Les conséquences juridiques de l'acquittement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda( Télécharger le fichier original )par Jean- Marie TWAGIRAYEZU Université nationale du Rwanda - Licence en droit 2007 |
B. La nature juridique du safe houseLa nature juridique de la mesure du safe house reste controversée. D'une part, la position des juges a toujours été claire. La mesure n'est qu'une simple condition ou méme une modalité pratique dont est assortie la décision de remise en liberté de l'acquitté pour assurer sa représentation en appel74. Afin de soutenir cette thèse, l'ordonnance du Président s'est exprimée en ces termes Ó « Attendu qu'aucune des conditions- [dont fait partie le safe house]- ne peut être interprétée comme prolongeant son maintien en détention~»75. De là, le safe house relève ipso facto du régime de liberté. Pourtant au regard des plaintes des personnes acquittées, le safe house a été perçu comme un régime restrictif de liberté76, d'ailleurs pire dans certains de ses aspects que la détention provisoire initiale. L'acquitté est en effet soumis à une détention arbitraire et à un placement en isolement sans base légale, sous la surveillance des agents de la sécurité des Nations unies qui restreignent ses mouvements77. L'interprétation de ce régime juridique a nourri une certaine polémique entre le Greffier dont le personnel gère le safe house et les acquittés pensionnaires desdits safe houses. Les différentes entorses à la liberté d'aller et venir de ces personnes et les restrictions imposées à leurs visiteurs pour raison de sécurité78 ou pour limitation budgétaire79 ont entre autres généré de nombreuses plaintes devant le Président du Tribunal. Il a souvent été demandé à ce dernier de déterminer si les limitations imposées aux résidents des safe houses étaient compatibles avec le statut d'homme libre conféré par la décision 73 Le Procureur c. Ignace BAGILISHEMA, supra note 8, par. 11; Le Procureur c, André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI et Samuel IMANISHIMWE, supra note 23, par. 14. 74 Ibid. 75 Le Procureur c. André NTAGERURA, Affaire no ICTR-99-46-T, Bureau du Président du tribunal, Ordonnance portant rétablissement de Monsieur NTAGERURA dans les conditions d'homme libre, 4 oct. 2004, par. 4. 76 F. ROUX, « De l'absence de responsabilité en cas d'acquittement », in L. BURGORGUE-LARSEN (dir.), La répression internationale du génocide, Bruxelles, Bruylant, Collection du CREHO, 2003, 251, p. 255. 77 Le Procureur c. André NTAGERURA, Affaire no ICTR-99-46-T, Chambre de première instance, Requête en rétablissement des libertés d'une personne acquittée, 4 oct. 2004, par. 14. 78 Le Procureur c. André NTAGERURA, supra note 75, par. 9. 79 Le Greffe a par exemple refusé des séjours illimités de membres de leur famille notamment quand ces derniers devraient partager la ration de ces résidents fournie par le Greffe. Voy. A. NTAGERURA et E. BAGAMBIKI, Le calvaire et la détresse de deux acquittés oubliés du TPIR, [en ligne sur] http://www.grandslacs.net/doc/3767.pdf, consulté le 29 juillet 2007 (Les acquittés concernés nous ont confirmé d'avoir publié eux-mêmes ce document. Voy. le document en annexe III). d'acquittement80. Le Greffe a toujours plaidé avec quelque succès que les restrictions trouvaient leur base dans la décision même qui ordonnait le placement au safe house, laquelle décision conférait au Greffier la responsabilité de trouver aux acquittés un pays d'accueil tout en veillant à ce qu'en attendant l'aboutissement de telles démarches, les personnes acquittées puissent être représentées chaque fois que de besoin81. |
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