La privatisation de la sécurité: un dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat( Télécharger le fichier original )par Michaël VISEUX Université Jean Moulin Lyon 3 CLESID - Master 2 Recherche en science politique relations internationales sécurité et défense 2010 |
IV. La mutation du phénomène belliqueuxEn guise de conclusion de cette partie dédiée à l'étude des causes possibles du phénomène de privatisation, nous voudrions développer une dernière approche. Il s'agit de l'asymétrie des nouveaux conflits. A. L'asymétrie des conflits actuelsLe monde depuis l'effondrement du bloc soviétique a profondément changé. En outre, le visage de la guerre s'est métamorphosé. La norme ancienne d'affrontements symétriques entre deux grandes puissances industrielles, aux armées développées, à laisser place à des luttes asymétriques. Cette asymétrie constatée dès le début des années 1990 s'est fortement accentuée après les attentats du 11 septembre 2001. Ceux-ci ont révélé à l'opinion publique internationale une nouvelle forme de menace, transfrontalière cette fois : le terrorisme mondial. Souvent qualifié de combat théorique, le jihad
global encouragé par les fondamentalistes 59 ROSI, J-D, Ibid. p.169. 60 Comité pour la réforme et l'innovation administrative, « La stratégie ministérielle de réforme. Bilan et perspectives », nov. 2006, disponible le XX août à l'adresse http://www.defense.gouv.fr/sga/layout/set/popup/content/download/46275/459986/file/smr 2006 smr 2006.pdf pour la plupart sous l'égide de la nébuleuse Al Qaïda, ces groupes terroristes monopolisent sans relâche, et de manière toujours plus accrues, les services de renseignements et les forces armées. Ainsi, cette nouvelle forme de conflictualité phagocyte largement les effectifs et les moyens militaires actuels. A ce paramètre, il convient d'ajouter la débellicisation croissante des nations occidentales, pour qui la guerre, faute de la connaître sur son sol, de la voir dans ses villes et ses rues, est devenue lointaine. B. Evolution des critères de sécuritéEn outre, les critères de sécurité voulus par les décideurs politiques et exigés par les opinions publiques tendent à s'élargir. Comme le souligne Jean-Jacques Roche, « quand le maintien de la paix se transforme en maintien de l'ordre, il devient évident que la distinction entre sécurité et défense s'estompe et que les pratiques couramment admises en matière de sécurité intérieure (vigiles, détectives, transport de fonds, ...) diffusent dans les activités extérieures61. » La privatisation permet alors d'apporter des solutions, grâce à des moyens adaptés, à des problèmes nouveaux de sécurité intérieure, non rencontrés jusqu'alors. Enfin, le nouveau concept de « sécurité globale » exige que les gouvernements apportent une réponse adaptée et mesurée. Car la sécurité ne concerne plus que le militaire, elle englobe d'autres aspects tels que l'économie, l'environnement et les droits de l'homme. Ainsi, comme le souligne Roche, la fourniture de solutions alternatives devient une priorité. En ce sens, les SMP sont encouragées à développer leurs services. Cette partie aborde le phénomène de privatisation en explicitant les différentes approches de l'émergence de cette norme. Ces approches sont économiques, politiques et opérationnelles. Toutefois, la délégation des Etats participe au processus classique de diffusion d'une norme. La norme est créée dans un pays, puis reprise par d'autres Etats qui les font adopter par leurs opinions publiques nationales. La logique de privatisation de la force s'inscrit pleinement, à notre sens, dans le cycle des normes tel qu'énoncé par Martha Finnemore et Kathryn Sikkink. En outre, la question de la privatisation de la sécurité trouve sa légitimité à travers les travaux de Yves Schemeil et Wolf-Dieter Eberwein. 61 ROCHE Jean-Jacques, « Privatisation de la sécurité ou les nouveaux mercenaires », Les rendez-vous du CHEar, février 2008, pp. 6-7. |
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