Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009( Télécharger le fichier original )par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010 |
1.2. Les clauses des Accords de paix de 1992A la sortie d'une longue guerre civile qui a ravagé le pays ; pour panser les plaies et blessures et s'inscrire dans la logique de réconciliation nationale, il était cependant important de commencer par guérir les blessures causées par les deux camps à l'ensemble de la société salvadorienne. L'accord de paix signé à Chapultepec (Mexique) le 16 janvier 1992, sous l'égide des Nations unies, fut le moyen d'y parvenir (Villalobos 1999 : 141-142). Un ensemble de mesures concernant l'armée, la police, le système électoral et le pouvoir judiciaire allait transformer la société ; les programmes de réinsertion dans la vie civile pour les ex-commandants des deux bords devaient garantir le désarmement et empêcher le retour à la guerre ; et des mesures comme la création de la Commission de vérité, l'épuration de l'armée et l'amnistie régleraient la question du passé. Assurer la pacification par des dispositions concernant de façon à la fois réaliste et équilibrée le passé, le présent et l'avenir, tel était en somme le contenu de l'accord (Villalobos 1999 : 142). En effet concernant l'armée, elle est désormais soumise au pouvoir civil, son statut constitutionnel est normalisé et elle cesse d'être considérée comme la garante des institutions de la république. Elle devra démobiliser tous les bataillons spéciaux entraînés pour la lutte anti-insurrectionnelle, réduire de moitié ses effectifs, qui doivent passer de 80 000 à 40 000 hommes, dissoudre les unités de police qui en dépendent (Policia de Hacienda, Policia Nacional et Guardia Nacional), ainsi que les services d'intelligence (Garibay 2003 : 450). Ses officiers supérieurs devront répondre des crimes des droits de l'homme commis pendant le conflit à travers des mécanismes prévus par la Commission ad hoc et par la Commission de vérité. Les fonctions de police sont dévolues désormais à une nouvelle police civile (Policia Nacional Civil) qui ne sera plus un corps militaire et qui devra être composée majoritairement de personnes n'ayant pas combattu dans aucun des deux camps (Garibay 2003 : 450). En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, des reformes également furent instituées. Le système judiciaire fut donc reformé dans le sens d'une large indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Une Procuraduría sur les questions des droits de l'homme fut instituée mais aussi une instance chargée de vérifier les processus électoraux également dans le sens d'une grande indépendance vis-à-vis de l'exécutif et des partis politiques. Ensuite en ce qui concerne les reformes sur le plan socio-économique, il faut noter qu'un ensemble de mesures furent prévues principalement sur le transfert de terres aux anciens membres de la guérilla, sur la légalisation des terres occupées et sur la mise en place d'un forum sur les questions socio-économiques, avec la participation du gouvernement, des représentants du patronat et du syndicat. En outre les Accords de paix comportent un point précis et clé relatif à la participation politique du FMLN. En ce sens les Accords prévoient la démobilisation des effectifs de la guérilla, sa démilitarisation parallèle à celle de l'armée et la livraison puis la destruction de tout le matériel de guerre. Enfin les Accords de paix prévoient la légalisation du FMLN en parti politique prévue pour le 1er mai 1992 une fois que la démobilisation de ces forces combattantes et la démilitarisation seront assurées. La pleine liberté d'expression et d'exercice des droits civiques de ses membres, avec les mesures de sécurité qui s'imposent, devraient être garanties. Néanmoins, cette transformation ne pourra avoir d'effets en termes politiques et institutionnels qu'à partir des élections suivantes, programmées pour le 19 mars 1994, soit plus de deux ans après la signature de la paix, et près de 18 mois après la date prévue pour la fin de sa démobilisation83(*) (Garibay 2003 : 451). La démobilisation des deux camps est programmée en plusieurs phases et doit se terminer le 31 octobre 1992 ; mais elle prendra beaucoup plus de temps que prévu, pour des raisons imputables aux deux parties, et la fin officielle du conflit sera finalement annoncée