CHAPITRE Deuxième : LES ACTIONS CONCRETES DE LA
COALITION NATIONALE CONGOLAISE AUX POURSUITES DES AUTEURS DES CRIMES
INTERNATIONAUX
Section 1. LE CADRE D'INTERVENTION DE LA COALITION
NATIONALE POUR LA CPI EN RDC
Il faut d'emblée préciser que Les organisations
non gouvernementales (ONG), dont la FIDH, regroupées au sein de la
Coalition internationale pour la CPI (CCPI), ont activement suivi les
négociations du Statut et participé à la mise en place de
la Cour. Elles ont mené des campagnes régionales et nationales
visant la ratification et la mise en oeuvre du statut en droit interne. Ainsi,
la FIDH a, par exemple, directement participé à la
création de coalitions nationales et régionales d'ONG (par
exemple en France, au Maroc, au Sénégal, etc.). Le processus de
ratification fut particulièrement complexe : nombre de réformes
constitutionnelles ont été nécessaires, permettant
l'adhésion à un instrument qui proposait, entre autre
l'abrogation du principe d'immunité de représentants d'Etats pour
les crimes les plus graves, la soumission à une instance
supérieure pour les crimes commis sur le territoire d'Etats souverains
et l'imprescriptibilité des crimes de la compétence de la
Cour28.
En République Démocratique du Congo, plusieurs
Organisations Non Gouvernementales interviennent dans le cadre de droits de
l'homme, ne cessent de dénoncer les violations massives de droits de
l'homme, qui par ailleurs constituent des crimes relevant de la
compétence de la CPI. Ces organisations non gouvernementales
réagissent à travers leur structure dénommée «
Coalition Nationale pour la Cour Pénale Internationale ».
Cette coalition intervient dans le cadre des activités
de la Cour pénale internationale, qui s'inscrit dans la logique de la
prévention et de la répression des crimes internationaux.
Etant donné que les preuves de l'enquête doivent
être suffisantes pour permettre l'ouverture d'une procédure
juridictionnelle en vue de poursuivre les auteurs d'atteintes graves aux
droits de l'homme et éventuellement l'assistance juridique à
28 FIDH- CPI, « les premières
années de la cour pénale internationale », P.6
apporter aux victimes, voire les témoins des violations
commises29, les Organisations Non gouvernementales qui s'impliquent
davantage sur les questions relatives aux violations des droits de l'homme
peuvent, également aider la cour en lui apportant des informations en
rapport avec les crimes commis, les auteurs et les victimes.
Section 2. LES ENQUETES DE LA CPI EN RDC
Il s'avère aussi important de placer un mot sur les
enquêtes de la CPI avant même
d'aborder le point relatif aux actions concrètes de la
Coalition Nationale Congolaise pour la CPI, par ce que nous estimons, de notre
part, que si les enquêtes de la CPI ont été effectives en
RDC, c'est puisque les ONG (la Coalition Nationale pour la CPI en RDC) ont
également donné leur appui.
Avant d'y parvenir, il importe de rappeler qu'il y a trois
façons par lesquelles la CPI peut commencer une enquête:
Un Etat partie au Statut de Rome peut déférer une
situation au Procureur de la cour pénale internationale (art.13 a);
le Conseil de sécurité peut saisir le procureur
d'une affaire (art.13 b)
le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre
initiative en se fondant sur les informations crédibles en sa possession
(art.13 c). Ces informations peuvent provenir d'un Etat, des ONG, des victimes
ou de toute autre source.
Un Etat partie peut déférer une situation
au procureur
Dans les situations où un Etat partie a
déféré au Procureur, celui-ci doit vérifier si
la
Situation déférée est recevable en vertu
des critères du Statut de Rome et si des crimes tombant sous la
compétence de la CPI ont été commis. Si ces
critères sont satisfaits, le Procureur doit lancer une enquête
pour déterminer quelles sont les personnes qui portent la
responsabilité des crimes commis.
29 Amnesty international, surveiller et enquêter
les violations des droits humains dans un contexte de conflit armé,
CODESRIA, 2002, P28
Le procureur peut ouvrir une enquête de sa propre
initiative (art. 15, al.1 et suivant)
Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre
initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la
compétence de la Cour. Il vérifie le sérieux des
renseignements reçus. A cette fin, il peut rechercher des renseignements
supplémentaires auprès d'États, d'organes de
l'Organisation des Nations Unies, d'organisations intergouvernementales et non
gouvernementales, ou d'autres sources dignes de foi qu'il juge
appropriées, et recueillir des dépositions écrites ou
orales au siège de la Cour.
