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Du droit de résistance aux abus de pouvoir: une lecture du "second traité du gouvernement civil" de John Locke

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par Victor SETIBO BATUZOLELE
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachalauréat en philosophie 2002
  

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2.4. L'arbitraire et ses conséquences

Le pouvoir arbitraire absolu, loin d'apparaître comme une garantie contre l'état de guerre, représente en fait lui-même un état de guerre entre les princes et le peuple. C'est pourquoi, la transgression par les pouvoirs publics des limites de leur autorité constitue un acte de guerre ou de rébellion contre lequel peut légitimement s'exercer un droit de résistance à l'oppression.

<< Le plaidoyer pour l'état de droit que propose Locke, en réfutant, dans le premier traité, le patriarcalisme de Filmer et en soulignant, dans le second traité, les dangers de l'absolutisme, est une réponse à la fois aux événements de la doctrine et à la déraison de l'histoire. Les sociétés humaines, généralement sorties de la nécessité tout empirique qui a scindé la communitas originaire en une pluralité de république, se débattent le plus souvent, rappelle Locke en s'appuyant sur un contrat historique, avec l'esclavage, la conquête, l'usurpation ou la tyrannie. Parce que les hommes ne savent pas écouter la voix de la raison raisonnable qui leur découvrirait la visée téléologique de la loi de nature, ils installent de pseudo-gouvernements qui, ne répondait pas aux requêtes juridiques de l'état civil, les livrent à l'empire de la violence et de l'injustice56. »

Quand le pouvoir se détourne de ses attributions premières, une de plus grandes conséquences est que le peuple devient esclave de ce pouvoir puisqu'il vit sous l'oppression. Il est alors à souligner que l'esclavage qui naît de la guerre, de la conquête ou de la tyrannie n'est, ici ou là, que le prolongement de l'état de guerre avec lequel il est en parfaite connaturalité57. Les hommes sont installés hors le droit, ils perdent leur liberté ; << cette liberté par laquelle l'on est point assujetti à un pouvoir arbitraire et absolu est si nécessaire, et est unie si étroitement avec la conservation de l'homme, qu'elle n'en peut être séparée que par ce qui détruit en même temps la conservation de sa vie58. En fait, le seul but du pouvoir absolu est précisément d'arracher de force à l'individu sa propre liberté et de la livrer à une exploitation immédiate et illimitée.

C'est aussi un état de non-droit qui s'installe là où le règne de l'arbitraire et de l'absolu prend racine. Rappelons que << là où finit le droit, commence la tyrannie59 ». Ceci signifie la victoire de la force sur la justice et sur la légalité. C'est une situation inconfortable et insupportable pour le peuple car, le non-droit prend le dessus sur tout ce qui peut concourir

56 Simone GOYARD-FABRE, « Pouvoir juridictionnel et gouvernement Civil dans la philosophie politique de Locke », in Revue Internationale de Philosophie, n°165, 2/1988, p. 209.

57 Second Traité, §§ 22-24, pp. 159-162.

58 Ibid.,§ 16o, pp. 263-264.

59 Ibid., § 202, pp. 292-293.

au bien de la Cité. Puisque les gouvernants font autre chose que ce qu'ils sont sensés faire, le peuple quant à lui est tout à fait déçu parce qu'il se voit dépouillé de tous ses droits.

L'arbitraire ayant mis les gens dans une situation inacceptable, non souhaitée, il s'ensuit une altération des pouvoirs législatifs, exécutif et fédératif. C'est dû au fait qu'il y a une rupture du pacte fondateur et abus de confiance. Les hommes sont renvoyés à l'état de nature pré-contractuel et anté-juridique ; ils n'ont plus qu'à « en appeler au ciel ». Il y a comme réapparition de l'état de nature.

En effet, la condition politique est annulée ; la société civile n'existe plus. Par conséquent, les hommes recouvrent leur droit de nature et, avec lui, leur liberté primordiale : ils sont à nouveau, eux-mêmes pour eux-mêmes, défenseurs et exécuteurs de leur droit de nature et, déliés de toute obligation civique envers un gouvernement qui n'existe plus, ils sont disponibles pour un nouveau trust et une nouvelle législature60. Il y a une dissolution de la légitimité dans la société politique ; il y a dissolution des gouvernements61. Et une distinction reste à faire chez John Locke, entre la dissolution de la société et celle du gouvernement. Les lignes qui suivent apportent plus de lumière sur cette question.

Une société est dissoute à l'invasion d'une force étrangère qui subjugue ceux qui se trouvent unis en société. Dans ce cas, chacun reprend sa liberté et pourvoit seul à sa sécurité, comme il juge à propos, en entrant dans quelque autre société. Et quand une société est dissoute, il en est de même pour son gouvernement.

Cette dissolution peut arriver lorsque la puissance législative est altérée puisqu'elle est l'âme de tout le corps politique. L'union d'une société consiste à n'avoir qu'une même volonté et un même esprit. Et c'est le pouvoir législatif qui est l'interprète et le gardien de cette volonté et de cet esprit. L'établissement du pouvoir législatif est le premier et fondamental acte de la société, par lequel on a pourvu à la continuation de l'union de tous les membres, sous la direction de certaines personnes, et des lois faites par ces personnes que le peuple a revêtues d'autorité.

Le pourvoir législatif est aussi altéré lorsque le Prince empêche que les membres du corps législatif s'assemblent quand il faut et agissent avec liberté. Ceci détruit l'autorité législative et met fin au gouvernement. Quand le Prince change par son pouvoir arbitraire ceux qui élisent les membres de l'assemblée législative, le pouvoir législatif est aussi changé. Lorsque le peuple est livré et assujetti à une puissance étrangère, soit par le Prince, soit par l'assemblée législative, le pouvoir législatif est aussi changé et le gouvernement est dissout.

60 Second Traité, § 149, pp. 253-254.

Le gouvernement peut aussi se dissoudre. Premièrement, quand celui qui a le pouvoir suprême et exécutif néglige ou abandonne son emploi. Dans ce cas, les lois ne sont pas mises en exécution ; c'est le désordre, l'anarchie. Deuxièmement quand le pouvoir législatif ou le Prince agit d'une manière contraire à la confiance qu'on avait mise en lui, et au pouvoir qui lui avait été commis.

Ce qui a été dit au sujet du pouvoir législatif vaut aussi pour le pouvoir exécutif qui a deux avantages très considérables : avoir sa part dans l'autorité législative, et faire souverainement exécuter les lois. De ce fait, ce pouvoir se rend doublement coupable lorsqu'il entreprend de substituer sa volonté arbitraire à son crédit. Quand il corrompt les membres de l'assemblée représentative.

Et toute personne investie d'une autorité qui excède le pouvoir que la loi donne et qui se sert de la force soumise à son commandement pour accomplir, aux dépens des sujets, des actes illégaux, cesse par-là même d'être un magistrat et, comme elle agit sans pouvoir, on a le droit de lui résister comme à n'importe quel homme qui porte atteinte aux droits d'un autre par la force.

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