2-L'ALLEMAGNE BENEFICIE D'UNE EXPERIENCE INDUSTRIELLE
ROBUSTE
Elle lui vaut des structures performantes, un tissu industriel
dense, un savoir-faire qui résiste, un management et une culture
d'entreprise efficaces.
2.1Un beau tissu industriel; le grand succès des
petits
L'histoire a crée un tissu industriel dense et
harmonieux. L'Allemagne aime son Industrie ; elle en est fière, elle en
parle, elle la présente a la télévision : pas seulement a
1'occasion de troubles (grèves...) ou de difficultés (fermetures
d'usines, chômage, mouvements du dollar...), mais aussi pour souligner
des réussites .signature de gros contrats, conquête de nouveaux
marches, modernisation de processus de production...).
L'industrie fait partie du paysage urbain et rural; elle est
largement répandue sur tout le territoire. Ou l'on se trouve, on n'est
jamais loin d'une cheminée l'usine, d'une zone industrielle, d'un part
d'activités.
Les grands de 1'industrie ont accentue le prestige de leur
raison sociale en prêtant leur nom a des Fondations -- Volkswagen, Bosch,
Grundig... -- qui affectent leurs ressources, souvent considérables, a
des missions d'intérêt général, sans retombée
économique immédiate ou directe, tels la protection de
1'environnement, la promotion de manifestations culturelles, le
développement de Part, le soutien a l'éducation par des bourses
attribuées aux étudiants, aux chercheurs, etc.
Le tissu industriel allemand peut aussi être qualifie
d'harmonieux dans la mesure où il se caractérisé par des
proportions judicieuses de grandes entreprises (motrices), d'entreprises
moyennes (tissu conjonctif fondamental d'une économie de marche) et de
petites entreprises (source de renouvellement du système productif et
support d'initiatives originales).
Les grandes entreprises, devenues bien souvent de puissants
groupes industriels et financiers, sont des vecteurs privilégies de
1'expansion internationale et des supports efficaces des politiques de
restructuration industrielle ou de 1'innovation «lourde ». Elles ont
à la fois la capacité d'assumer des risques importants et le
pouvoir de négociation qui s'impose dans des conditions de plus en plus
difficiles. Comme des locomotives elles « tirent » beaucoup d'autres
entreprises, de différentes manières :
-- en les associant à la réalisation de
contrats, par le biais de la Co-traitance ou de la sous-traitance
-- en contribuant au développement du chiffre
d'affaires des entreprises livrant des approvisionnements (en Allemagne, en
raison même de la variété et de la densité du tissu
industriel, les relations d'interdépendance sont particulièrement
fortes),
-- en commercialisant à 1'étranger une fraction
des produits des PME.
Cet aspect de la coopération entre entreprises est peu
connu. Il se rapproche des pratiques japonaises en ce sens que les grands
groupes industriels allemands ont crée en leur sein des
sociétés de commerce international (SCI) ressemblant aux fameuses
sogo srio-shas. Ces SCI ne commercialisent pas seulement le: produits du groupe
(parmi les plus connus de ces groupes a vocation commerciale internationale :
Thyssen, Bab-cock & Wilcox, Klockner, GHH, Krupp, Mannesmann BASF, Bayer)
mais aussi ceux des PME qui s'adressent: a elles, soient parce qu'elles n'ont
pas de réseau de vent. Propre a 1'étranger, soit pour mener une
affaire de « compensation » (troc plus ou moins sophistique), soit
encore pour supprimer leur risque de change,
en soutenant des initiatives de création d'entreprise:
nouvelles : les grands groupes sont assimiles a des incubateurs,
En participant activement a la formation de cadres d'ouvriers
professionnels susceptibles de travailler dans d'autres entreprises,
En organisant, par le biais de puissantes associations
professionnelles, des structures conformation et d'organisation de la
profession vigoureuse. Les « lobbies » industriels font du bon
travail.
Les petites et moyennes entreprises occupent quant à elles
une place importante dans 1'économie en termes participation au PIB et
de contribution au volume 1'emploi. Depuis 1977, ce sont les petites
entreprises, moins de 20 salaries qui ont crée 87 % des nouveaux
emplois. A 1'inverse, les grandes entreprises (de plus 1 000 salaries) sont
responsables de 86 % des suppressions d'emplois. Les entreprises moyennes quant
a les occupent une position médiane : les créations et
suppressions d'emplois leur reviennent respectivement raison de 13 et 14 % du
total. Elles ont cependant cree deux fois et demie plus d'emplois qu'elles n'en
y suppriment. Les entreprises moyennes allemandes ont aussi largement
tournées vers 1'exportation et les avertissements productifs à
l'etranger notamment aux Etats-Unis et en France.
