WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La construction identitaire d'une ONG par la communication: le cas de Médecins sans Frontières

( Télécharger le fichier original )
par Jessica Ellouk
Université de Montréal - Maitrise es sciences de la communication, option organisationnelle 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

6.1.3 Un discours qui mobilise pour affirmer l'originalité de son être

Les analyses ont fait état de nombreuses mobilisations ou invocations au cours des interactions, Max faisant alors appel à de nombreuses figures pour présenter son organisation. Nous avons donc vu que MSF semblait être une organisation protocolaire avec l'invocation de figures apparemment très actives comme les protocoles d'accord, les principes et les guides cliniques qui normalisent la pratique médicale lors de missions. Ces figures présentifient donc l'organisation comme une entité stable et structurée. Cepen dant, nous avons pu également constater que MSF est, à travers ses représentants, souvent amenée à improviser, ce qui, à nos yeux, l'identifie à un savoir faire pratique et adaptable. Ce paradoxe montre qu'il s'agit d'une organisation qui laisse place à l' imprévu, tout en essayant de le minimiser. Elle possède donc une identité dynamique, ce qui nous renvoie au concept d'instabilité adaptable développé par Gioia, Schultz et Corley (2000).

Comme nous avons pu le constater, MSF, c'est donc à la fois des règle s, des principes, des protocoles et une identité structurée qui dit à ses acteurs ÇVoilà ce que nous sommes et ce que nous devons être È, mais c'est aussi la réalité du terrain, des partenaires et un environnement complexe. Tous ces éléments forcent à la négociation et nécessite une forme d'appropriation et de traduction personnelle de la part de ses représentants. On se retrouve donc dans une sorte d'opposition entre une voix officielle

et la voix du terrain, qui nécessite une conciliation pour être efficace et opérationnel. D'une certaine manière aussi, on a pu se rendre compte, au cours des analyses, d'une sorte de Ç schizophrénie È de la part de MSF, l'organisation se battant dans son discours avec plusieurs identités, mobilisant plusieurs Çêtres È. En effet, on a pu remarquer cela notamment lorsque l'organisation, par l'intermédiaire de Max, s'évertue à construire par le discours un ensemble alors qu'en même temps, elle fait une distinction entre le nous et le vous (voir aussi Chaput et al., sous presse). D'autre part, on peut aussi retrouver ce type de paradoxe lorsque MSF clame haut et fort qu'elle ne veut pas faire partie de convois militaires et être associée aux militaires, quelle que soit leur bannière, même si, en même temps, Max rend visite aux officiers de la MONUC et glisse dans la conversation ce que fait et où se trouve MSF dans la région, afin, semble-t-il d'obtenir une protection non-officielle de leur part ou du moins susciter leur intérêt.

Évoluant dans un environnement complexe, MSF semble engagée dans un combat incessant pour maintenir tant bien que mal une structure dans un milieu d'action déstructuré (Matte, 2006). Comme la littérature sur la question de l'identité organisationnelle et celle sur l'identité individuelle nous l'a fait remarquer, il n'y a donc pas une identité, mais bien des identités (Gioia et all., 2000 ; Mead, 1933/1963, cité dans Marchal, 2006) et c'est l'expression de cette multiplicité d'identités qui apparait bien dans le discours de son porte-parole, Max. Ce travail de positionnement de l'organisation et de son identité s'est souvent révélé dans les analyses par des effets de ventriloquie, permettant de présenter l'organisation comme une entité très structurée par le biais de l'invocation de principes, habitudes, protocoles et politiques, qui peuvent avoir tendance à désarmer l'interlocuteur et produire un effet massif sur celui-ci.

De plus, nous avons constaté que l'identité, c'est aussi être animé par des choses, comme le souci d'indépendance, par exemple, un souci qui pousse à agir d'une certaine manière et dans notre cas à ne pas se joindre à des convois militaires, par exemple. Le travail identitaire consiste à affirmer son originalité par la mobilisation d'attributs qu'on considère particuliers comme, pour MSF, son financement, sa clarté et son indépendance. Le discours de MSF mobilise aussi le facteur temps pour s'identifier, concluant en cela que la construction de l'identité porte les stigmates d'hier, d'aujourd'hui et de demain, comme c'était d'ailleurs signifié dans notre revue de la littérature. En effet, nous avons vu comment Max en revenait toujours, dans ses interventions, à la fondation de l'organisation en 1971 par des médecins francais pour présenter MSF, comme nous avons pu le constater dans la réunion d'information à Mumba et lors de la rencontre avec les militaires de la MONUC.

