CHAPITRE IV
LES PRATIQUES DU CHANGEMENT ET LEUR CONTRIBUTION SUR LE
COMPORTEMENT DE L'EMPLOYE DANS LES ORGANISATIONS PRIVATISEES AU CAMEROUN
L'objectif de l'étude que nous avons mené sur le
terrain était de caractériser les politiques de changement mises
en oeuvre dans les organisations et de mettre en évidence leur
contribution sur le comportement de l'employé. Les informations
collectées à l'aide de l'Analyse Thématique de Contenu
nous ont permis de satisfaire cet objectif d'abord en identifiant les
politiques de changement dans les organisations et d'en déduire les
implications qui découlent ensuite, de montrer l'apport de ces
politiques dans le comportement de l'employé dans les trois
entreprises privatisées à savoir : AES-SONEL, CAMRAIL et La
CAMEROUNAISE DES EAUX : c'est l'objet de ce chapitre.
SECTION 1 : EVALUATION DE LA POLITIQUE DU
CHANGEMENT DANS LES TROIS CAS ETUDIES
Nous présenterons les politiques de changement
adoptées dans chacune des trois entreprises de notre étude
ensuite, leurs implications dans la vie de l'entreprise.
1.1- Les pratiques de changement identifiées
Nous présenterons d'abord les politiques, ensuite les
actions.
1.1.1- Les politiques de changement
Les politiques de changement adoptées dans toutes ces
trois entreprises sont basées sur la recherche du profit
maximal par la rigueur dans la gestion, de la considération de
l'individu et de l'application des lois établies.
Afin de mieux comprendre ces politiques nous les
présenterons tout en montrant comment elles sont appliquées dans
chaque entreprise ciblée.
1.1.1.1- La rigueur
Les actions des entreprises privatisées sont en
majorité la propriété des opérateurs privés
appartenant pour la plupart à des sociétés essentiellement
capitalistes. Ces opérateurs ont le droit de gestion et versent des
redevances à l'Etat Camerounais qui conserve ses infrastructures. Cette
politique est basée sur des principes tels : réduire les
charges ; dégager les ressources à l'interne pour le
financement des investissements de l'entreprise ; la gestion
orientée vers la performance et les résultats et
l'intégrité.
- Réduire les charges : Les
entreprises les plus compétitives étant aujourd'hui celles qui
savent maîtriser leurs charges, AES-SONEL, CAMRAIL et LA CAMEROUNAISE DES
EAUX ont mis sur pieds une politique de réduction des dépenses
non essentielles qui auparavant alourdissaient leur charges, et amincissaient
leurs marges. Aux yeux des dirigeants de ces entreprises, les principaux postes
dans lesquels il fallait opérer des coupures étaient liés
aux charges du personnel.
En effet, en 2001, pour 476.073 abonnés, AES-SONEL
employait 3.922 personnes, ce qui avait été jugé
pléthorique pour les dirigeants de la société. C'est
pourquoi dès la reprise par les américains en 2001, la
réduction des effectifs a été affichée comme une de
leurs priorités pour améliorer les performances de cette
dernière. Un premier plan social va ainsi permettre en fin 2002 de
mettre en retraite anticipée plus de 300 agents de 55 ans et plus,
suivant une formule de départs volontaires. Un second plan social sera
mis en oeuvre en Mai 2005 avec à la clé, le départ de plus
de 500 personnes, dans une formule de départs négociés,
dans la mesure où il s'agissait d'agents dont les performances
étaient jugées insuffisantes au regard des objectifs
fixés, ou d'agents jugés mal adaptés à la nouvelle
donne. Dans ces deux cas, AES-SONEL proposait à ces agents de quitter
l'entreprise, et négociait avec ces derniers les conditions de leur
départ.
CAMRAIL ET LA CAMEROUNAISE DES EAUX ont utilisé la
même démarche pour la réduction de leurs charges.
Cependant, CAMRAIL a mis l'accent sur les postes fictifs car, il existait
à au sein de la société des employés qui avaient
plusieurs salaires et pouvaient même exercer ailleurs et percevoir leurs
salaires à CAMRAIL. On a ainsi procédé au recensement du
personnel afin de mettre fin à ce vis. Six mois après cette
action, les charges du personnel ont été réduites de plus
de 50%.
Les missions jugées inutiles et même fictives ont
été démasquées et supprimées ainsi que les
dépenses somptuaires, forfaitaires ou arbitraires à la
CAMEROUNAISE DES EAUX car, une analyse profonde des activités a
été faite par des experts et chaque dépense est
désormais matérialisée par une pièce de caisse.
