2.2.2. L'évolution des motivations au travail au fil
des époques
Le contenu des motivations a fortement varié au cours
de l'histoire, et ceci est moins expliqué par les conditions de vie que
par les croyances concernant la vie et les relations sociales, d'après
les idéologies instaurant telle ou telle référence
à un champ de valeurs propres à chaque époque.
Dans l'antiquité, le travail est réservé
aux esclaves, l'idéal de vie des hommes libres, riches ou non, est le "
non-travail " (nec otium).
Au Moyen - Âge, s'établissent 3 attributs de
valeurs porteurs chacun d'une aspiration ancrée dans la religion
chrétienne ou l'héritage biblique :
Le travail est une nécessité expiatoire
plutôt qu'un devoir,
À partir du Xe siècle, en plus, le travail a une
valeur salvatrice,
Le bas Moyen Âge (avant la réforme) voit
apparaître une réhabilitation du travail dans l'idée de
choisir une vocation de travail particularisée pour se conformer aux "
dons " que l'on a reçus et de les faire fructifier.
Le contenu des motivations a donc évolué
considérablement au fil des époques.
2.2.3. Historique des théories de la motivation
Selon AKTOUF, O. (1989 :97).Ce n'est que dans les
années 1920-1930 que les chercheurs et les gestionnaires se sont
demandés ce que le terme motivation signifiait réellement. Depuis
les années soixante, les études portant sur la motivation se sont
multipliées.
Au cours de l'histoire de ces théories, il est possible
de dégager 3 phases significatives :
Ø La phase taylorienne
La première période de l'ère industrielle
en fin du XIXème siècle offre l'exemple d'une
conception unidimensionnelle de l'homme.
En échange de sa force physique, l'ouvrier va recevoir
un salaire proportionnel à son rendement. C'est l'homo economicus , qui
est pris en compte par une organisation scientifique du travail. " C'est
l'utilisation maximale de l'outillage, la spécialisation stricte et la
suppression des gestes inutiles. "
Les Etats-Unis offrirent alors un milieu propice à
l'ascension par l'argent pour les nouveaux émigrants qui affluaient. Le
salaire est à cette époque un moteur déterminant. En
France, ce sont d'anciens paysans qui deviennent des ouvriers. Dans le
département de la Loire, ces ouvriers conservent un pied à la
campagne et un autre pied dans l'atelier. L'atelier des raccords de l'Ondaine
(près de Saint-Étienne) offrait, il y a à peine deux ou
trois décennies, le visage caricatural de ce travail au rendement.
Une organisation de l'entreprise découle de cette "
école classique " : le travail est découpé en
unités élémentaires au sein de postes de travail, il
suscite un travail à la chaîne.
Les fonctions de conception, de planification,
d'exécution et de contrôle sont séparées et
reparties au sein d'une hiérarchie verticale avec une tête qui
pense et un corps qui exécute. Une centralisation des
responsabilités entraîne un contrôle strict assuré
par les responsables hiérarchiques.
Chaque travailleur est prédisposé pour un poste
donné ; il conviendra de trouver le bon poste pour la bonne personne.
C'est le " one best way ".
Cette organisation et cette conception de l'homme au travail
permirent un bond en avant considérable pour l'économie des pays
concerné.
Ø La phase des relations humaines
L'expérience de référence est
l'enquête menée à Hawthorne (près de Chicago) par
Elton Mayo et son équipe à la Western Electric de 1928 à
1932. Elle fut conduite dans une unité de fabrication de
téléphones. Elton Mayo recherchait la corrélation existant
entre des conditions physiques (l'éclairage, le bruit, la chaleur) et le
rendement des ouvriers. Une salle d'observation de montage de relais fut
aménagée à l'écart de l'atelier. Un observateur
remplaçait le chef traditionnel. II modifiait l'éclairage, les
pauses, les horaires. Le résultat surprit fortement les intervenants:
que ce soit le sens de variation des facteurs, la production augmentait
même après le retour aux horaires initiaux, les ouvrières
maintenaient un rendement élevé. Une voie nouvelle était
découverte la constitution des ouvrières en tant que groupe avec
un bon niveau d'entraide, une plus grande liberté; " nous n'avons plus
de chef ", s'exclama l'une d'elles. Un nouveau climat s'était
instauré.
Un second aspect de cette enquête résida dans la
création d'une salle de câblage avec trois soudeurs. Neuf
câbleurs et deux inspecteurs. Un spectateur
désintéressé recueillit un ensemble de faits durant
l'expérimentation. Un salaire au rendement était établi
selon la logique taylorienne. Il apparut très vite que ce système
de rémunération ne provoquait pas les conséquences
attendues : les ouvriers arrêtaient leur travail dès qu'ils
avaient atteint leur quota, même s'il leur restait du temps pour terminer
leur journée.
De même, d'une semaine à l'autre, la production
hebdomadaire restait constante. Une norme de groupe était ainsi mise en
relief. C'est le phénomène de freinage qui donne lieu à un
double contrôle social:
Un contrôle interne des câbleurs par des pressions
de toute sorte (moqueries, houspillagés);
Un contrôle externe pour offrir le moins de prise et de
justification aux ingérences des ingénieurs, des techniciens et
des organisateurs et prévenir les risques de changement.
Les deux rapporteurs de l'enquête, FJ Roethlisberger et
W.J. Dickson (Management and the worker - Harvard University - 1939)
tirèrent les conclusions suivantes:
Les comportements et les sentiments des travailleurs ne se
comprennent qu'à partir de l'ensemble des relations qu'ils entretiennent
avec les différents groupes. L'entreprise est un système social;
des groupes informels, avec des normes et des codes, se constituent en
parallèle à l'organisation formelle officielle. Ils permettent de
se défendre contre les changements issus des logiques
spécialisées de coût ou d'efficacité des
techniciens; les aspects sociaux et humains ne sont pas perçus, en
particulier lors de l'introduction de changements; les répercussions sur
les statuts et les situations relatives doivent être prises en compte.
