L'OTAN et la prolifération nucléaire 1991- 2008( Télécharger le fichier original )par Marius N'guessan Université de Cocody Abidjan - Licence 2008 |
CHAPITRE I : LES RAISONS DE L'ENGAGEMENT DE L'OTAN DANS LA LUTTE CONTRE LA PROLIFERATION ET LA SITUATION DU MONDE AU REGARD DE LA PROLIFERATION EN 1991Dans ce premier chapitre, il s'agira de présenter d'une part, les raisons de l'engagement de l'OTAN dans la lutte contre la prolifération en 1991, et ce à travers deux pistes de développement : Avec la fin de l'affrontement Est-Ouest, le recours à l'arme nucléaire parait de moins en moins nécessaire ; la crainte de la fuite des armements de l'ex-URSS vers d'autres pays pouvant générer un multi-pôle d'adversité avec, la possibilité de l'utilisation de l'arme nucléaire contre un des membres de l'Alliance ; D'autre part, présenter la situation du monde au regard de la prolifération en 1991 en évoquant : les stocks d'armes nucléaires des puissances nucléaires officielles (1965-1991) ; et, l'arsenal nucléaire des Etats possédant officieusement l'arme nucléaire au terme de 1991. I- LES RAISONS DE L'ENGAGEMENT DE L'OTAN DANS LA LUTTE CONTRE LA PROLIFERATION EN 1991 Peut d'auteurs ont spéculé sur les raisons qui ont poussés l'OTAN à s'engager dans la lutte pour la non-prolifération. Ceux qui l'ont fait, les ont inscrites dans un contexte général relativement au régime de la non-prolifération. Certains vont plutôt saper ces raisons en mettant en évidence la volonté des Etats-Unis à vouloir dominer le monde à travers l'Alliance (12(*)). Toutefois, notre analyse se limitera à aborder l'aspect général de ces raisons, et les raisons diplomatiques. Ainsi, la première partie sera intitulée : avec la fin de l'affrontement Est-Ouest, le recours à l'arme nucléaire parait de moins en moins nécessaire. La seconde, traitera de La crainte de la fuite des armements de l'ex-URSS vers d'autres pays pouvant générer un multi-pôle d'adversité avec, la possibilité de l'utilisation de l'arme nucléaire contre un des membres de l'Alliance. 1- Avec la fin de l'affrontement Est-Ouest, le recours à l'arme nucléaire parait de moins en moins nécessaire L'arme nucléaire, utilisée à deux reprises en 1945, le 6 août à Hiroshima et le 9 août à Nagasaki, n'est pas une arme comme les autres. Non seulement par ses capacités de destruction intrinsèques, qui sont considérables, mais plus encore par le risque de destruction de la planète qu'ouvrait son utilisation par les deux Grands (13(*)). Elle a introduit une rupture radicale dans le perfectionnement des armements en rendant désormais envisageable une apocalypse tuant des millions d'innocents. Comment dés lors accepter moralement la présence d'une telle arme ? C'est en réalité la nature spécifique de la menace soviétique qui a assuré la légitimité de la dissuasion nucléaire (14(*)). Face à un système politique et militaire dont l'objectif était d'accroître son emprise sur le pays conquis, sa société et les modes de vie de ses habitants, l'arme nucléaire devenait le seul instrument capable d'empêcher la réalisation de cette menace. En Europe comme ailleurs, l'ampleur et la proximité de la menace, mais plus encore sa spécificité liée au système totalitaire qui la portait, ont nourri une acceptation massive du fait nucléaire. Avec la disparition de l'URSS, c'est l'utilité stratégique des armes nucléaires qui est remise en cause, mais, surtout, ce sont les fondements moraux de l'acceptation du nucléaire qui disparaissent. « Si le mal absolu n'existe plus, comment justifier le risque d'apocalypse inhérent à l'arme nucléaire ? » (15(*)) Ainsi, les nombreux bouleversements à l'Est depuis 1989 ont rendu plus incertaines les justifications de la dissuasion nucléaire, d'autant que l'ennemi d'hier devenait un partenaire (16(*)). 2- La crainte de la fuite des armements de l'ex-URSS vers d'autres pays pouvant générer un multi-pôle d'adversité avec, la possibilité de l'utilisation de l'arme nucléaire contre un des membres de l'Alliance. Loin de se réjouir des déboires de leur ancien rival impérialiste qu'elles avaient craint durant, de longues décennies, les puissances occidentales sont gagnées par l'inquiétude devant les conséquences de l'effondrement du système stalinien. En effet, la fin du bloc soviétique, a déterminé le délitement de son rival occidental qui perdait sa principale raison d'être, libérant mondialement la tendance naturelle du capitalisme au chacun pour soi. Le réveil des nationalités s'accompagne d'une exacerbation des tensions nationalistes, la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan (17(*)) préfigure l'état de désordre dans lequel se précipitent ces futurs Etats qui basent leur existence sur les aspects les plus archaïques et anachroniques des différentes cultures