Les conséquences juridiques de l'acquittement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda( Télécharger le fichier original )par Jean- Marie TWAGIRAYEZU Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2007 |
CHAPITRE II. LA REMISE EN LIBERTE DE L'ACQUITTELa remise en liberté est le corollaire naturel de l'acquittement, d'où l'inscription de cette mesure au premier paragraphe de l'article 99 du Règlement qui consacre un principe bien établi (Section 1). Mais la mise en oeuvre de cette mesure pose des difficultés pratiques qu'il importe de signaler (Section 2). Section 1. Le principe de la remise en libertéIl serait aisé d'aborder la question de la mise en oeuvre de la mesure de remise en liberté (§2) après avoir précisé son fondement (§1). §.1. Le fondement de la mesure de remise en libertéL'examen du fondement de la remise en liberté qui présuppose l'état de détention (A) évoque l'idée de préciser ses justifications (B). A. La condition préalable à la mise en libertéLa remise en liberté suppose que l'intéressé était en état de détention. Il s'agit de l'incarcération de l'accusé décidée par la Chambre soit de première instance, soit d'appel à la demande du Procureur et exécutée dans une maison d'arrêt du Tribunal pendant une période indéterminée car aucune disposition du Statut ou du Règlement du TPIR ne prévoit un délai précis de la détention provisoire91. Cette dernière n'est cependant pas une peine d'emprisonnement anticipée. Elle est simplement une détention provisoire en attente du jugement de condamnation ou d'acquittement. Comme déjà évoqué, elle sert de moyen nécessaire à l'instruction du procès92. B. Les justifications de la mesureLe fondement de la mise en liberté après acquittement est à chercher parfois dans les conditions d'applications des textes (1) et quelquefois dans les explications idéologiques (2). 91 Cfr. les dispositions relatives à la détention provisoire, arts. 54-64 et 99 du Règlement. 92 Voir supra sur le fondement de la mesure de maintien en détention.
Les meilleures justifications de la mise en liberté après acquittement sont également tirées des réflexions basées sur les droits fondamentaux de la personne surtout le droit à la présomption d'innocence et le droit à la liberté. Bien que dans la pratique les indices de culpabilité pèsent plus lourds97de telle sorte que la présomption d'innocence soit mise à mal par la mise en examen98 et les personnes 93 B. DEJEMEPPE, op. cit., note 48, p. 283. 94 Cfr. arts. 102 A) : « Sous réserve des décisions arrêtées par la Chambre de première instance conformément à l'Article 101, la sentence est exécutoire dès son prononcé conformément au paragraphe.» et 103 A) du Règlement : « La peine de prison est exécutée au Rwanda ou dans un Etat désigné par le Tribunal sur une liste d'Etats ayant indiqué leur volonté d'accueillir des personnes condamnées pour l'exécution de leur peine. Avant qu'une décision ne soit prise concernant le lieu de l'emprisonnement, la chambre informe officiellement le Gouvernement rwandais. ». 95 G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, 16è éd., Paris, Dalloz, 1996, p. 731. 96 A titre d'exemple, voy. Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11 ; Le Procureur c. André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance, Jugement et sentence, 25 fév. 2004, par. 829. 97 L. MUGAMBIRA, De la détention provisoire face au principe de la présomption d'innocence devant le TPIR, mémoire de Licence, Butare, U.N.R., Faculté de Droit, 2004, p. 22, non publié. 98 J. R. FARTHOUAT, « La présomption d'innocence », in Justices Revue Générale de Droit Processuel, Paris, Dalloz, 1998, pp. 53-59, p. 54. poursuivies soient généralement aussitôt mises en détention99, la liberté et la présomption d'innocence devraient toujours être protégées. La détention est privative de liberté sans pour autant que la culpabilité du prévenu ne soit établie. Or être privé de liberté constitue en soi une peine100, en ce qu'il s'agit souvent d'une proclamation anticipée de la culpabilité, alors qu'il y a pourtant bien des mis en examen dont l'innocence finit par s'établir par décision d'acquittement101. Mais c'est souvent trop tard, puisque la presse qui couvre souvent avec beaucoup de zèle les mises en examen, est rarement aussi enthousiaste quand il s'agit d'annoncer un acquittement, suite à un procès dont la longueur aura fini de lasser ceux qui le suivaient. Ainsi défendue par les philosophes des lumières, quelle que soit son application, la détention provisoire ne serait plus justifiée lorsque le soupçon de culpabilité qui avait déterminé son existence n'existe plus en raison de l'intervention de l'acquittement. Dans ce cas, la remise en liberté devrait intervenir de plein droit après acquittement sans qu'elle ne soit nécessairement ni consacrée par le texte ni stipulée par la décision du juge. |
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