Bien que nous ayons trouvé trois spécifications
de l'équation du salaire23, nous n'avons retenu que la
relation qui semblait interprétable sur le plan économique et
dont le coefficient de détermination est le plus élevé. En
effet, la spécification retenue n'inclut pas une constante dans la
relation de long terme.
L'estimation de la cible de long terme, s'écrit :
LN_SMI = 0,72LN_IPC + 0,62LN_PDL - 0,03TCHO
L'estimation d'un modèle à correction d'erreur
fait apparaître un coefficient significativement différent de
zéro et négatif pour la cible de long terme. A noter que ce
coefficient est assez élevé (0,40), ce qui indique que
l'ajustement vers l'équilibre se réalise assez rapidement.
L'étude des résidus estimés issus des
relations vectorielles de ce modèle montre qu'ils
sont tous
stationnaires (d'après la Q-statistique de Ljung-Box, voir annexe 6).
Cette
23 Le tableau en annexe 5 représente l'ensemble des
spécifications de l'équation du salaire.
constatation nous confirme donc la bonne spécification
et la stationnarité de cette modélisation VECM.
De plus, les coefficients de détermination sont tous
assez élevés. Ce résultat nous indique que le pouvoir
explicatif du modèle est très fort.
En outre, la présence de la variable DUM dans
ce modèle est justifiée par le test de Cusum qui indique les
dates d'éventuelles ruptures de comportements. Cette variable est
statistiquement significative pour l'année 2001 (Annexe 7).
A court terme les résultats ne sont pas conformes aux
attentes. Le coefficient du taux de chômage est positif à court
terme. Ceci trouve son explication dans l'analyse des imperfections du
marché du travail et l'absence d'un système d'indemnisation du
chômage pour le licenciement économique qui peuvent intervenir
pour changer les résultats théoriques. En effet, le marché
du travail urbain marocain connaît beaucoup d'imperfection. La
présence du secteur informel rend la collecte de données
statistiques très difficile.
Il convient de rappeler que le développement de
l'emploi informel (constitue environ 17% du PIB marocain) peut lui seul
expliquer le résultat de court terme que nous obtenons. Ainsi, lorsque
des travailleurs sont licenciés ou lorsque des diplômés ne
trouvent pas de poste à pourvoir, ils sont automatiquement
orientés vers le secteur informel. Ce comportement automatique, d'aller
vers le secteur informel, trompe les statistiques officielles concernant le
nombre de chômeur dans le pays et baisse, à court terme, l'offre
d'emploi dans le secteur formel.
En ce qui concerne la productivité du travail, le
signe négatif à court terme est une nouveauté par rapport
aux estimations antérieures du Maroc [notamment, CMC, 2001] où on
observait un signe positif. L'interprétation du résultat à
court terme reste difficile dans la mesure où la question de la place de
la productivité dans une équation de salaire surtout à
court terme reste assez controversée et n'est pas résolue
à ce jour dans la littérature.
En revanche, l'équation du VECM confirme l'impact
positif et significatif du SMIG sur le salaire moyen dans le secteur
industriel, avec une élasticité de 0,44, toutes choses
égales par ailleurs. On peut donc établir une fourchette
allant de 0,44 à 0,56.
Globalement, la spécification de la dynamique de court
terme de l'équation du salaire n'est pas satisfaisante. La
majorité des coefficients n'ont pas le signe attendu et parfois ne sont
pas significatifs. Cependant, l'estimation des relations de long terme entre
les variables a été privilégiée au détriment
de la spécification de la dynamique de court terme. En effet, les signes
des coefficients de la relation de long terme sont conformes à la
théorie et toutes les variables sont statistiquement très
significatives.
Le degré d'indexation des salaires sur les prix
à long terme est de l'ordre de 0,72. Donc, l'indexation des salaires sur
les prix n'est pas unitaire, ce qui rend compte d'un arbitrage
inflation/chômage à long terme. Par ailleurs, les prix à la
consommation n'apparaissent pas avec le signe attendu à court terme dans
le modèle du VECM (notamment pour le retard 3). En effet, pour mesurer
plus précisément l'effet des prix à la consommation sur la
dynamique des salaires, nous avons procédé à une
estimation d'un modèle VAR d'ordre 1 [Voir Annexe 8] (l'ordre est retenu
selon les critères de Akaike et de Schwarz pour des retards allant de 0
à 2). Ce modèle montre lui aussi une sous-indexation de l'ordre
de 0,73 (significative au seuil de 10%). Toutefois, la désindexation
estimée impliquerait clairement une plus grande rigidité à
la hausse des salaires pris au sens du salaire moyen du secteur industriel. Les
salaires réels peuvent en conséquence subir temporairement des
pertes de pouvoir d'achat. De fait, la perte du pouvoir d'achat pourrait jouer
en faveur d'une extension des conflits entre groupes sociaux.
A long terme, on constate aussi que le niveau du taux de
chômage exerce une pression significative à la baisse sur la
croissance des salaires. Une hausse d'un point du taux de chômage urbain
diminue la croissance du salaire nominal de l'ordre 3,1%24,
toutes choses égales par ailleurs. En effet, la hausse
négociée des salaires est d'autant moins grande que la situation
du marché du travail se dégrade et affaiblit le pouvoir de
négociation des salariés. Il convient de noter, toutefois, que le
coefficient relatif au taux de chômage urbain a une valeur plus faible
que certaines estimations faites sur données françaises (Cotis,
Méary et Sobczak indique une élasticité de 5,8%, Bonnet et
Mahfouz ou L'Horty et Sobczak présente une élasticité de
5,5%). Dans le modèle MESANGE,
24 Dans l'estimation, le taux de chômage est
exprimé en points de pourcentage. L'élasticité
donnée se réfère à un taux de chômage
exprimé en décimal.
l'estimation indique une élasticité de 4% qui
n'est pas statistiquement très différente de notre estimation.
A long terme, une augmentation de la productivité
permet une progression des salaires. L'élasticité des salaires
par rapport à la productivité s'élève à 0,62
selon nos estimations, toutes choses égales par ailleurs. Notre
estimation est assez proche de celle du CMC (2001) qui indique une
élasticité de 0,68. Donc, l'indexation des salaires sur les gains
de productivité n'est pas unitaire. Cela veut dire que l'entreprise dans
le secteur industriel profite des gains de productivité et conserve le
droit de gérer.