nationales. Le gigantesque arsenal que s'est constitué l'"armée rouge" (18(*)) est menacé d'être dispersé suivant les multiples lignes de fracture de la dislocation de l'URSS. Demain, les armes nucléaires, les centrales atomiques, les milliers de chars, canons, fusils risquent de se trouver sous le contrôle des forces les plus anachroniques auxquelles peut donner naissance la putréfaction du régime stalinien, rendant à jamais caduque toute idée de contrôle de la dissémination des armes nucléaires par les grandes puissances et aggravant la menace d'accidents nucléaires majeures. Tchernobyl (19(*)) n'est pas un hasard, mais l'exacte concrétisation de la situation en URSS. Face à une telle situation de déstabilisation, les autres grandes puissances du globe et en premier lieu les USA et les Etats européens formant l'Alliance Atlantique, n'ont aucun intérêt à ce que l'effondrement de l'URSS et sa désagrégation en de multiples Etats rivaux se face sans aucun contrôle de l'armement. Tous leurs efforts vont donc se conjuguer pour soutenir les facteurs de cohésion politique de non-prolifération et promouvoir des réformes pour tenter de stabiliser la prolifération. II- LA SITUATION DU MONDE AU REGARD DE LA PROLIFERATION AU DEBUT DES ANNEES 91 Les Etats signataires du Traité de non-prolifération (TNP) sont classés en deux catégories : Les « Etats dotés d'armes nucléaires (EDAN) » (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, Chine, France) qui ont, selon les termes de l'article IX du TNP, « fabriqué ou [fait] exploser une arme nucléaire ou un autre dispositif nucléaire explosif avant le 1er janvier 1967 ». Ils sont donc reconnus officiellement comme puissance nucléaire aux yeux de la communauté internationale ; Les « Etats non dotés d'armes nucléaires (ENDAN) », c'est-à-dire tous les autres pays signataires du TNP. Ainsi, notre analyse portera ici, d'une part sur le dispositif nucléaire des puissances nucléaires officiellement reconnues et d'autre part sur l'arsenal nucléaire des Etats possédant officieusement l'arme nucléaire au terme de 1991. 1- Les stocks d'armes nucléaires des puissances nucléaires officielles (1965-1991) Le secret excessif qui entoure le nucléaire militaire empêche le public de connaître le nombre exact d'armes nucléaires dans le monde. Chaque nation protège les détails de son propre arsenal nucléaire, et ne connaît généralement qu'un minimum de détails précis sur la taille et la composition des stocks nucléaires des autres pays. Selon nos sources (20(*)), plus de 107 632 armes nucléaires ont été construites par les puissances reconnues par le TNP à la fin des années 80. En effet, la France est parvenue en vingt ans (1965-1985) à multiplier par plus de dix, son stock d'armes nucléaires (de 32 en 1965 à 359 en 1986). Il a augmenté encore considérablement jusqu'en 1991 pour parvenir à son niveau le plus haut de 359 têtes nucléaires. Son premier essai nucléaire date du 13 février 1960. Tout comme elle, en dix ans, le nombre d'armes nucléaires britanniques est passé d'une en 1953 à 310 en 1965 ; cette augmentation rapide a pu se réaliser grâce à l'aide accrue reçue des États-Unis. L'arsenal britannique s'est maintenu à ce niveau pendant près de dix ans (1985-1994). Le Royaume-Uni est la plus « petite » des cinq puissances nucléaires reconnues par le Traité de non prolifération (TNP). Son premier essai nucléaire date du 30 octobre 1959 avec moins de 350 têtes en 1991. Quant à la Chine, elle est devenue puissance nucléaire, avec un stock estimé à 426 armes nucléaires en 1992. Ce chiffre est identique depuis 1985. Son premier essai nucléaire date d'octobre 1964. Les premiers essais nucléaires des Etats-Unis et de la Russie dates de juillet 1949. En 1945 au Etats-Unis, un total de 6 armes nucléaires furent fabriquées, dont une pour l'essai nucléaire de Trinity et deux qui furent utilisées lors des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Une course aux armements nucléaire démarre lorsque l'Union Soviétique fit son premier essai nucléaire le 14 juillet 1949 avec le RDS-1. En 1959, les forces armées des États-Unis disposent de 7 000 ogives stratégiques et 1 500 vecteurs, ainsi que de plus de 15 000 armes tactiques. En 1965, le pic est atteint avec environ 32 400 armes nucléaires de toutes catégories. Le nombre d'ogives stratégique dépasse 12 000 en 1970 et dépasse 15 000 de 1973 à 1979. Leur nombre total était de 21 000 en 1990 (21(*))[]. Par ailleurs, Moscou a livré peu d'information concernant la taille de ses stocks et ses plans futurs ne sont pas non plus connus avec certitude. Nous estimons que depuis 1949 l'Union Soviétique/Russie a produit quelque 55 000 têtes nucléaires et qu'environ 30 000 existaient en 1991 à la fin de la Guerre Froide. Cela pose des difficultés