La CPI fut créée afin de compléter les
systèmes judiciaires nationaux existants. En effet, les affaires ne
peuvent être examinées par la CPI que lorsque les instances
nationales se sont montrées incapables ou n'ont pas souhaitées
enquêter ou poursuivre les auteurs des crimes internationaux relevant de
la compétence de la CPI. Elle agit ainsi « en dernier recours
» et la responsabilité première de poursuivre en justice les
criminels avérés revient aux États
individuellement.30
Lorsque la cour réalise qu'il y a eu gravité des
crimes et le degré de responsabilité individuelle de son auteur.
Elle donnera sans doute la priorité aux personnes accusées des
crimes les plus graves et qui sont soupçonnées d'être
directement responsables de ces crimes.
Dans les situations où le Procureur décide de
son propre chef d'engager l'action sans intervention d'un Etat partie, il
mène l'examen préliminaire, puis il présente à la
Chambre préliminaire une demande formelle d'autorisation pour ouvrir une
enquête. Il revient donc à dire que lorsque le Procureur de la CPI
a décidé de sa propre initiative d'ouvrir une enquête, la
décision de l'ouverture des poursuites appartient à la chambre
préliminaire sur base des conclusions d'une enquête
préalable menée par le Procureur. Si cette chambre décide,
au vu des éléments recueillis que « l'ouverture d'une
enquête se justifie et que l'affaire semble relever de la
compétence de la CPI »,
http://www.cfcpi.fr/spip.php?article
le 12 Avril 2012 à 13h 45'
en vertu de l'article 15 du statut de Rome, elle délivre
au Procureur une autorisation d'enquete.31
Contrairement à d'autres tribunaux pénaux
internationaux, notamment le TPIR et le TPIY, conformément aux articles
17 du Statut du TPIR et 18 du Statut du TPIY, c'est le procureur seul qui
décide de l'ouverture des poursuites ainsi que de leur
opportunité. Il peut, à cet effet, tenir compte de «
renseignements obtenus de toute source, y compris des Agences de l'ONU, des
gouvernements, des organisations Non Gouvernementales, ce qui n'exclut pas a
priori les communications des particuliers qui ne disposent pas de
mécanisme de constitution de partie civile.32
En outre, le conseil de sécurité peut aussi saisir
la cour pénale internationale dans le cadre du chapitre VII.
Une fois saisi, le Procureur examine en particulier si le
principe de complémentarité s'applique et si la gravité
des crimes justifie l'ouverture d'une enquête.
La CPI est complémentaire des juridictions nationales :
elle mène des enquêtes et des poursuites seulement lorsque les
autorités nationales n'ont pas la volonté ou la capacité
de le faire.
Déterminons alors, dans les lignes qui suivent,
certains Critères qui déterminent le manque de volonté ou
l'incapacité d'un Etat dans les enquêtes concernant les crimes
relevant de la compétence de la cour pénale
internationale33:
1. les critères déterminant le manque de
volonté d'un Etat :
a) Procédure engagée ou décision prise dans
le dessein de soustraire la personne concernée à sa
responsabilité pénale ;
b) Retard injustifié incompatible avec l'intention de
traduire en justice la personne concernée ;
31 H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, «
Droit Internationale Pénale », Paris, Ed. A.PEDONE, 2000,
P.750
32 Idem.
33 FIDH-CPI, « les premières
enquêtes de la Cour Pénale Internationale », Mars 2002,
mise à jour en Décembre 2009, P.8
c) Procédure menée de manière non
indépendante ni impartiale, incompatible avec l'intention de traduire en
justice la personne concernée.
2. Critères déterminant l'incapacité
:
Effondrement de la totalité ou d'une partie
substantielle de l'appareil judiciaire de l'Etat concerné ou
indisponibilité de celui-ci, rendant impossible l'appréhension de
l'accusé, la récolte d'éléments de preuve ou
affectant autrement le déroulement de la procédure.
Par ailleurs, après avoir démontré,
précédemment, quelles sont les hypothèses dans lesquelles
la cour pénale internationale peut commencer à ouvrir ses
enquêtes, nous pouvons indiquer que quatre situations, à l'heure
actuelle ont déjà fait l'objet des enquêtes en
République Démocratique du Congo. Autrement dit, quatre mandats
d'arrête ont été déjà lancés contre
les personnes ci-après en RDC :
1) Thomas Lubanga Dyilo, Président de l'Union des
Patriotes Congolais (UPC) et commandant en chef des Forces patriotiques pour la
libération du Congo (FPLC).
