II. Approche politique et sociétale
Outre l'avantage économique que le recours au
privé peut engendrer à court terme, la privatisation
présente un coût politique certain. Le sujet de la privatisation
est pourtant très peu discuté en France, alors qu'outre
Atlantique ou au Royaume-Uni, le sujet fait débat. Le gouvernement
britannique a d'ailleurs placé la question de la privatisation au centre
de son green paper, équivalent du livre blanc français.
Le rapport parlementaire britannique met l'accent sur les enjeux du recours au
privé, sur les avantages et les inconvénients de l'apparition de
civils au milieu du champ de bataille mais aussi sur les moyens possibles de
réguler l'action des SMP et de limiter leur pouvoir de nuisance.
En acceptant ouvertement le débat, le gouvernement
britannique se déclare partisan d'une privatisation préalablement
réfléchie.
A. Flexibilité et discrétion
Les enjeux politiques de l'emploi des SMP sont bien réels
et les avantages certains.
Comme le souligne Deborah Avant : « si vous envoyez
des soldats, quelqu'un le saura ; s'il s'agit d'une entreprise privée,
quasiment personne. » La grande flexibilité et la
discrétion dont peuvent faire preuve des « conseillers en civils
» constituent un atout majeur pour les Etats désireux d'agir en
toute discrétion.
Nous pouvons citer comme exemple révélateur de
ce phénomène l'action de la société MPRI dans les
Balkans. Envoyée à la demande du Pentagone, la
société américaine s'est mue en relais de la politique
étrangère des Etats-Unis dans cette zone fragile de l'Europe. Les
EtatsUnis, grâce aux conseillers civils américains de la
société, ont pu ainsi imposer leur volonté de
manière douce et non visible, sans pour autant déchaîner la
colère de Moscou. Plutôt que l'intervention directe de troupes
régulières, les Etats-Unis ont opté pour une approche plus
douce, qui pourrait véritablement être qualifiée de
sournoise par les détracteurs des SMP.
Bien que régulièrement citée par les
chercheurs intéressés par le sujet de la privatisation, la
citation d'Olivier Hubac est caractéristique du phénomène.
Selon lui, les sociétés militaires privées «
constituent une force d'appoint en politique étrangère qui
permet d'intervenir en sous-main. En cas de dérapage, il sera d'ailleurs
plus facile pour l'Etat de nier les faits56. »
56 Olivier HUBAC, « L'essor du mercenariat entrepreneurial
», « Mercenaires et polices privées : la privatisation de
la violence armée », Manchecourt, édition Universalis,
Le tour du sujet, 2005, p.40.
Pour un Etat, employer des SMP permet de mener des actions en
marge de la politique officielle du pays. De fait, ces sociétés
privées permettent de conserver un des grands principes de la guerre,
exprimé par Foch, à savoir conserver une large liberté
d'action.
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