spécifiques pour évaluer la taille des arsenaux des plus petites puissances nucléaires (Israël, l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord) du fait de leur petitesse comparée aux stocks de la Russie et des Etats-Unis. 2- L'arsenal nucléaire des Etats possédant officieusement l'arme nucléaire au terme de 1991. Ni l'Inde ni le Pakistan n'ont divulgué d'information officielle au public sur la taille de leur arsenal nucléaire. Le centre de recherche sur la mondialisation (CRM), pense qu'ils possédaient au moins 110 têtes nucléaires, dont certaines ne sont peut être pas opérationnellement déployées. Des experts indépendants estiment que l'Inde avait produit suffisamment de matériaux fissiles pour la fabrication de 60 à 105 têtes nucléaires mais n'en a peut être assemblées que 50 à 60. Par contraste, ces experts croient que le Pakistan avait produit suffisamment de matériau fissile pour fabriquer entre 55 et 90 têtes nucléaires et qu'il en a assemblées 40 à 50. Par contre, bien qu'Israël n'ait jamais confirmé ou nié posséder des armes nucléaires, le DIA a conclu en 1999 qu'Israël avait produit 60 à 80 têtes nucléaires et ce, bien avant la fin de la guerre froide. On estime qu'Israël a produit suffisamment de matériau fissile pour assembler de 110 à 190 têtes nucléaires. La Corée du Nord a un réacteur électrique régulé au graphite de 5 mégawatts (MWs) et refroidit au gaz qui a commencé à être opérationnel en 1986. Des experts indépendants estiment qu'elle a produit environ 43 kg de plutonium séparé, donnant ou prenant 10 kg (22(*)). De 1945 à 1991, plus de 128 000 têtes nucléaires ont été construites selon les calculs des spécialistes du centre de recherche sur la mondialisation, et toutes sauf environ 3% ont été fabriquées par les Etats-Unis (environ 55%) et l'Union soviétique/Russie (environ 43 %). Face au scénario d'un nouveau raide nucléaire avec pour cycle l'un des membres de L'Alliance, face à la nouvelle conception de l'arme nucléaire et à la multiplicité des Etats détenteurs d'armements nucléaires, il était temps de se ranger du côté du régime de non-prolifération. * 12 _ Selon PASCALLON (P), « l'OTAN vie et... mort(?) D'une institution centrale des relations internationales contemporaines » in forum, 24 octobre 2008, p. 5 ? www.irisfrance.org/docs/pdf/forum/2008_10_24_otan.pdf * 13 _ L'arsenal nucléaire des deux grands pouvait détruire à lui seul six fois la planète selon le cours magistral de 1ère année d'histoire de M. Kouassi Yao, les relations internationales de 1945 à 1962, Université de Cocody * 14 _ Selon Martin de CLAUSONNE, la dissuasion nucléaire est une stratégie qui vise à s'approprier l'arme nucléaire dans « le but d'empêcher un conflit, ... elle est compatible avec la politique de non-prolifération » dans « ouvrons le débat sur la dissuasion nucléaire », in tribune vol.4, p.1 www.college.interarmees.defense.gouv.fr/.../MARTIN_de_CLAUSONNE_CF__article_Tribune_v4.pdf * 15 _ Glaser, 1998. Cité dans le rapport de 1ère phase de l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN), 52ème session nationale, comité n°6, décembre 1999, p.11 * 16 _ Avec la dissolution du pacte de Varsovie et l'éclatement de l'URSS, de nombreux Etat issus des ces alliances demanderont la protection des Etats-Unis. * 17 _ http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_HautKarabagh#Guerre_entre_l.27Arm.C3.A9nie_et_l.27Azerba.C3.AFdjan * 18 _ L'Armée rouge, est l'armée mise sur pied, dans l'ancien empire russe par le nouveau pouvoir bolchevik, après la révolution d'Octobre, afin de combattre la contre-révolution des Blancs soutenus par les puissances étrangères (France, Royaume-Uni, Tchécoslovaquie, États-Unis, Japon). Le terme rouge a une connotation révolutionnaire et fait référence au sang. Un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, cette armée va s'appeler l'Armée soviétique, jusqu'à la dissolution de l'Union soviétique en décembre 1991. * 19 _ La catastrophe de Tchernobyl est un accident nucléaire qui s'est produit le 26 avril 1986 dans la centrale nucléaire Lénine en Ukraine. Il est le seul accident classé au niveau 7 sur l'échelle internationale des évènements nucléaires (INES), ce qui en fait le plus grave accident nucléaire répertorié jusqu'à présent. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_de_Tchernobyl * 20 _ Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), « stocks d'armes nucléaire » in mondialisation.ca Equipe de recherche sur le terrorisme et l'antiterrorisme (ERTA), www.erta-tcrg.org * 21 _ Pour plus d'infos consulter, http://fr.wikipedia.org/wiki/Stock_d'armes_nucl%C3%A9aires_des_%C3%89tats-Unis * 22 _ Centre de recherche sur la mondialisation : www.mondialisation.ca |
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