Ce mandat a été lancé le 10
février 2006 et rendu public le 17 mars 2006). Thomas Lubanga est
détenu au centre de détention de la CPI à La Haye depuis
le 17 mars 2006. En effet, Thomas Lubanga Dyilo a été la
première personne arrêtée et transférée
à La Haye pour y être jugée par la Cour pénale
internationale (CPI). Il était le président de l'Union des
Patriotes Congolais (UPC), un groupe armé brutal prétendant agir
au nom de la population appartenant à l'ethnie Hema en Ituri, une
région du nord-est de la RDC. L'UPC a été impliquée
dans de nombreuses atteintes graves aux droits humains, notamment des massacres
perpétrés contre d'autres groupes ethniques, des
exécutions sommaires, des actes de torture, des viols,
l'enlèvement et l'utilisation d'enfants comme soldats, et des
pillages.
La CPI a mis Lubanga en accusation pour des crimes de guerre,
enrôlement et de conscription d'enfants et leur utilisation active dans
des hostilités en 2002-2003 en Ituri. Les charges pesant contre Lubanga
ont été confirmées en janvier 2007, et son procès
s'est ouvert devant la Chambre de première instance 1 de la CPI en
janvier 2009.
2) Germain Katanga, Commandant de la Force de
résistance patriotique en Ituri (FRPI), son mandat d'arrêt a
été lancé le 2 juillet 2007 et rendu public le 18 octobre
2007. Germain Katanga est détenu au centre de la CPI depuis le 18
octobre 2007.
3) Mathieu Ngudjolo Chui, ancien dirigeant du Front des
nationalistes et intégrationnistes (FNI) et Colonel des FARDC, son
mandat a été lancé le 6 juillet 2007 et rendu public le 7
février 2008. Mathieu Ngudjolo Chui est détenu depuis le 7
février 2008.
Mathieu Ngudjolo Chui est la troisième personne
à avoir été arrêtée et
transférée au quartier pénitentiaire de la Cour
pénale internationale (CPI) à la Haye. Il doit répondre de
trois chefs d'accusation pour crimes contre l'humanité (meurtre, viol,
et esclavage sexuel) et de six chefs d'accusation pour crimes de guerre
(utilisation d'enfants de moins de quinze ans pour prendre une part active
à des hostilités, attaques dirigée contre des civils,
homicide volontaire, destruction de propriété, pillage, esclavage
sexuel, et viol) qui auraient été commis à Bogoro (Ituri)
à l'est de la RDC, de janvier à mars 2003. L'arrestation de
Mathieu Ngudjolo Chui et sa remise à la Cour revêtent une
importance particulière pour le Bureau du Procureur car elles marquent
l'ouverture de la deuxième phase des enquêtes en République
démocratique du Congo (RDC) qui seront désormais menées en
dehors du district de l'Ituri. De surcroît, en termes de
coopération internationale, cet événement
représente une étape majeure car il est la preuve que le
système instauré par le Statut de Rome pour lutter contre
l'impunité est aujourd'hui bien compris et qu'il bénéficie
d'un large soutien, dans la mesure où les pires criminels du monde font
l'objet d'enquêtes et de poursuites et sont exclus de la scène
politique.34
La Chambre préliminaire I a décidé le 10
mars 2008 de joindre les affaires Katanga et Ngudjolo au motif qu'ils sont
conjointement poursuivi pour leur participation criminelle aux mêmes
faits, décrits dans leurs mandats d'arrêt respectifs.
Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui sont tous deux
poursuivis, en tant que coauteurs, pour des crimes qui auraient
été commis durant et après l'attaque du 24 février
2003 menée conjointement par la Force de résistance patriotique
en Ituri (FRPI) et le Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI)
contre le village de Bogoro, en Ituri.
34Rapport de la CPI, la lettre de la CPI,
publié en Mars 2008, P2.
La Défense de Mathieu Ngudjolo Chui a demandé,
le 17 mars, à la Chambre préliminaire I l'autorisation de faire
appel de cette décision de jonction, au motif que la Chambre
préliminaire n'est pas compétente pour en décider, une
telle décision devant relever de la Chambre de première instance.
Selon la Défense l'interprétation faite par la Chambre
préliminaire I de l'article 64(5) du Statut de Rome, n'est pas conforme
au principe de la légalité. Cet article stipule : « la
Chambre de première instance peut, en le notifiant aux parties, ordonner
la jonction ou la disjonction, selon le cas, des charges portées contre
plusieurs accusés ».