En faisant cela, il pose de solides bases à son discours et présente MSF comme une entité qui dure dans le temps, qui est établie, instituée. De plus, il mobilise aussi implicitement la figure du ÇFrench doctorÈ dans l'imaginaire de ses interlocuteurs. Cette figure correspond à la représentation d'un humanitaire indépendant, qui prTMne le droit d'ingérence, qui soigne tout le monde en toute impartialité (Verna, 2007). Ë la suite de cela, Max enchaine généralement sur la présence internationale de l'organisation, la présentant donc implicitement comme une organisation très structurée.

Comme en contrepoint à sa dimension internationale, MSF est aussi présentée comme une organisa tion à échelle humaine quand Max fait appel à la figure du donateur en lui donnant le visage de quelqu'un de familier qui donne des petites sommes d'argent à l'organisation. Ainsi, cette mobilisation sert à montrer que les missions de

l Õ organisation sont financées par Ç Monsieur et Madame tout le monde È, renvoyant à une responsabilité financiére de lÕorganisation oil chaque dollar doit etre dépensé consciencieusement, ce qui exige une réciprocité de ce comportement de la part de ses partenaires.

De plus, nous avons aussi remarqué que la mobilisation de principes, de politiques et de la presence de MSF a pour finalité de générer lÕaction qui est souvent synonyme de changement et de nouveauté pour ses collaborateurs. Ajoutons que Max mobilise aussi la figure du patient dans son discours à Mumba en démontrant lÕobjectif commun avec ses partenaires de sauver des vies, sous entendant en cela que MSF est une organisation préoccupée et attentive aussi bien aux patients quÕaux soignants. En outre, nous avons remarqué à plusieurs reprises que lÕorganisation cherche à normaliser son action dans un contexte instable et représente cela, à travers son discours, par la mobilisation de guides et dÕoutils cliniques, en plus de participer à la construction dÕune mémoire organi sationnelle dans le but dÕagir et de transmettre.

Ce besoin de normalisation exprime ainsi le caractére a priori raisonnable et prévoyant de lÕorganisation. De plus, nous constatons la mobilisation dÕhistoires et exemples anecdotiques de la part de Max, histoires et exemples qui contribuent à un travail de normalisation de la situation assez tendue qui existe entre Eric et le docteur Joseph de lÕhTMpital de Mumba. Ë ce propos, Witten (1993 ; cite dans Giroux & Marroquin, 2005) dit que : Ç les histoires servent à enseigner aux employés leurs obligations ainsi que les normes de comportements jugées acceptables par la direction È (p. 27). Nous tenons, par ailleurs, à mettre lÕaccent sur le fait que dans ces histoires et anecdotes invoquées, la normalité pour MSF semble etre synonyme de difficulté, mais

tout autant de réussite. Aussi, Max valorise l'obstination des acteurs de MSF, une obstination qui finit par payer lorsqu'ils réussissent leurs missions, cela à force de patience, de diligence et de détermination. On reconna»t alors que c'est le type d'attitude qui est attendue chez MSF, une organisation qui se construit par l'exemple. Nous notons alors que d'une certaine manière la culture organisationnelle de MSF est mobilisée telle une boite à outils pour répondre à de possibles problèmes (Hatch et Schultz, 2002).

D'autre part, la mobilisation du protocole par Max dans les discussions avec ses partenaires renvoie à une certaine opérationnalité de l'organisation, son identité étant ainsi inscrite dans l'action par une mise en acte qui se matérialise par la signature d'un contrat. Quant aux exemples invoqués de la réorganisation de la gestion de la pharmacie et des horaires des infirmiers à l'hTMpital de Mumba, il confirme que pour MSF, l'urgence appara»t aussi bien comme un cadre opérationnel qu'une facon d'être, car il faut prévoir et agir vite pour être efficace, donc répondre à la mission première de MSF. Par ailleurs, de cette argumentation construite à l'aide d'exemples, de mobilisations de nature humaine et non-humaine, Max fait la démonstration de ce qu'est et fait son organisation, comme, par exemple, lorsque Max invoque le Docteur Luc, dans sa conversation avec ses partenaires du Ministère de la Santé congolais, pour leur montrer que MSF fait déjà de la formation non officielle avec lui alors que c'est ce qu'ils demandent. Finalement, Max en mobilisant le rapport d'activité trimestriel de MSF dans ses discussions avec les hommes de la MONUC et ceux du Ministère de la santé congolais, sous-entend que la présence de son organisation est efficace et qu'elle donne des résultats, mais c'est aussi une invocation qui plaide en faveur du principe de transparence de l'action de MSF et pour démontrer qu'elle n'a rien à cacher.

Pour finir, il est à considérer qu'avec chaque figure invoquée, viennent des traits ou des caractéristiques de son identité. Aussi, ce travail de mobilisation dans le discours permet de témoigner de son être. Les mobilisation et invocations montre implicitement des aspects de la « personnalité » de MSF dans son discours et elles servent donc à la fois à participer à la construction de l'identité/image de l'organisation et à adresser un message à l'autre quant aux attentes qu'une telle identité implique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus