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Du droit de résistance aux abus de pouvoir: une lecture du "second traité du gouvernement civil" de John Locke

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par Victor SETIBO BATUZOLELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachalauréat en philosophie 2002
  

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Chapitre troisième :

DU DROIT DE RESISTANCE

3.1. Introduction

Comme nous avons eu à le dire précédemment, il peut arriver qu'un gouvernement abuse de la confiance du peuple. Et pour ne pas se laisser anéantir, que peut faire le peuple ? Il est invité à résister, dit John Locke. En développant cette question du droit de résistance, nous allons considérer comment l'état de guerre réapparaît et élit domicile dans une cité régie par l'arbitraire et l'absolutisme. Quand bien même doit-on résister, comment le faire ? Une opposition au pouvoir peut-elle être légitime ? Telles sont les questions auxquelles ce chapitre tentera aussi de répondre.

3.2. Réapparition de l'état de guerre

Dans la théorie de Locke, le droit de résistance découle de la notion d'état de guerre. L'état de guerre quant à lui, est le résultat historique d'actions humaines particulières. Il est produit par ces actions, que celles-ci soient accomplies dans l'état de nature ou dans le cadre d'une société moderne. Dans les deux cas, cet état peut survenir. Nous allons d'abord développer la conception de l'état de guerre afin de parler avec plus de précision du droit de résistance tant défendu par Locke.

L'état de guerre est déclenché par l'utilisation de la force. Ainsi, la violence d'une personne à l'égard d'un autre produit l'état de guerre, dans une circonstance où il n'y a sur la terre nul supérieur commun, à qui l'on puisse en appeler. Pour signifier et qualifier cet état de guerre, John Locke, dans son Second traité du gouvernement civil parle de la force et de la violence. Ce sont des termes qui apparaissent tout au long de l'ouvrage pour désigner les instruments de rupture de la paix dans l'état de nature et de dissolution de la légitimité dans la société politique62. L'état de guerre s'installe quand il y a une violence injuste et soudaine. C'est donc l'emploi de la force illégitimement, et lui seul, qui place un homme, dans l'état de guerre.

Considérons la manière dont l'état de guerre s'installe dans l'état de nature. Il faut souligner qu'au départ, l'état de guerre, selon Locke, est un état d'inimitié et de destruction.

62 Second Traité, §. 19, pp. 156-157.

« Celui qui déclare à un autre, soit par paroles, soit par actions, qu'il en veut à sa vie, doit faire cette déclaration, non avec passion et précipitamment, mais avec un esprit tranquille : et alors cette déclaration met celui qui l'a fait, dans l'état de guerre avec celui à qui il l'a faite. En cet état, la vie du premier est exposée, et peut-être ravie par le pouvoir de l'autre, ou de quiconque voudra se joindre à lui pour le défendre et épouser sa querelle : étant juste et raisonnable que j'aie droit de détruire ce qui me menace de destruction ; car, par les lois fondamentales de la nature, l'homme étant obligé de se conserver lui-même, autant qu'il est possible ; lorsque tous ne peuvent pas être conservés, la sûreté de l'innocent doit être préférée, et un homme peut en détruire un autre qui lui fait la guerre, ou qui lui donne à connaître son inimitié et la résolution qu'il a prise de le perdre : tout de même que je puis tuer un lion ou un loup, parce qu'ils ne sont pas soumis aux abus de la raison, et n'ont d'autres règles que celles de la force et de violence. On peut donc traiter comme des bêtes féroces ces gens dangereux, qui ne manqueraient point de nous détruire et de nous perdre, si nous tombions en leur pouvoir63

Ce long passage qui commence le chapitre troisième du Second traité du gouvernement civil consacré à l'état de guerre, aide à tirer la conséquence selon laquelle, quiconque tâche d'avoir un autre en son pouvoir absolu, se met par-là dans l'état de guerre avec lui. Et quand un pouvoir aussi absolu et arbitraire s'impose sur les hommes dans l'état de nature comme dans la société civile, on ne peut que constater que son moyen propre est la force, la violence physique ; aussi entre lui et le reste de l'espèce humaine, la seule relation qui existe ne peut être que la guerre. Ce qui prévaut en ce moment là, c'est le désir de soumettre l'autre à son pouvoir, de le placer sous sa domination sans son consentement. Cependant, personne ne peut désirer avoir son proche en son pouvoir absolu, que dans le but de le contraindre par la force à ce qui est contraire au droit de sa liberté.