La mise en évidence des groupes informels et du "
facteur humain " correspond à une seconde strate des motivations, celle
du besoin social de relations et d'intégrations dans un " groupe
primaire ", une cellule de base. Un nouveau facteur de la motivation
apparaît: celui de la dynamique du groupe de travail. Au sein d'une
équipe soudée, la motivation individuelle va être soutenue
et amplifiée par un esprit commun qui vise un but attractif.
Cette découverte du besoin social d'intégration
dans un groupe de travail élémentaire va susciter de multiples
développements. Un premier courant va adopter la belle formule " small
is beautiful " réhabilitée récemment par l'organisation en
mosaïque : des équipes très cohésives sont
reliées à un axe fédérateur.
Un second courant se concrétisera par la formation
humaine des cadres et agents de maîtrise. Devenu " psychologue conseiller
", l'agent d'encadrement doit adopter le style démocratique d'animateur
d'une équipe.
Cette école des relations humaines va aboutir à
l'utopie de la coopération amicale et au dogmatisme sans pendre en
compte les phénomènes liés à l'organisation,
Cette outrance appelle une nouvelle réflexion qui
éclaire le besoin relationnel dans une perspective plus large
c'est-à-dire au sein d'une structure donnée.
Ø A partir des années 50 : de nombreux
modèles théoriques
Quelques théories de motivation :
A partir des années 50, de nombreux modèles
théoriques ont été apparue.
La motivation est un processus psychophysiologique car elle
dépend des activités du système nerveux et des
activités cognitives. Du point de vue neurophysiologique, la motivation
est une variable qui rend compte des fluctuations du niveau d'activation,
c'est-à-dire du niveau d'éveil ou de vigilance d'une personne. Du
point de vue psychologique, la motivation correspond aux forces qui
entraînent des comportements orientés vers un objectif, forces qui
permettent de maintenir ces comportements jusqu'à ce que l'objectif soit
atteint. En ce sens, la motivation procure l'énergie nécessaire
à une personne pour agir dans son milieu
La motivation confère trois caractéristiques
à toute conduite : la force, la direction et la persistance. En effet,
toute conduite est orientée vers un but (direction) auquel la personne
attribue une certaine valeur. Cette dernière dépend à la
fois de la vitalité du besoin (pris au sens large) dont elle est issue
et de la valeur sociale à laquelle l'objectif du comportement est
associé. L'intensité (la force) et la persistance de l'action
dénotent la valeur qu'attribue la motivation.
Le concept motivation représente, selon VALLERAND et
THILL (1993:18), le construit hypothétique utilisé afin de
décrire les forces internes et/ou externes produisant le
déclenchement, la direction, l'intensité et la persistance du
comportement.
Cette définition met clairement en avant la
difficulté d'observer directement la motivation d'une personne. Elle est
un construit hypothétique, un type de comportement que tout individu est
supposé pouvoir développer. Il s'agit d'un processus qui est
déclenché à l'origine par l'action d'une force
motivationnelle intérieure qui dépend de caractéristiques
personnelles comme les besoins, les pulsions, l'instinct, les traits de
personnalité (l'hédonisme, crainte, convoitise, avidité,
jalousie etc.). Il peut être déclenché aussi par une force
motivationnelle externe qui dépend de la situation de l'environnement de
travail, de la nature, de l'emploi, du mode de management des
supérieurs, etc. Ces facteurs de motivation interne ou dis positionnels,
et externes ou situationnels, sont changeants et propres à chaque
individu.
Selon PINDER C. (1984:8), le niveau de motivation peut
être soit faible, soit fort, variant à la fois entre les
individus, à des moments déterminés, et chez une
même personne à différents moments, et selon les
circonstances. Les auteurs s'accordent sur les caractéristiques de la
motivation et distinguent quatre éléments constitutifs de ce
construit:
a) Le déclenchement du comportement:
c'est le passage de l'absence d'activité à
l'exécution de tâches nécessitant une dépense
d'énergie physique, intellectuelle ou mentale. La motivation fournit
l'énergie nécessaire pour effectuer le comportement.
b) La direction du comportement: la
motivation dirige le comportement dans le sens qu'il convient,
c'est-à-dire vers les objectifs à atteindre. Elle est la
force incitatrice qui oriente: l'énergie
nécessaire à la réalisation des buts à
atteindre, les efforts pour réaliser de son mieux,
selon ses capacités, le travail qui est attendu.
c) L intensité du comportement: la
motivation incite à dépenser l'énergie à la mesure
des objectifs à atteindre. Elle se manifeste par le niveau des efforts
physiques, intellectuels et mentaux déployés dans le travail.
d) La persistance du comportement: la
motivation incite à dépenser l'énergie nécessaire
à la réalisation régulière d'objectifs, à
l'exécution fréquente de tâches pour atteindre un ou
plusieurs buts. La persistance du comportement se manifeste par la
continuité dans le temps des caractéristiques de direction et
d'intensité de la motivation.
Il ressort de cette description du concept que la
manifestation la plus proche de la motivation est l'ensemble des efforts
déployés dans le travail dirigé avec intensité et
de manière persistante vers des objectifs attendus. Ces efforts sont
définis comme la somme d'énergie physique, intellectuelle et /ou
mentale engagée dans une activité. De nombreux instruments de
mesure de la motivation visent à évaluer
ces manifestations-efforts et énergie du comportement de l'individu
dans l'organisation.
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