B. La procédure
La procédure de maintien en détention de
l'acquitté en première instance peut être
appréhendée à travers trois indicateurs Ó le moment
(1), les acteurs intervenant (2) et les
formes de la mesure (3).
1. Le moment
La demande de maintien en détention est faite à
l'audience du prononcé du jugement d'acquittement20. Cette
procédure a pour but de faire obstacle à la mise en
liberté qui, en principe, doit intervenir immédiatement
après l'acquittement21.
Le Règlement est cependant resté muet quant au
moment de la décision de la chambre. Il semble que la chambre doit
statuer sans délai sur la requête, pour donner effet au souci du
Procureur de garder l'accusé sous le contrôle du Tribunal. Ceci
est d'ailleurs confirmé par la jurisprudence. Dans l'affaire
BAGILISHEMA22, la Chambre a immédiatement statué sur
la requête du Procureur le jour même du prononcé du jugement
d'acquittement, et dans l'affaire de BAGAMBIKI et al.23,
elle s'est donnée un peu plus de temps en réservant sa
décision jusqu'au lendemain de la décision d'acquittement.
2. Les acteurs intervenant
La procédure de maintien en détention met en jeu
trois acteurs : le Procureur, la Chambre de première instance et la
personne acquittée. Le texte de l'article 99 B) spécifie bien les
rôles respectifs du Procureur -demandeur du maintien en détention
et pourvoyeur d'informations quant à son intention de faire appel- et de
la Chambre de première instance - -destinataire de l'information soumise
par le Procureur et appelée à statuer sur la demande
19 P. CHAMBON, op. cit., note 7, p. 250.
20 Art. 99 B) du Règlement,
précité, note 5.
21 Art. 99 A) du Règlement,
précité, note 4.
22 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA,
supra note 8, pars. 1, 11.
23 Le Procureur c. André NTAGERURA,
Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T,
Chambre de première instance III, Décision sur la requête
du Procureur sur le fondement de l'art. 99 B), 26 fév. 2004, par. 16.
de maintien en détention-. Il reste toutefois
étrangement muet sur le rôle de la personne acquittée,
comme si le sort de celle-ci pouvait se jouer sans qu'elle n'ait son mot
à dire. Il n'en est heureusement rien, puisque le silence du texte est
fort justement suppléé par les principes généraux
qui veulent que le respect du principe du contradictoire soit
total24. Ainsi une fois la notification de l'intention de faire
appel faite par le Procureur et sa demande de maintien en détention
formulée, et avant que la Chambre ne se prononce, la personne
acquittée a bien l'opportunité de présenter ses
conclusions orales ou écrites, selon le cas, pour contrer les
prétentions de la partie adverse25.
Il faut donc comprendre dans la formulation actuelle du texte
qui ne fait aucune référence au rôle de la personne
acquittée pendant cette phase de la procédure, le simple souci de
ne pas faire peser sur le défendeur quelque charge probatoire que ce
soit. Il appartient en effet au demandeur (au Procureur et au seul Procureur)
de prouver la substance et le bien-fondé de ses prétentions; et
cette preuve se doit d'être complète et convaincante même si
la partie défenderesse fait le choix du silence26.
Toutefois, la réalité du procès est telle
que les accusés comme la personne acquittée se contentent
rarement de laisser au Procureur la responsabilité entière de la
preuve. Le défendeur est toujours aussi actif que l'accusateur et
cherche constamment à prouver la fausseté des allégations
contre lui27.
Cette règle de conduite générale est
aussi applicable dans cette phase particulière du procès. Dans
les affaires Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA28 et Le
Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel
IMANISHIMWE29, la défense s'est toujours fait
fort de contrer les arguments du Procureur en administrant des
éléments de nature à montrer qu'il ne serait pas
justifié de faire droit à la requête du Procureur visant le
maintien en détention de la personne acquittée, en attendant
qu'il soit statué sur l'appel.
24 Ce principe est directement relié au droit
de la défense. Voy. A. H. RENE KOERING-JOULIN, Droit pénal
international, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 181.
25 Selon la pratique observée dans les
affaires BAGILISHEMA et NTAGERURA et autres. Cfr. Le Procureur c. Ignace
BAGILISHEMA, supra note 8, pars. 4-6; Le Procureur c.
André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE,
supra note 23, pars. 9-10.
26 B. BOULOC, R. REGINALD et P. LEGROS, Le droit
au silence et la détention provisoire, Bruxelles, Bruylant, 1997,
pp. 10-17.
27 A titre d'exemple, citons l'usage
déjà évoqué du TPIR (voir supra note
25).
28 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA,
supra note 8, pars. 4-6.
29 Le Procureur c. André NTAGERURA,
Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, pars.
9-10.
3. Les formes de la mesure
Les formes des actes requis dans la procédure de
maintien en détention ne sont pas bien précisées. Mais aux
termes de l'article 99 B), il est clair que la requête du Procureur doit
être expresse et précédée par une notification de
son intention d'interjeter en appel. Alors que la jurisprudence du TPIY est
restreinte en la matière30, le TPIR admet que la
requête peut être soit orale31 soit
écrite32.
En dépit du silence des textes33, la
jurisprudence a développé une pratique par laquelle la
requête du Procureur est examinée par la chambre en audience
publique. Ainsi, le maintien en détention ou le rejet est
décidé après avoir entendu chaque partie34.
Après son examen, si elle décide de faire droit à la
demande, la chambre doit émettre un nouveau mandat d'arrêt et de
maintien en détention par une décision ou une
ordonnance35.
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