La dynamique des PME ne se réduit pas a des
données quantitatives. Plus qualitativement, ces entreprises se
caractérisent en général par une productivité
élevée, un taux d'innovation élogieux, de bonnes relations
sociales (internes et externes), un sens de la responsabilité qui
soutient un climat général de liberté économique
mais aussi-politique, une grande flexibilité et une faculté
d'adaptation rapide aux besoins exprimes ou en gestation.
Deux auteurs américains très en vogue, Charles
Sabel et Michael Piore, sortis tous deux du prestigieux moule de
référence, Harvard et MIT, ont étudie avec beaucoup
d'attention ce tissu industriel allemand en le comparant en particulier a celui
de 1'Italie et des Etats-Unis. Leur diagnostic est favorable : quelle chance
pour 1'Allemagne de pouvoir compter sur un partenariat entre PME et grands
groupes ! Le Bade-Wurtemberg est un modèle au genre, avec Mercedes-Benz
et Bosch par exemple. Ces entreprises irriguent de commandes 1'industrie
régionale par un réseau de sous-traitance, imposent avec beaucoup
d'exigence des prestations de qualité et de précision a leurs
fournisseurs, suggèrent des innovations, prescrivent des méthodes
modernes de production et de management, avec 1'utilisation, pour tous les
fournisseurs du groupe, de logiciels de conception, de fabrication ou de
gestion compatibles si ce n'est identiques. Cette nouvelle
société duale («Industrial Divide »)
fonctionne bien, chacun y trouve son compte : alors que la production de
masse est en crise, que la décentralisation de la fabrication s'impose,
les « grands » conquièrent par ce système une
flexibilité qu'ils avaient perdue. Us deviennent moins
vulnérables et plus compétitifs. Les « petits » ont
1'occasion de mettre a profit leur spécialisation et peuvent s'appuyer
sur des compétences complémentaires. Us sont branches sur
1'évolution, intégrés, informes, conseilles. Us peuvent
ensuite faire valoir ces avantages d'une manière autonome, sur de
nouveaux marches.
Des PME en bonne santé s'avèrent
désormais indispensables ; on leur reconnait un peu partout, aux
Etats-Unis, au Japon, en Italie, beaucoup de mérites. En Allemagne les
Pouvoirs Publics 1'ont compris depuis longtemps ; pour eux les PME sont 1'objet
d'un volet important de leur « politique structurelle ». Cette
expression un peu mystérieuse, qui a sans doute des vertus d'asepsie
auprès des autorités de Bruxelles, si soucieuses de
détecter les mesures pouvant ouvertement réduire les conditions
d'exercice d'une concurrence «pure et parfaite », vaut aux PME
d'être choyées. Pour soutenir une classe d'entreprises moyennes
(«Mittelstand»), Bund et Lander rivalisent d'imagination en
matière de financements, dispositifs d'aides en faveur de la
création d'entreprises, aides fiscales, aides a la recherche, au
développement de programmes « microélectronique »,
« productique », « maitrise des technologies de
1'information», etc. il ne s'agit pas de tout donner aux grandes
entreprises qui savent si bien constituer des dossiers de demandes de
subvention et faire valoir leur intérêt pour 1'économie du
pays. Siemens donne le ton. Les Pouvoirs Publics se veulent désormais
plus équitables.
Dans ce placenta nourricier du tissu industriel allemand, il
ne faut pas oublier le rôle des Universités et les nombreux
instituts de recherche déjà évoqués. Un partenariat
multilatéral en quelque sorte soutient un système productif riche
de tradition et s'efforce de le faire évoluer. L'IAM de Braunschweig en
Basse-Saxe institut fur angewandte Mikroelektronik, Institut de
promotion des applications microélectroniques) est à cet
égard une illustration exemplaire d'un partenariat Public-privé,
associant entreprises et Pouvoirs Publics régionaux dans le but de
développer la recherche, le conseil et la formation en matière
d'électronique appliquée. Des dizaines d'institutions de
coopération ou de transfert technologie entre centres de recherche,
grandes entreprises et PME peuvent être citées en Bavière :
a Erlangen-furemberg, a Munich, a Bayreuth, ou en Bade-Wur-mberg : a Stuttgart,
a Ulm, a Karlsruhe ou ailleurs. Foisonnement fécond d'initiatives.
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