- Dégager les ressources à l'interne
pour le financement des investissements de l'entreprise :
L'entreprise privatisée étant désormais
majoritairement à capitaux privés et, l'Etat n'étant plus
là pour apporter son concours financier. AES-SONEL, CAMRAIL et LA
CAMEROUNAISE DES EAUX doivent désormais prouver, même pour gagner
la confiance des établissements financiers, qu'elles sont capables
d'autofinancer au moins en partie leurs propres investissements. Il est
question face à la demande sans cesse croissante sur le marché,
d'amorcer les transformations profondes à l'interne, visant de
moderniser les équipements de production et de transport,
accroître les capacités de production, résoudre les graves
problèmes de maintenance se posant aux outils de production et
moderniser les systèmes de gestion. Tout ceci devant permettre
d'améliorer l'offre en quantité dans ces entreprises qui
n'avaient plus reçu aucun investissement significatif depuis près
de deux décennies, et en qualité face à des consommateurs
toujours plus exigeants.
AES-SONEL, CAMRAIL et LA CAMEROUNAISE DES EAUX ont la
nécessité d'acquérir des compétences de plus en
plus pointues et adaptées aux évolutions technologiques des
différents secteurs, de même que les nouveaux systèmes de
gestion qu'elle entend mettre en place afin de se préparer à la
concurrence qui pourrait toquer aux portes. Ce qui suppose que ces entreprises
doivent réaliser des économies d'échelle pour enfin
obtenir une marge leur permettant de supporter une grande partie de leurs
investissements.
- La gestion orientée vers la performance et
résultats : Dans l'ancienne entreprise publique, la
performance et les résultats n'étaient pas toujours au
rendez-vous, et malgré un système de planification bien admirable
et l'instauration de la gestion par objectif dans les années 90,
très peu de résultats ont suivi. Du moment où on savait
qu'on pouvait être avancé ou bénéficier d'une
augmentation sans que le rendement soit pris comme critère, les
employés s'inquiétaient très peu pour les
résultats. Aujourd'hui, à AES-SONEL, CAMRAIL et LA CAMEROUNAISE
DES EAUX on discute abondamment des résultats à atteindre, avant
d'allouer les ressources nécessaires. Le moindre objectif non
réalisé devant être justifié car, il est
désormais difficile de conserver un poste responsabilité en
accumulant les résultats négatifs ou non atteints.
- L'intégrité : Le manque
d'intégrité étant l'un des maux qui minent les
sociétés publiques, le changement à ce niveau semble le
plus lent à se matérialiser mais, pourtant capital pour un
réel décollage des entreprises privatisées.
A CAMRAIL, il est par exemple communément admis au sein
de l'entreprise que les pertes non techniques, à l'origine chaque
année d'un manque à gagner de plus de 25 milliards,
résultent en très grande partie de fraudes couvertes et
cautionnées par certains agents.
A AES-SONEL, en Février 2004, le taux de pertes
non techniques s'élevait à de 30%. Ce terrain est tellement
sensible et les résistances sont tellement fortes qu'un code
éthique est en circulation au sein de l'entreprise depuis 2005. Des
formations sont organisées pour en favoriser la compréhension, et
la signature des agents sont exigées comme engagement. Tout manquement
par la suite devant être synonyme de rupture du contrat de travail.
La mise en oeuvre du changement dans la démarche de
rigueur n'intègre pas la valeur de l'individu et n'a qu'une seule
priorité : la maximisation du profit. L'action de l'employé
est donc négligée selon cette approche.
1.1.1.2- La valeur des ressources
humaines
La valeur humaine au sein des entreprises privatisées
repose sur la prise en compte des attentes des individus. Cette démarche
est basée sur la satisfaction de leurs besoins et l'amélioration
des relations sociales entre la société et les individus qui la
constituent. Il est surtout question ici de porter une attention
particulière sur les intérêts des employés dans la
mise en oeuvre du changement car, les changements en cours et les nouvelles
exigences, en termes d'implication et contribution aux résultats,
veulent dans une démarche cohérente, que la Ressource Humaine
soit bel et bien mise au centre des préoccupations, étant entendu
que c'est elle qui, en dernière analyse est appelée à
créer la valeur qu'attendent les entreprises. Les attentes des individus
suite au changement peuvent être analysées sous plusieurs
angles : la rémunération, la progression de
carrière, la responsabilité sociale de l'entreprise et
l'implication des dirigeants à la prise de décisions.
La rémunération est l'aspect sur lequel les
attentes ont été les plus fortes au moment où le
changement se met en place et continue d'être une préoccupation
principale pour les employés des entreprises privatisées et
notamment à AES-SONEL, CAMRAIL et LA CAMEROUNAISE DES EAUX. Ces
rémunérations sont justifiées au regard de la grille des
rémunérations après la privatisation et, compte tenu du
coût de la vie n'a rien à voir avec celle de 1986, date de la
dernière revalorisation des salaires.
