La privatisation de la sécurité: un dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat( Télécharger le fichier original )par Michaël VISEUX Université Jean Moulin Lyon 3 CLESID - Master 2 Recherche en science politique relations internationales sécurité et défense 2010 |
III. La légitimation de la normeA la lumière de l'approche théorique des Relations Internationales et de la notion de norme, il apparaît que la privatisation de la sécurité et de la sphère de la Défense constitue une évolution inéluctable des Relations Internationales. Ce processus de privatisation ne s'imposera qu'aux Etats qui n'ont pas su ou pas voulu reconnaître son aspect irrémédiable. Initiée dès les années 1960 aux Etats-Unis, la norme du recours aux SMP s'est métamorphosée en norme mondiale. Bien que norme internationale, deux outils de régulations sont envisageables. Ces outils se situent à deux niveaux. A. Niveau interneLe premier niveau de régulation se situe au niveau de la politique interne des Etats. Nous l'avons précédemment, les SMP sont un moyen efficace pour les Etats de mener des actions en marge de la politique officielle. Ces actions sont possibles seulement si des liens de confiances existent entre les sociétés et l'Etat. La privatisation de l'Etat, à notre sens, ne constitue pas le signe du déclin de l'Etat souverain, mais représente le redéploiement de l'Etat dans la sphère privée. Nous assistons simplement à la privatisation de l'Etat. La distinction entre la chose publique et le privé n'est plus aisée. En atteste la présence toujours plus accrue de hauts fonctionnaires à la retraite dans les sphères dirigeantes des entreprises de sécurité privées. Ce phénomène est particulièrement marqué aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Pour que le partenariat public privé soit efficace, il est primordial que les SMP ne soient pas totalement autonomes. C'est pourquoi l'existence du projet Matrix est particulièrement dangereuse pour la souveraineté des Etats. Sur le plan des législations internes, le sénateur Michel Pelchat dresse la liste exhaustive des réglementations nationales relatives à l'activité mercenaire81. Ainsi, les Etats-Unis ont élaboré le U.S. Neutrality Act de 1937, l'Afrique du Sud, le Regulation of Foreign Military Assistance Act en 1998, les Britanniques le Foreign Entlistment Act de 1870. A ces nations s'ajoutent le Portugal, la Suisse, la Belgique, l'Australie, la Russie, l'Ukraine, l'Allemagne et la France. 81 Rapport n°142, session 2002-2003, fait au nom de la commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaires, p. 11-13. B. Niveau internationalLe second type de régulation intervient au niveau international. Selon Jean-Jacques Roche, les Nations-Unies envisagent le recours aux SMP pour des déploiements rapides82. Cette option pose évidemment la question délicate du cadre juridique à imposer aux SMP. Ainsi, le Secrétariat Général des Nations-Unies (SGNU) pourrait prochainement être à l'origine d'un code de régulation des SMP. Cette initiative du SGNU est à mettre en relation avec la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, adoptée le 4 décembre 198983. Outre le contenu de ce texte symbolique, le nombre de pays signataires est significatif de l'intérêt porté au caractère légal du mercenariat entrepreuneurial. A ce jour, près de cinquante Etats ont signé cette convention. Ces deux initiatives participent à la régulation du marché de la guerre et répondent également au souhait des néo entrepreneurs de se détacher de l'étiquette douteuse qui caractérisait les anciens mercenaires. Ainsi nous pouvons citer l'existence de plusieurs « syndicats » de SMP. Les firmes de sécurité, soucieuses d'améliorer leur image auprès de l'opinion publique internationale et des gouvernements, se sont regroupées en associations professionnelles dont la principale mission est « de faire du lobbying auprès des responsables politiques et des dirigeants des organisations internationales84. Parmi ces syndicats, l'International Peace Operations Association (IPOA) est le plus significatif. Regroupant une quarantaine de SMP américaines, l'IPOA s'est doté d'un Code de Conduite, qui vise à rassurer les gouvernements. Les membres s'engagent à respecter l'éthique et les valeurs fondamentales des Droits de l'Homme. Toutefois, les contrevenants à ces règles n'encourent aucune sanction. Le code de conduite de l'IPOA est reporté intégralement en annexe 2. 82 ROCHE JJ, « Insécurité Publiques, Sécurité Privée - Essais sur les nouveaux mercenaires » 83 Texte visible dans son intégralité le 20 juillet 2011 à l'adresse : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi 0066-3085 1990 num 36 1 2978 84 ROSI, J-D, Ibid. p.211-212. |
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