le 15 décembre 1992 (Garibay 2003 : 448). Par ailleurs la question de la terre, qui fut un problème majeur au Salvador et qui a accentué les inégalités sociales et les violences dans les pays, fut abordée par les Accords de paix. Là où les différentes reformes agraires et surtout celles de 1980 ont échoué, les Accords de paix ont réussi d'une certaine manière relativement à éliminer le problème de terre. Ceci grâce à un programme de transferts de terres aux anciens combattants des deux bords. Entre janvier 1992 et mars 1994 la polarisation de la vie politique salvadorienne s'accentue sur la question de la mise en oeuvre des accords. À ce moment se généralise l'idée que l'effective application des Accords de paix deviendra le signe tangible de la démocratisation du pays (Garibay 2003 : 452). Mais très vite les Accords de paix virent leur applicabilité être difficiles. En effet une situation difficile se posait en ce qui concerne la mise en oeuvre des mesures décidées durant l'année 1992. Très rapidement, les retards et les louvoiements du gouvernement et de l'armée dans l'application des dispositions, en particulier dans un premier temps sur la démobilisation des unités de police militaire et des bataillons anti-insurrectionnels, puis sur l'épuration des officiers impliqués dans des crimes contre les droits de l'homme et plus tard sur les programmes de distribution de terres, sont utilisées comme prétextes par le FMLN pour retarder sa propre démobilisation (Garibay 2003 : 452). En outre, pour de nombreux dirigeants du FMLN, les armes ont représenté non seulement une force essentielle qui a permis de mettre en échec le gouvernement et l'armée pendant la guerre civile, mais aussi constituent un moyen de pression dont dispose l'organisation pendant la période qui suit la signature de la paix. Par exemple, l'explosion d'armes appartenant au FMLN à Managua (Nicaragua) le 23 mai 1993 témoigne encore que le FMLN a conservé une partie significative de ses meilleures armes et montre comment les armes demeurent une garantie incontournable pour la réalisation effective des Accords de paix dans un contexte de profonde méfiance vis-à-vis de l'armée. Or, cette situation contribue à prolonger la période de transition, puisqu'elle retarde la transformation formelle de l'ancienne guérilla en parti politique. Cette transformation prévue pour le 1er mai ne sera effective que huit mois plus tard, à la mi-décembre. Par ailleurs ces Accords de paix portèrent en eux des lacunes et insuffisances qui pourraient entraver le processus de paix dans le pays. Villalobos (1995 : 143-144) les résume en ces termes : « Celui qui portait sur la commission chargée d'épurer l'armée ne précisait pas les modalités d'application, ni s'il serait ou non rendu public ; il n'y avait pas de programmes spécifiques de réinsertion pour les chefs de la guérilla, dont certains avaient pris le maquis depuis vingt ans ; l'Etat n'assurait pas la sécurité des dirigeants du FMLN84(*) ; il n'y avait pas non plus de dispositions visant à réinsérer dans la vie civile des officiers ayant fait l'objet de l'épuration ; la date d'entrée en vigueur de l'amnistie n'était pas fixée ; et il n'était pas garanti que les terres, très productives, qui étaient aux mains de la guérilla seraient effectivement transférées aux anciens combattants. La sécurité des dirigeants du FMLN était essentielle pour le déroulement du processus ; l'assassinat, en octobre 1993, de deux de ses chefs provoqua une crise.». Ces Accords en outre eurent une incidence sur la composition du FMLN car, des négociations et de l'Accord de paix intervinrent des brouilles dont nous ne manquerons pas d'élucider quand nous serons dans la partie concernant les scissions intervenues au sein des ex-guérilleros dans le chapitre suivant. Ces lacunes donc furent l'objet de renégociation, ceci dans le but d'améliorer le processus d'instauration d'un climat de paix au Salvador à la sortie d'une longue guerre civile. * 83 Les différentes négociations sur les Accords de paix ont reporté au 15 décembre la date de la fin formelle de la guerre civile (Garibay 2003 : 455). * 84 Dans la partie de l'accord de paix relative au rôle politique du FMLN, il y a un paragraphe à ce sujet, mais sans engagement clair du gouvernement (Villalobos 1999 : 143). |
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