Or, la liberté est ce qu'il y a de plus important, ce dont tout homme vivant selon la loi de nature devrait jouir. Personne n'a le droit de porter atteinte à la liberté et à la vie d'autrui sans raison valable. Les droits à la vie et à la liberté sont indéniables et donnent tout le reste. Quiconque veut s'en emparer et les ravir à un autre, doit être considéré comme établit dans l'état de guerre avec ses prochains.

Ce qui vient d'être dit aide à poser qu'un homme, dans l'état de nature est autorisé de se défendre légitiment pour sa conservation. Et quiconque introduit l'état de guerre s'expose à un traitement semblable à celui qu'il a résolu de faire subir à un autre, et risque sa vie64. « Quand la violence illégitime perturbe la paix qui est de rigueur dans l'état de nature, chacun se dresse à bon droit contre l'agresseur, non pas en raison de l'universalité de la menace du point de vue du droit naturel, mais parce que l'agresseur a attenté à l'unité biblique de la

63 Second Traité, §. 16, pp. 154-155.

64 Ibid., § 18, p. 156.

famille tribale et qu'il porte par conséquent la marque de Caïn65 >>. L'état de nature, s'il est respecté, préserve la paix et la << sécurité >> des hommes. Partout où des délits enfreignent cet ordre, la possibilité s'offre à tous les hommes de prendre des mesures pour restaurer son intégrité66.

Pour éviter l'état de guerre, où l'on ne peut avoir recours qu'au ciel, les hommes ont formé des sociétés politiques, et ont quitté l'état de nature : il y a une autorité ayant un pouvoir sur terre et auquel on peut faire appel en cas des différends. C'est ainsi que John Locke marque la fin de l'état de guerre qui a surgi dans l'état de nature.

Cependant, dans la société politique, l'état de guerre peut aussi réapparaître. Et cet aspect, John Locke le prend en compte ; il a prévu cette possibilité. Il sait que le pouvoir, c'est de la violence potentielle : << plus élevé est ce pouvoir plus grande est la violence 67>>. Ayant fait l'expérience des structures de domination sociale de la société dans laquelle il a vécu, il rejette les abus avec une intensité remarquable. Même dans une société politique, il est tout à fait possible que le charme vienne à être rompu ; des structures stables, qui offrent une protection si rassurante, peuvent devenir un danger mortel. Le droit qui est la barricade qui protège la paix d'une société politique et procure la certitude peut être violé. Le bien être et la liberté peuvent se changer en angoisse et en assujettissement, auxquels ils s'opposent, suite à une violation du droit.

Un individu ne doit pas en principe reconnaître la légitimité du pouvoir absolu qui est au-dessus de lui, que ce soit dans l'état de nature ou dans une société politique. Au cas contraire, c'est ses droits juridiques, non sa force physique, qu'il perd. L'utilisation de la force pour créer pareille dépendance, quelles que soient les intentions réelles de celui qui l'exerce, peut être interprétée comme l'ultime exploitation possible de ce pouvoir simplement en vertu du fait qu'il s'agit d'un rejet de la loi de nature68. Même dans la société politique, qui est le remède apporté aux imperfections de l'état de nature, un tel usage de la force, en l'absence d'un tribunal disponible auprès duquel la victime d'une agression puisse effectivement recourir pour son soulagement laisse le droit de guerre contre un agresseur à la disposition de tous les hommes69. Quand il y a quelque injustice qui se fait jour dans le chef des juges, il est mal aisé d'envisager ces déviations et ce désordre autrement que comme un état de guerre. Si

65 John DUNN, La pensée politique de John Locke, Paris, PUF, 1991, p. 176.

66 Second Traité, §. 7, p. 146.

67 John DUNN, La pensée politique de John Locke, Paris, PUF, 1991, p. 175.

68 Second Traité, §. 18, p. 156.

69 Ibid., §. 20, pp. 157-158.

on n'agit pas de bonne foi, on fait la guerre à ceux qui souffrent. Le seul exercice de la force maintient l'état de guerre dans la société politique.

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