle pas dans la remise en cause pure et simple de la distinction traditionnelle droits réels-droits personnels ? * 202 F. Zénati-Castaing, op.cit., p. 308. * 203 F. Zénati-Castaing, op. cit., p. 309. * 204 Portalis, Exposé des motifs du titre de la propriété, Ecrits et discours juridiques et politique, PUAM 1988, p. 126 cité par F. Zénati-Castaing, « La propriété, mécanisme fondamental du droit », RTD civ. 2006, p. 446. * 205 Locré, Esprit du Code Napoléon, l, p. 66-67 cité par F. Zénati-Castaing, ibid. * 206 F. Zénati-Castaing, Les biens, Paris 1988, p. 255 cité par R. Libchaber, op. cit., n° 3. |
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