Chapitre 2: REVUE DE LITTERATURE
Ë travers cette revue de littérature, nous allons
maintenant tenter, non pas de définir, car de nombreux auteurs que nous
allons citer se sont déjà attelés à cette
tâche, mais plutôt de dresser un tableau des réflexions
entourant la question de l'identité organisationnelle. Dans un premier
temps, nous allons voir ce que la littérature nous dit à propos
de l'identité organisationnelle et de son lien avec l'image
organisationnelle. Nous pourrons alors voir quelles en sont les
définitions. Puis, dans un second temps, nous tâcherons de
réunir et d'observer les éléments qui peuvent
potentiellement participer à la construction de cette
identité.
2.1 L'identité organisationnelle en question
2.1.1 Des multiples définitions de l'identité
organisationnelle
Avant d'aborder plus précisément la question de
l'identité d'un point de vue organisationnel, nous allons revenir un
instant sur cette même question, mais en l'orientant à l'individu
à l'aide de réflexions tirées de la philosophie et de la
psychologie. Aussi, nous utiliserons des écrits d'auteurs qui se sont
interrogés sur l'identité individuelle. Ce petit détour
nous semble, en effet, nécessaire car les idées
développées sur l'identité organisationnelle sont
nées à la suite et en parallèle de celles sur l'individu.
Ceci nous permettra donc de positionner plus solidement le sujet qui nous
préoccupe dans cette recherche.
processus social constitué de deux phases distinctes,
le <<Je >> et le << Moi >> (Hatch et Schultz, 2002).
Pour lui, le <<moi >> correspond à une
intériorisation des rTMles sociaux et le <<je >> correspond
à un processus de socialisation personnelle. Mais, selon lui, lorsque
l'on aborde la question de l'identité, c'est la notion d'un <<soi
>> qui émerge aussi. Celui-ci se construit de facon permanente au
cÏur de l'interaction et il est donc dynamique. De plus, Mead
considère que c'est dans l'interaction que l'individu émerge et
prend conscience de lui-même.
Le << soi >> correspondrait donc, selon cet
auteur, à l'ensemble des images que les autres nous renvoient et que
l'on finit par intérioriser. Nous notons donc ici ce qui semble
être une interdépendance entre le soi et l'autre dans la question
de l'identité. Cette définition de l'identité est
exprimée d'un point de vue philosophique et s'attache, dans un premier
lieu, à la personne, l'être humain. Voyons donc comment cette
question de l'identité peut se traduire à un niveau collectif et
organisationnel.
Selon la classification de Giroux (2002), il existerait quatre
facons de définir l'identité organisationnelle, soit comme une
<< présentation >> de l'organisation, selon une perspective
fonctionnaliste et managériale; soit comme une <<
représentation >> de l'organisation, qui est vue comme un
processus organisant au sens de Weick (1969), processus oü les acteurs
construisent le sens d'une réalité (ou des
réalités/situations) et créent l'identité
organisationnelle ; soit comme une << création collective>>
de l'organisation (nous y reviendrons en détail un peu plus loin); soit
comme une <<illusion discursive >>, oü l'on n'observe pas
l'identité <<réelle >>, mais l'image
organisationnelle.
Toutes ces manières de définir l'identité
organisationnelle sont, selon
sur cette question. Cependant, nous avons choisi de
privilégier celle qui la considère comme une
<<création collective È. Ce serait alors une
réalité intersubjective co - construite dans des
<<conversationsÈ (Shotter, 1993; cité dans Giroux, 2002).
Dans ce cas-là, on parlera de <<conversations identitairesÈ
(p. 137). L'identité est alors
créée par tous les acteurs, de facon continue, et
l'identité devient donc une réalitédiscursive
et interactive, une construction sociale. De plus, l'identité peut alors
être
concue comme un concept négocié et
réflexif.
