2.4 Généralités sur le
niébé : Vigna unguiculata
2.4.1 Généralités
Communément appelé niébé en
Afrique francophone, présente encore une origine incertaine du fait de
l'inexistence des traces archéologiques. Cependant la très grande
diversité, la dispersion de la forme sauvage et l'importance de la
culture en Afrique font de ce continent le berceau le plus probable (KAY, 1972)
rapporte par ADAM (1986). En effet, selon VAVILOV (1951) rapporte par IITA
(1982), une zone présentant une diversité maximale pour une
culture donnée est susceptible de devenir le centre de domestication de
l'espèce. C'est ainsi que certains auteurs tel que STEELE (1976)
privilégient l'Ethiopie pour cette origine. D'autres comme FARIS (1965)
cite par SINGH et al (1997) penchent sur l'Afrique de l `ouest. RAWAL (1975),
à travers ses études, a démontré que beaucoup de
formes sauvages, et cultivées de niébé existaient en
Afrique de l'Ouest. Il suggérait alors que le niébé trouve
son
point de départ en Afrique Occidentale et très
vraisemblablement au Nigeria où les espèces sauvages et
adventives abondent dans les savanes et les forets.
2.4.2 Niébé au Niger
Le niébé est aujourd'hui, en superficie, la
deuxième culture pratiquée au Niger après le mil. En
termes de production, ce haricot occupe la troisième position
après le mil et le sorgho. Ses graines représentent une source
importante de protéines : elles en contiennent deux à trois fois
plus que les céréales de base. Le niébé est souvent
utilisé comme une culture intercalaire dans les champs de mil ou de
sorgho, et parfois sur les champs de manioc. On observe même une tendance
à le cultiver en saison sèche dans les bas-fonds ou les
périmètres irrigués. Ces récoltes de contre-saison
offrent l'avantage d'être moins vulnérables aux maladies et aux
attaques d'insectes. Curieusement, le niébé, au Niger, est
surtout une culture commerciale. Selon des études menées par le
CESAO, en 2008, sur la filière niébé au Niger, environ 80%
des 200 000 à 300 000 tonnes récoltés chaque année,
sont exportés vers le Nigéria (seul client). La consommation
intérieure nigérienne ne dépasse probablement pas les 40
000 tonnes. Les agriculteurs s'activent, chaque année, à
accroître leur production. La variété la plus
répandue est le dan-illa, dont le goût sucré est
très apprécié et dont les fanes servent de fourrage pour
les animaux pendant la saison sèche. La plupart des producteurs vendent
au moins les trois quarts de leur récolte de niébé.
Certains en réservent une partie pour la consommation familiale,
d'autres vendent tout ce qu'ils peuvent, ce haricot étant leur
principale source de liquidités depuis que la culture de l'arachide est
devenue impraticable à la fois par manque de pluies et faute de
débouchés à l'exportation. Pendant les bonnes
années de production de céréales, les agriculteurs
utilisent les revenus du niébé pour acheter du bétail, des
vêtements, payer quelques articles de "luxe" et financer les mariages et
autres cérémonies coûteuses. Bien implanté dans les
systèmes de production paysans, le niébé ne s'est pas
aussi bien enraciné dans les habitudes de consommation. Si les ruraux
mangent une partie de leur production (environ15%), les citadins continuent de
bouder le niébé. Les autorités nigériennes
acceptent mal cet état de fait. C'est pourquoi le gouvernement, à
travers l'Association des Femmes du Niger (AFN), a cherché à
promouvoir la consommation du niébé en organisant dans tout le
pays des campagnes de sensibilisation. Celles-ci mettaient en avant les
qualités nutritionnelles du produit. L'objectif affiché par le
gouvernement étant l'autosuffisance alimentaire, certains responsables
pensaient qu'en encourageant la consommation du niébé produit
localement, on allait pouvoir réduire celle d'autres denrées
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importées, notamment le riz. Or, des aliments aussi
différents qu'un haricot et une céréale peuvent être
complémentaires mais certainement pas concurrents. Il n'y a donc aucune
chance que le niébé prenne la place occupée actuellement
par le riz. D'autres facteurs expliquent la faible consommation du
niébé. Pour la plupart des Nigériens de classe moyenne ou
aisée, c'est un aliment pour les pauvres. On trouve en effet en vente
dans les rues et sur les marchés des plats à base de
niébé à des prix défiant toute concurrence. Autre
source de réticence pour certains : les dégagements gazeux
occasionnés par la consommation de ce haricot. Pour vaincre ces
obstacles psychologiques, l'Etat nigérien a investi, au cours de la
dernière décennie, des dizaines de millions de francs dans des
publicités et des concours culinaires. Certains hauts responsables sont
montés eux-mêmes au créneau pour demander aux populations,
dans des discours radiotélévisés, de consommer davantage
de niébé, afin d'"équilibrer la consommation des
productions vivrières nationales". En réalité, le
gouvernement était surtout préoccupé par la
difficulté de commercialiser à l'intérieur du pays les
stocks de niébé collectés chaque année
auprès des paysans par la SONARA (Société
nigérienne de commercialisation de l'arachide), qui détenait
officiellement le monopole de la commercialisation du niébé au
Niger. Quant aux agriculteurs, on comprend qu'ils soient peu sensibles aux
exhortations gouvernementales les incitant à consommer leur
niébé au lieu de le vendre. Surtout s'ils parviennent
eux-mêmes à l'écouler avec profit, directement à
travers l'immense - et très poreuse - frontière (1000 km) qui
sépare le Niger de son grand voisin nigérian.
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