Enfin, le quatrième mandat d'arrêt lancé
le 26 Aoüt 2006, mais rendu public le 28 Avril 2008, concerne
Bosco Ntaganda, ancien allié de Thomas Lubanga en tant
que chef adjoint de l'état major des Forces patriotiques pour la
libération du Congo. Il est poursuivi pour les mêmes charges que
Thomas Lubanga. Le premier mandat lui avait été
délivré par la CPI en 2006 pour enrôlement d'enfants
soldats en 2002- 2003 quand il était dans la milice de Thomas Lubanga,
condamné en Juillet 2012, à une peine de 14 ans de prison par la
CPI.
Et actuellement, un deuxième mandat vient d'être
lancé contre lui. Le processus de son arrestation est en cours pour
qu'il soit encheminé à la cour pénale internationale. Il
faut rappeler qu'en date du 13 Juillet 2012, la Chambre préliminaire II
de la CPI a délivré un nouveau mandat d'arrêt à l'en
contre de Bosco Ntaganda, suite à la demande du Procureur de la CPI
soumise le 14 Mai 2012. Il est soupçonné des crimes contre
l'humanité, notamment les meurtres les viols ainsi que des crimes de
guerre.
Bosco Ntaganda est sous le coup d'un mandat d'arrêt de
la CPI depuis 2006 pour crimes de guerre, pour avoir recruté et
utilisé des enfants soldats en 2002 et 2003 dans le district d'Ituri,
dans le nord-est de la RD Congo. En juillet, la Cour a émis un second
mandat contre lui pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en
l'occurrence des meurtres, des persécutions pour motifs ethniques, des
viols, de l'esclavage sexuel, et des pillages, également en rapport avec
ses activités en Ituri. La CPI a renouvelé sa demande au
gouvernement congolais d'une arrestation immédiate de Ntaganda et de son
transfert à La Haye. Human Rights Watch a documenté de nombreux
crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par les troupes
commandées par Ntaganda depuis son passage de l'Ituri au Nord-Kivu en
2006.
Selon des recherches effectuées par les
enquêteurs de l'ONU en matière de droits humains et par Human
Rights Watch, le colonel Makenga est responsable de recrutement d'enfants et de
plusieurs massacres commis dans l'est de la RD Congo; le colonel Innocent
Zimurinda est responsable de massacres à caractère ethnique
à Kiwanja, à Shalio et à Buramba, ainsi que de viols, de
tortures et du recrutement d'enfants; le colonel Baudouin Ngaruye est
responsable d'un massacre à Shalio, du recrutement d'enfants, de viols
et d'autres attaques contre des civils; et le colonel Innocent Kayna est
responsable de massacres à caractère ethnique en Ituri et du
recrutement d'enfants.
Ntaganda et Zimurinda figurent également tous deux sur
une liste de personnes sous le coup de sanctions du Conseil de
sécurité des Nations Unies. Sous ce régime de sanctions de
l'ONU, tous les États membres, y compris le Rwanda, ont l'obligation de
« prendre les mesures nécessaires pour empêcher
l'entrée ou le transit sur leur territoire de toute personne »
figurant sur cette liste. Or Ntaganda et Zimurinda se sont tous deux rendus au
Rwanda depuis avril, selon des informations données à Human
Rights Watch par d'anciens combattants du M23 qui accompagnaient Ntaganda et
des personnes qui étaient présentes lors de réunions
auxquelles Zimurinda a participé au Rwanda.
Publiquement, le M23 soutient que Ntaganda n'appartient pas au
mouvement. Mais plusieurs dizaines de combattants, anciens ou actuels, du M23
et d'autres personnes proches de la hiérarchie du groupe ont
affirmé à Human Rights Watch que Ntaganda jouait un rôle
important de commandement et de direction au sein des rebelles du M23,
opérant principalement dans la région de Runyoni, et qu'il
participait régulièrement à des réunions avec le
haut commandement du M23 et des officiers de l'armée rwandaise.
Les mêmes personnes ont indiqué à Human
Rights Watch qu'il existait des tensions entre Ntaganda et Makenga en raison de
désaccords passés au sujet du putsch mené en 2009 par
Ntaganda contre le dirigeant du CNDP de l'époque, Laurent Nkunda. Mais
ces divergences, ont-elles affirmé, ont été mises de
côté pour se concentrer sur la rébellion contre
l'armée congolaise. Un combattant du M23 a ainsi expliqué la
situation à Human Rights Watch:
« Beaucoup d'entre nous ont de mauvais souvenirs de
Ntaganda. .mais nous devons nous occuper en priorité de la guerre contre
les FARDC [l'armée congolaise]. La guerre contre Ntaganda viendra
après».
Depuis juillet, Ntaganda semble avoir adopté un profil
bas et, selon des membres du M23 qui ont fait défection
interrogés par Human Rights Watch, il bénéficie d'une
protection rapprochée avec des dizaines de gardes du
corps35.
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