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Les conséquences juridiques de l'acquittement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Jean- Marie TWAGIRAYEZU
Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2007
  

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B. Une procédure qui met en cause les droits de l'accusé

La possibilité de maintien en détention après acquittement met en cause les droits fondamentaux de la personne notamment le droit à la présomption d'innocence (1) et le droit à la liberté (2).

1. Le droit à la présomption d'innocence

Le droit à la présomption d'innocence consacré par de nombreux textes juridiques internationaux52 et codifié dans la plupart des législations nationales53 constitue l'un des principes de base de droit pénal moderne. Selon ce principe, toute personne poursuivie est considérée comme innocente tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente54.

L'un des corollaires de la présomption d'innocence est que la liberté est la règle et la détention reste l'exception55. La détention ne devrait être ordonnée que dans les conditions exceptionnelles et doit prendre fin lorsqu'elle n'est plus justifiée, en raison de la décision d'acquittement56 dont l'effet primordial est de lever la culpabilité qui la justifierait. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en France comme dans bien d'autres pays57, l'acquitté ne peut pas être maintenu en détention, sauf s'il est retenu pour d'autres causes58. De ce qui précède, il apparaît que le maintien en détention de l'acquitté serait en effet attentatoire à ce droit fondamental de la présomption d'innocence.

52 Art. 11 de la D.U.D.H. du 10 nov. 1948; art. 14. 2 du P.I.D.C.P. du 23 mars 1976; art. 6. 2 de la C.E.D.H. du 4 novembre 1950; art. 8. 2 de la C.A.D.H. adoptée par l'Organisation des Etats américains à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'homme du 22 nov. 1969 et entrée en vigueur le 18 juillet 1978; art. 7. 1. b. de C.A.D.H.P. adoptée par l'Organisation de l'unité africaine à sa 18e Conférence du 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.

53 A titre d'exemple, voy. art. 19 Constitution de la République du Rwanda du 04/06/2003, telle que révisée jusqu'à ce jour, J.O.R.R., n°spécial du 04 juin 2003, p. 1; art. 11. d) de la Charte canadienne des droits et libertés telle comprise dans la Loi constitutionnelle canadienne de 1982 entrée en vigueur le 17 avril 1982; art. 32. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1843 telle que modifiée dernièrement le 18 avril 1999.

54 P. J. SCHWIKIKARD, Presumption of innocence, Cape Town, Juta and Co Ltd, 1999, p. 36.

55 N. MWENE SONGA, Traité de droit pénal général congolais, Kinshasa, Editions Droit et société, 2001, p. 484.

56 B. DEJEMEPPE (dir.), op. cit., note 48, p. 283.

57 Art. 169 de la Loi no 13/2004 du 17/5/2004 portant code de procédure pénale du Rwanda, telle que modifiée et complétée jusqu'à ce jour, J.O.R.R., no 11 du 15 juin 2004; art. 33 § 1er al. 2 du C.P.P. Blg.

58 Arts. 367-368 du C.P.P. Fr.

Cependant, il faut signaler que ce principe de présomption d'innocence n'est pas ignoré par le TPIR car il est consacré par son Statut en son article 2059. Si le rédacteur des textes du Tribunal a prévu la détention provisoire et son maintien après acquittement, c'est pour des raisons tenant au souci de doter l'institution de moyens efficaces nécessaires à l'instruction du procès. Mais ces moyens devraient être conçus de façon à atteindre l'objectif visé sans enfreindre les droits de l'accusé.

2. Le droit à la liberté

Le droit à la liberté reconnu à tout individu et en tout le temps60 vise essentiellement à le protéger contre toute atteinte à sa liberté physique. L'arrestation et la détention n'étant pratiquées qu'à des occasions exceptionnelles. C'est cet esprit qui a d'ailleurs inspiré le rédacteur de l'article 99 du Règlement qui a consacré en principe la remise en liberté de l'acquitté et exceptionnellement son maintien en détention.

En interprétation de cette disposition, la Chambre de première instance a relevé qu'Ó« il convient d'apprécier (...) au regard du fait qu'Ignace BAGILISHEMA a été acquitté et qu'il jouit de son droit fondamental à la liberté (..).»61. Ainsi, la Chambre s'est montrée préoccupée au même titre que certains droits nationaux62 par le maintien en détention après acquittement. Ce dernier risquerait de voir enfreint son droit fondamental à la liberté ainsi obtenu, lorsqu'il n'y a plus de soupçon justifiant la détention en cas d'acquittement.

Cependant, il est vrai que le procès en première instance ne met pas fin à la procédure. La Chambre d'appel peut en effet bien revenir sur l'acquittement et il serait alors utile d'avoir l'accusé disponible pour répondre des charges ou purger sa peine si la Chambre d'appel a elle-méme évoqué l'affaire et appliqué une peine. Toutefois, même si la mesure d'acquittement peut revétir quelque précarité au regard des pouvoirs de la Chambre d'appel de la remettre en cause, personne ne saurait dénier à la Chambre de première instance le droit de tirer les conséquences logiques de son propre jugement d'acquittement. A son niveau, le soupçon n'existe plus. Dès lors, il serait très malaisé pour elle de maintenir quelqu'un en détention juste après l'avoir lavé de tout soupçon. Ceci est d'autant plus vrai que la lenteur des procédures d'appel risquerait de prolonger une détention indue pour une

59 L'art. 20 du Statut est libellé comme suit : « Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut. ».

60 Cfr. art. 8 de la D.U.D.H.; art. 9. 1 du P.I.D.C.P.; art. 5. 1 de la C.E.D.H.; art. 7 de la C.A.D.H.; art. 6 de la C.A.D.H.P.

61 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 10.

62 Cfr. supra notes 57-58.

période déraisonnablement longue63. La Chambre pourrait être tout aussi embarrassée si elle accordait une mesure de mise en liberté immédiate avec la pleine conscience que la personne ne justifie d'aucune garantie de représentation en justice et s'évanouirait dans la nature dès la première opportunité, compromettant ainsi toute possibilité de procès contradictoire en appel.

C'est certainement ce double embarras qui a conduit le TPIR à inventer une alternative à la détention, visant à trouver un équilibre entre les intérêts de la justice et la primauté de la liberté individuelle.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon