Partie I : Activité reconnue obligatoire à
statuts professionnels différents
Chapitre I) Mission d'intérêt
général reconnue et consacrée par l'obligation de
pilotage
I) La qualification de service public
A) En France
i) Définition du pilotage maritime en droit
Français
En droit Français, c'est au Moyen-âge que les
principes de l'activité de pilotage commencent à être
fixés. Les « Jugements » ou « Rôles d'Oléron
», recueil de lois maritimes datant du XIIème
siècle10, mentionnent déjà le « lodeman
» chargé d'amener les nefs affrétées pour le commerce
« jusqu' au port à sauveté » pour y être
déchargées. Ce lodeman risque la peine de mort en cas de perte du
bateau qu'il conduit. Des dispositions très proches se retrouvent
également dans le « Consulat de la mer », autre recueil de
lois daté du XIIIème siècle. Le XVIème
siècle est marqué par l'apparition de règlements locaux
concernant des ports d'importances comme Dunkerque, Le Havre ou Rouen. A cette
époque, le pilote lamaneur et le pilotes hauturier se confondent
toujours sur le territoire, et ce n'est que plus tard, en 1681, que
l'ordonnance de Colbert11 fera la différence en
précisant les droits, et devoirs de ces deux professionnels. Ce n'est
finalement qu'au début du XIXème siècle que furent
décrites les premières organisations de pilotage par le
décret-loi de Napoléon du 1er du 12 décembre 1806.
Quelle que soit l'époque, le pilote maritime a toujours
suscité les plus grands intérêts des législateurs
Français. La législation actuelle est passée par de
nombreuses chartes ou réglementations successives qui ont finalement
menées les législateurs à promulguer au Journal Officiel,
le 31 mars 1928, la loi sur le « Régime du pilotage dans les eaux
maritimes ».
Ce texte fondamental toujours en vigueur, remplace l'ancien
texte datant du 12 décembre 1806, et est consolidé par le
décret du 19 mai 196912. Selon la loi, « le pilotage
consiste dans l'assistance donnée aux capitaines par un personnel
commissionné par l'État pour la conduite des navires à
l'entrée et à la sortie des ports, dans les ports, rades et eaux
maritimes des fleuves et des canaux ».
10 Ce document, s'inspirant des "Coutumes de la mer
du Levant", a été rédigé à la demande de la
Duchesse Éléonore d'Aquitaine (1122-1204), de retour de Terre
Sainte pour servir de lois maritimes dans le Ponant. Il prit le nom de
Rôles d' Oléron, en l'honneur de l'île alors possession
d'Éléonore et fut complété par son fils Richard
Coeur de Lion. (D'après Clairac, "Us et coutumes de la Mer", Bordeaux,
1661).
11 Ordonnance de Colbert dite Ordonnance de la Marine
du mois d'Août 1681
Ainsi, la tâche du pilote est de concourir par l'aide
qu'il pourvoit au capitaine, à la conduite du navire au passage des
difficultés créées par une arrivée ou un
départ, afin que celui ci termine ou débute son expédition
en toute sécurité.
ii) Une activité qualifiée de service
public de pilotage
L'article 2 de la loi du 28 mars 1928 sur le régime du
pilotage dans les eaux maritimes modifiée par le Décret
n°69-515 du 19 mai 1969 - art.1 dispose que « le capitaine d' un
bâtiment soumis à l'obligation du pilotage est tenu de payer le
pilote, même s' il n'utilise pas ses services, quand celui-ci justifie
qu'il a fait la manoeuvre pour se rendre au-devant du navire ». En France,
l'obligation de pilotage est reprise localement par un arrêté,
définissant ainsi les limites accordées par zone portuaire
considérée13.
Le pilotage obligatoire pourrait être perçu comme
une contrainte pour les armateurs qui se voit obligés d'embarquer un
pilote, et de payer une redevance. Mais la source même de cette
contrainte semble se trouver dans la préoccupation essentielle de
maintien de la sécurité de la navigation en général
et doit être prise dans la sens d'un atout pour la protection du domaine
public maritime et de conservation du littoral.
La mission de service public, qui par définition
devrait être un service organisé dans une intention
d'intérêt général, est confortée par la
jurisprudence et par la qualification de « service public de pilotage
» affirmée en Conseil d'État le 2 juin 197214 :
« Il appartient également à l'autorité
administrative , en vue d'assurer la police de la circulation dans les ports,
et dans la mesure où la sécurité de la circulation
l'exige, de subordonner le droit de circulation des navires dans les ports
à la possession d'un brevet spécial par leur capitaine ou
à l'appel au service public de pilotage ».
12 Auxquelles s'ajoutent des textes internes de
droit maritime : loi du 3 janvier 1969 relative à l'armement et à
la vente des navires/ arrêtés et décrets qui ont
modifiés, et renforcés la réglementation de 1969 :
décret N°706207 du 9 mars 1970 relatif au pilotage des bateaux,
convois et autres engins flottants fluviaux qui effectuent une navigation en
mer, dans les ports et rades et espaces dépendants du domaine public
maritime ou en aval du premier obstacle à la navigation de mer ;
décret N°2000-455 du 25 mai 2000 relatif au régime de
pilotage dans les eaux maritimes ; arrêté du 1er juillet 1999
fixant le montant du cautionnement des pilotes maritimes.
13 Par exemple : Arrêté du 8
août 2008 relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins
fluviaux qui effectuent une navigation dans les limites de la station de
pilotage de Marseille-Fos ou bien Arrêté du 19 septembre 2007
relatif au pilotage des bateaux, convois et autres engins flottants fluviaux
qui effectuent une navigation dans les limites de la station de pilotage du
Havre-Fécamp.
14 CE [sect] 2 juin 1972, REC.CE; p.407, AJDA
1972.II.90, p 646 conclusions de Mr Rougevin-Baville qui lui affecte la
responsabilité de conservation du littoral et de sécurité
maritime
Cette affirmation du Conseil d'État, ne fit que confirmer
l'avis du Commissaire du gouvernement Josse donné en 1949,
déclarant que les pilotes « assurent un service public15
».
La loi française est très claire à ce sujet,
l'article 16 du décret de 1969 qualifiant de tutelle le rapport existant
entre la station de pilotage et l'État français :
« Le fonctionnement des stations de pilotage est
exercé sous la tutelle du ministre des transports. Celui-ci peut imposer
aux stations des règles adaptées du plan comptable
général ».
Plus récemment, Robert Rézenthel qualifiait, en
1988, le pilotage maritime comme « une activité
d'intérêt général16. L'activité,
pourtant très peu connue du grand public, doit donc s'entendre plus
largement, comme une activité menée pour l'intérêt
de tous, et qui profite à la population de manière
bénéfique.
Cette qualification de service public prend racine dans le
fait que les pilotes sont très largement contrôlés par
l'État français, qui les commissionnent. De par la qualité
du concours qui conditionne leur recrutement, de leurs autorisations d'exercer,
nommés ou radiés par le ministère de l'Écologie, de
l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, et au regard de
l'obligation de continuité du service imposée par la loi, les
pilotes sont donc considérés comme des agents du service public
continu de pilotage. Ils collaborent, en ce sens, « à
l'exécution d'un service public sous le contrôle du ministre
chargé des services de la Marine Marchande17».
15 CE 17 juin 1949, Rec. CE, p293
16 Robert Rézenthel, DMF 1988, page 335, Le
Pilotage dans les eaux portuaires.
17 CE, 13 déc.1929, Exbrayat : Rec. CE; p 1113.
Conclusion Josse
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