La progression des carrières des employés
était un élément important dans le changement au sein des
entreprises jadis publiques. Pour Guerin et Wills (1992), la gestion des
carrières signifie la gestion des mouvements de main d'oeuvre depuis
l'entrée des personnes dans l'organisation jusqu'à leur
départ en passant par la gestion de leur mobilité interne. C'est
le levier capital dans la motivation du personnel. Dans l'entreprise publique,
elle fait l'objet de beaucoup de récriminations car n'étant pas
faite sur des bases objectives. Le changement était donc une
réponse à ces préoccupations et cette démarche est
utilisée dans les trois entreprises étudiées.
Les attentes des employés dans ces trois entreprises
sont également orientées vers la responsabilité sociale.
Cette responsabilité sociale repose ici sur un certain nombre de
principes à savoir :
- l'engagement : l'entreprise a pour obligation de
respecter ses engagements vis-à-vis de ses parties prenantes afin
d'apporter sa contribution positive au développement de la
société.
- L'intégrité pour l'entreprise pour travailler
avec honnêteté.
- La sécurité des employés et des parties
prenantes afin de limiter les risques liés à l'exploitation
de son activité tant interne qu'externe.
L'implication des employés à la prise des
décisions de l'entreprise a fait l'objet de plusieurs recherches en
Sciences de Gestion. A l'issu de ces travaux, il ressort que lorsqu'un individu
est associé à la prise des décisions de l'entreprise, sa
confiance en l'entreprise augmente et son rendement aussi. Il ne
considère plus l'entreprise juste comme un lieu de maximisation de son
utilité, il est membre de cette famille.
Ainsi, lorsque les besoins individuels ou personnels sont
satisfaits, une politique de responsabilité sociale existante,
l'individu est valorisé. Cette démarche n'intègre pas le
respect des procédures établies par la hiérarchie ou par
les contrats et le respect de l'environnement.
1.1.1.3- Le respect de l'environnement et des
procédures établies
L'environnement de l'entreprise est constitué de
l'environnement interne et de l'environnement externe.
En ce qui concerne l'environnement interne, toutes les trois
entreprises étudiées ont décentralisé le pouvoir
afin de permettre une meilleure communication à l'intérieur des
sociétés et créer un environnement convivial au sein des
entreprises. En ce qui concerne l'enrichissement des tâches, AES-SONEL,
CAMRAIL et LA CAMEROUNAISE DES EAUX ont amélioré les conditions
de travail de leurs employés en supprimant plusieurs tâches
manuelles et en introduisant les nouvelles technologies dans l'accomplissement
de leurs tâches même si à CAMRAIL, tous les services ne sont
pas encore concernés. Les réunions hebdomadaires et mensuelles
sont organisées pour permettre aux employés de s'exprimer.
Pour ce qui est de l'environnement externe, le cadre
légal des entreprises privatisées ayant été
présenté plus haut, AES-SONEL, CAMRAIL et LA CAMEROUNAISE DES
EAUX sont des entreprises qui respectent les lois, les procédures et
les conventions signées avec l'Etat Camerounais. Ce respect passe par
l'environnement politique, économique et juridique.
Ces entreprises étant toutes des entreprises
industrielles doivent respecter les normes de protection de
l'écosystème compte tenu de l'importance des déchets
toxiques dégagés.
Le tableau ci-après présente la synthèse
de ces politiques de changement.
Tableau 4.1 : Synthèse des
politiques de changement identifiées
Politiques
|
Pratiques
|
Rigueur
|
- Réduire les charges
- Financer les investissements par les capitaux propres,
- Gérer par la performance et les résultats,
- L'intégrité
|
Valeur humaine
|
- Prise en compte des attentes des employés
(amélioration des
rémunérations et progression de
carrière)
- Pratique de la responsabilité sociale,
|
Respect de l'environnement et des procédures
établies
|
Environnement interne
- Enrichissement des tâches et leur modernisation,
- Décentralisation du pouvoir,
- Environnement convivial pour un meilleur
épanouissement
Environnement externe
- Définition de l'environnement juridique, politique et
économique
|
Source : Résultat de notre recherche sur
les politiques identifiées
Trois politiques de changement sont identifiées dans
les trois entreprises étudiées à savoir, la rigueur dans
la gestion, la valeur humaine et le respect de l'environnement. La rigueur est
appliquée par la réduction des charges, le financement des
investissements par des capitaux propres, la gestion par la performance et les
résultats et l'intégrité. La valeur humaine est
basée sur prise en compte des attentes des employés
(amélioration des rémunérations et progression de
carrière) et la pratique de la responsabilité sociale. Le respect
de l'environnement et des procédures établies quant à elle
est basée sur l'enrichissement des tâches et leur modernisation,
la décentralisation du pouvoir, l'environnement convivial pour un
meilleur épanouissement et la définition de l'environnement
juridique, politique et économique
Ces différentes politiques impliquent un certain nombre
d'actions que ces entreprises mettent en oeuvre.
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