§.2. Les difficultés de la mesure
Elles sont liées tantôt à la procédure
suivie (A), tantôt aux conséquences qui peuvent
en découler (B).
A. Une procédure trop simplifiée
La procédure est marquée par l'absence de
conditions matérielles exigées du Procureur (1)
et de garanties formelles indispensables au droit de la défense
(2).
E 11ENIXFeIIGeIFIKIGI7ZXs P
17+IIHNIs
A la lecture de l'article 99 B)42, il
apparaît que la simple intention d'interjeter appel exprimée par
le Procureur constitue la seule condition pour justifier de la requête en
maintien de l'acquitté en détention. Ceci semble d'ailleurs
confirmé par la jurisprudence. Après avoir examiné ce
texte, la Chambre de première instance du TPIR a affirmé que
cette disposition n'a pas pu établir les conditions matérielles
à satisfaire pour permettre à la Chambre de prendre une telle
ordonnance43.
Cependant, la jurisprudence en la matière a bien
développé certains critères - comme nous l'avons
déjà signalé- similaires à ceux de la
détention initiale44. A ce sujet, on constate
également quelques avancées au niveau du Statut de la C.P.I. qui,
en corrigeant ces lacunes susmentionnées, a établi certaines
conditions nécessaires au maintien en détention après
acquittement, notamment le risque d'évasion, la gravité de
l'infraction et les chances de voir l'appel aboutir45.
E F 9:Es1XFe IGeEFEUX7iEVIIIP Wes
L'examen de l'article 99 B) fait relever certaines lacunes
quant aux formalités. Tout d'abord, il exige une formalité
préalable à la requête du Procureur de notifier son
intention d'interjeter appel conformément à l'article
10846. Toutefois exprimer l'intention de faire
42 Cfr. art. 99 B) du Règlement,
précité, note 5.
43 Le Procureur c. Ignace
BAGILISHEMA, supra note 8, par. 8.
44 Voir supra (chapitre I, section 1,
§.1, A sur le fondement de la mesure de maintenir l'acquitté en
détention.
45 Art. 81. 3. c. i. du Statut de la C.P.I.
adopté le 17 juillet 1998.
46 L'art. 108 du Règlement est ainsi
libellé :« Une partie qui entend interjeter appel d'un jugement ou
d'une sentence doit, dans les trente jours de son prononcé,
déposer un acte d'appel exposant ses moyens d'appel. L'appelant
précise également l'ordonnance ou la décision
attaquée, la date de son dépôt et/ou la page du compte
rendu d'audience, la nature des erreurs relevées et la mesure
sollicitée. La Chambre d'appel peut, s'il est fait état dans la
requête de motifs valables, autoriser une modification des moyens
d'appel. ».
appel ne signifie pas que l'appel sera effectivement
interjeté. L'article 108 du Règlement ouvre les délais
d'appel pour trente jours à partir de la date du prononcé du
jugement. La question légitime qu'on peut se poser est quid si
le Procureur obtient le maintien en détention de l'accusé
à partir d'une simple notification d'une intention d'interjeter appel et
que cette intention formulée n'a jamais été suivie d'un
appel effectif 47? On voit bien se profiler le risque d'une
détention à posteriori indue.
Ensuite, l'examen de la requête du Procureur n'est
soumis à aucune formalité précise. Ainsi, dans le silence
des textes, on aurait pu imaginer une chambre examinant la requête du
Procureur sans entendre la défense. Une telle éventualité
nuirait au droit de la défense. Mais il est heureux que la jurisprudence
ait utilement suppléé à la carence des textes, en
développant un système d'instruction contradictoire « qui
constitue incontestablement une garantie très importante pour les droits
de la défense »48.
Enfin, à la lumière du principe universel du
droit aux voies de recours contre une décision judiciaire
entachée d'erreur ou d'injustice qui est indispensable pour garantir les
droits individuels49 et reconnu également par le TPIR en cas
de la détention provisoire initiale50, à la
différence du Statut de la C.P.I.51, les dispositions du TPIR
relatives au maintien en détention après acquittement semblent
être muettes à ce sujet; ce qui compromet les droits des parties
au procès. Et la jurisprudence du TPIR comme celle du TPIY n'y a
apporté aucune correction significative. Certes, un appel pourrait
être envisageable en même temps que le jugement sur le fond, mais
ce moment serait fort bien
tardif, surtout quand la Chambre d'appel confirme
l'acquittement prononcé. Ce quiconduirait à la mise en
cause des droits de l'accusé.
47 Puisque le Procureur comme toute partie au
procès, peut laisser s'écouler les délais d'appel sans
agir. Voy. P. CONTE et P. MAISTRE Du CHAMBON, Procédure
pénale, 2e éd., Paris, Dalloz, 1998, p. 320.
48 B. DEJEMEPPE (dir.), La détention
préventive, Bruxelles, Larcier, 1992, pp. 115-116.
49 R. MERLE, op. cit., note 40, p. 792.
50 Art. 65 D) du Règlement se lit comme suit
Ó« Toute décision rendue par une Chambre de première
instance aux termes de cet article sera susceptible d'appel. Sous
réserve du paragraphe F) ci-après, l'appel doit être
déposé dans les sept jours du dépôt de la
décision contestée. Lorsque cette décision est rendue
oralement, l'appel doit être déposé dans les sept jours de
ladite décision, à moins que (...) ».
51 Puisqu'il reconnaît expressément la
possibilité d'appel contre la décision de maintien en
détention après acquittement. Cfr. art. 81. 3. c. ii. du Statut
de la C.P.I. Ó« La décision rendue par la Chambre de
première instance en vertu du sous alinéa c i) est susceptible
d'appel conformément au Règlement de procédure et de
preuve. ». Rappelons que l'alinéa c i) se trouve à la note
45.
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