Albert et Whetten (1985) montrent, pour leur part, que la
définition de l'identité organisationnelle est verbalisée
par les membres de l'organisation, ce qui nous invite à mieux comprendre
comment ils représentent leur organisation de facon durable et
distincte. Selon eux, ce qui est externe à l'organisation devient le
public de celle-ci. On ne peut donc pas parler d'une seule identité
organisationnelle, car il n'y a pas un seul contexte organisationnel, avec un
public considéré. Il est donc nécessaire de parler
d'identités multiples pour être en phase avec la
réalité de l'organisation (Gioia et al., 2000). L'organisation
n'a pas une identité, mais des identités. De plus,
l'identité organisationnelle semble apparaitre comme dynamique et
transformable, en ce sens, Gioia, Schultz et Corley (2000) expriment
l'idée d'une instabilité adaptable. Ils ajoutent que
l'identité est une image modelée par les médias et les
professionnels de la communication, donc une réalité volatile.
L'identité organisationnelle semble donc être multiple au
même titre que le <<soiÈ est multiple, comme Mead (1933/1963
; cité dans Marchal, 2006) nous le précise:
Les types de relations que nous entretenons varient suivant
les différents individus: nous sommes une chose pour un homme et une
autre pour un autre. Il existe une grande diversité de soi correspondant
aux différentes réactions sociales. Une personnalité
multiple est en un sens normale. (p. 71)
Appliquée à l'identité organisationnelle,
nous pourrions donc avancer que cette identité se construit dans
l'interaction, qu'elle est multiple et dynamique. Lorsque l'on parle
d'interaction, on pense forcément au rapport à l'autre et ce
rapport à l'autre semble être empreint d'une quête de
reconnaissance avec des besoins identitaires qui s'expriment de façon
implicite ou explicite (Lipiansky, 1992).
Parmi ces besoins identitaires de l'individu, on note une
étude, menée par Lipiansky (1992) à partir des discours
des participants de groupes, qui en a fait ressortir cinq que nous allons
énumérer. Il y a (1) le besoin d'existence, c'est-à-dire
le fait de se sentir exister aux yeux de l'autre en ayant une certaine
visibilité et en étant écouté d e l'autre. Puis, il
y a (2) le besoin d'intégration, c'est-à-dire avoir sa place en
obtenant la considération, l'approbation et l'acceptation de l'autre.
Ajoutons aussi (3) le besoin de valorisation, qui est d'avoir une valeur ou
image positive aux yeux des autres, besoin qui cherche à susciter
l'approbation, l'admiration ou l'estime de l'autre, en mettant parfois en
Ïuvres certaines stratégies à cette fin. Lipiansky fait le
lien ici avec la notion de face de Erving Goffman (1973/1974) oü
dans les rites d'interaction, il est de mise de préserver la face des
protagonistes. Notons aussi (4) le besoin de contrôle qui appara»t
lorsqu'est ressentie la perte ou la menace à l'encontre de son
identité, qui est définie comme suit par Lipiansky (1992) :
Ç Le sentiment d'identité implique la perception de soi comme
individualité autonome, capable de s'autodéterminer, de
décider de son comportement, d'exercer une certaine maitrise sur soi et
l'environnementÈ (p. 152). Il est à noter que le sentiment de
perte de contrôle du soi peut amener à l'exercice d'un pouvoir sur
l'autre et sur la situation afin de calmer sa peur de perte de
contrôle.
Enfin, Lipiansky met le doigt sur un dernier besoin identitaire
à considérer,
individualité comme unique, constante et autonome. Il
s'exerce ici le besoin d'être reconnu par l'autre dans la
différence et la singularité de son être. L'identité
semble donc s'exprimer à travers des besoins ou des désirs au
sein des interactions. Nous notons donc que l'identité peut être
définie dans le rapport à autrui et à la recherche du
consentement du soi. L'identité se construit donc au sein d'une relation
entre soi et l'autre, oü son regard a de l'importance et participe donc
à son être.
Mais s'il existe de multiples définitions de
l'identité organisationnelle et une littérature riche sur
l'identité individuelle, nous allons maintenant voir qu'il y en a autant
pour une notion assez voisine, soit celle d'image organisationnelle. Comme nous
le verrons, il y a souvent confusion entre image et identité et il
semble presque impossible de parler d'identité sans parler d'image.
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