2.2- La résistance au changement
La résistance des employés au changement
organisationnel est définie plus spécifiquement selon
Collerette, Delisle et Perron (1997), comme étant « l'expression
implicite ou explicite de réactions de défense à l'endroit
de l'intention de changement » Selon Brassard (1996), la résistance
au changement est «l'attitude individuelle ou collective, consciente ou
inconsciente, qui se manifeste dès lors que l'idée d'une
transformation est évoquée. Elle représente donc une
attitude négative adoptée par les employés lorsque des
modifications sont introduites dans le cycle normal de travail ». Pour
Hellriegel et al. (1992), ce sont «des forces qui s'opposent à la
réorganisation des conduites et à l'acquisition des nouvelles
compétences ou, en d'autres mots, à des forces restrictives
».
La résistance au changement est donc une
réaction foncièrement négative à l'égard du
changement; telle est la conception traditionnelle du terme, associée au
changement. La perspective critique voit les résistances comme un
phénomène inévitable dû au fait que les
intérêts des employés diffèrent fondamentalement de
ceux des dirigeants. La résistance au changement est alors
définie comme le refus d'un changement entretenu par un ou plusieurs
acteurs. Les conséquences peuvent être néfastes pour
l'organisation et gérer ces tensions devient défi pour les
managers.
2.2.1- Les conséquences et la gestion de la
résistance
Les effets de la résistance sont multiples et peuvent
être dévastateurs pour une organisation. La résistance peut
faire en sorte que l'organisation se détruise sans être capable de
se reconstruire (Hafsi et Demers, 1997). Elle peut provoquer le retour en
arrière et l'arrêt momentané ou permanent de l'idée
de changement. La résistance peut faire en sorte que le changement soit
un mi-succès ou un échec.
Outre ces dimensions liées au changement
lui-même, la résistance peut diminuer la productivité et
entraîner une chute d'efficacité. Le taux de roulement peut
augmenter de même que l'absentéisme, le climat de travail se
détériore et les relations de travail se durcissent. Les conflits
s'accélèrent et sont gérés sous l'angle «
gagnant/perdant ».
Pour sa part, le destinataire « résistant »
éprouve du stress. Il est moins satisfait et offre un rendement
inférieur. Il est plus sujet à s'absenter et à des
accidents de travail. Son niveau d'engagement affectif au travail diminue. Cela
peut le mener vers l'épuisement ou la dépression. Les
conséquences sont désastreuses tant au point de vue humain qu'au
point de vue organisationnel. Le succès du changement est aussi mis en
péril à cause de la résistance au changement. La
résistance met en péril le succès du changement et appelle
à une gestion efficace de la part des décideurs.
Les approches de gestion de la résistance, selon la
perspective traditionnelle, ont largement cherché à trouver des
moyens de surmonter, de vaincre et de limiter les risques d'apparition des
résistances. La plupart des auteurs parlent en effet de «surmonter
et de limiter les résistances », comme s'il s'agissait de quelque
chose d'essentiellement négatif.
Plusieurs stratégies envisagées consistent
à expliquer les raisons du changement et à faire participer les
employés à la mise en oeuvre du changement. Dans le fond, elles
réitèrent les idées des textes de Coch et French (1947) et
de Lawrence (1969) cités par Bareil (1999). En effet, Coch et French
proposaient dès 1947, à la suite des résultats de leur
étude, que la façon la plus efficace de modifier ou de retirer
complètement la résistance de groupe consistait à
réunir le groupe, leur communiquer efficacement le besoin de changer et
de stimuler leur participation dans la planification du changement. D'ailleurs
Lloyd (2003), reprend cette idée du respect des employés et
conclut que la nature de l'aspect technique ne détermine pas la
présence ou l'absence de résistance autant que son aspect humain.
Il propose d'influencer les attitudes des travailleurs par l'écoute de
leurs réactions et l'utilisation d'un langage compréhensible et
finalement, à s'attendre à avoir de la résistance dans
tout changement.
Pour Hultman (1998), la stratégie consiste à
déterminer l'intensité et la source de la résistance
(vérifier les faits), à implanter les stratégies
appropriées et à évaluer les résultats. Les
façons les plus courantes pour surmonter la résistance au
changement se regroupent sous différentes méthodes selon
Pettigrew (1986) : la formation, la communication, la participation et
l'implication, la facilitation et le support, la négociation et la
manipulation, dépendamment de trois facteurs : le rythme d'implantation,
la position de l'acteur vis-à-vis de la personne résistante et le
nombre d'individus impliqués dans le changement.
La plupart des «prescriptions »
réfèrent à la stratégie consistant à
diminuer les résistances au changement. En tant qu'obstacle au
changement, Lewis (1999) suggère trois solutions tout en
privilégiant la seconde: briser les résistances en augmentant la
puissance des forces propulsives (salaire, prime, avantages, etc.), diminuer
l'intensité des forces restrictives (climat de facilitation,
discussions, etc.) ou les deux à la fois. Plusieurs auteurs (Lawrence,
1969; Umiker, 1997) interprètent la résistance comme un signe de
quelque chose qui ne va pas. Ils incitent les gestionnaires à comprendre
ses origines, plutôt que d'essayer de les surmonter. Cette approche
analytique propose les communications comme outils d'intervention
privilégiés. Lorsh (1986) propose quatre axes de la gestion des
résistances au changement que sont la communication, la
compréhension, la facilitation et la responsabilisation.
Finalement, les actions de gestions traditionnelles telles que
communiquer, maintenir une vision, comprendre la résistance,
écouter, expliquer le besoin de changer, motiver les employés,
obtenir l'engagement, demeurer calme, impliquer le personnel sont aussi
prescrites pour transformer la résistance ou la surmonter.
Cette manière de regarder les résistances
véhicule plusieurs convictions implicites (Brassard, 1996). Cette
perspective traditionnelle postule que si les raisons qui expliquent les
résistances sont connues et si la bonne approche est employée,
ces résistances seront toujours évitées ou
surmontées. En fait, elle induit de nombreux gestionnaires à
croire qu'il existe une seule façon de gérer le changement, un
«one best way », qui permet de vaincre inévitablement les
résistances. « Cette conception est en effet simpliste compte tenu
du fait qu'il ne s'agit pas seulement de connaître les raisons qui
entraînent l'émergence de la résistance et d'y appliquer
une approche prescrite pour conclure que ces résistances seront
évitées ou surmontées ».
La résistance, comme le soulignent Collerette, Delisle
et Perron (1997), « constitue souvent le compagnon paradoxal de l'agent de
changement, et celui-ci doit s'attendre à devoir le fréquenter
aussi longtemps qu'il sera porteur de changement ». Quelles sont les
limites de ce concept.
Vue sous cet angle, la résistance est
considérée comme dévastatrice pour le changement pourtant,
elle peut exprimer d'autres préoccupations de la part du destinateur
pouvant permettre au décideurs de mieux comprendre le changement.
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