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Valorisation de la médecine traditionnelle en contexte africain: expérience de "la maison de la feuille " à  Porto Novo au Bénin

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par Daleb Abdoulaye Alfa
Université d'Abomey-Calavi (Bénin ) - Maitrise 2011
  

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PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE

ET METHODOLOGIQUE

CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

Dans ce chapitre consacré au cadre théorique, nous avons présenté, la problématique (le problème, les hypothèses, les objectifs de la recherche), le cadre conceptuel, la délimitation du champ de l'étude, la justification du choix du sujet, la construction de l'objet, le modèle d'analyse et la présentation du cadre de l'étude

1. Problème

"Aujourd'hui en Afrique, la médecine traditionnelle n'est pas une alternative à la médecine conventionnelle. Elle constitue la principale source de soins médicaux face aux besoins croissants de la population et aux nombreux défis auxquels les systèmes de santé sont confrontés et qui se caractérisent par la faible performance des services préventifs et curatifs, le coût élevé des prestations dans les établissements hospitaliers, la forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur en matière d'approvisionnement en médicaments essentiels, l'insuffisance du personnel, les pesanteurs socioculturelles relatives à la perception, la prise en charge et la prévention des maladies, etc." (Houngnihin, 2009, p.5).

Les études sur les médecines traditionnelles sont très nombreuses. Elles sont menées par des disciplines scientifiques diverses. Cependant, les études de type pharmacologique ou ethno- pharmacologique sont des plus répandues. Il s'agit en fait, dans le cadre de ces investigations, non seulement de répertorier, classer les produits de la pharmacopée, mais aussi, de découvrir les substances actives contenues dans ces produits. C'est dans ce registre qu'il faut ranger par exemple, la présentation faite par De Souza (1994) de quelques produits réputés de la médecine traditionnelle béninoise, choisis sur les étalages du marché de Cotonou, mais aussi, les travaux de Hodouto (1992), qui préconisent la nécessité de rédiger un guide pour l'étude chimique systématique des plantes médicinales.

Il est toutefois important de noter que les approches pharmacologiques de la médecine traditionnelle font l'objet de vives critiques de la part d'auteurs, qui regrettent que ce soit "généralement sur une base pharmacologique que l'on fait reposer habituellement, les fondements de la médecine traditionnelle" (Sillans et Gollnhoffer, 1975, p.285). En effet, les études pharmacologiques, malgré l'intérêt qu'elles présentent, en permettant d'expliquer l'efficacité biologique de certaines plantes médicinales, à travers une mise en évidence de leurs propriétés chimiques et leurs rôles pharmacodynamiques, ne nous semblent pas suffisantes pour une appréhension adéquate de la médecine traditionnelle.

En amputant à la pharmacopée sa dimension culturelle, les analystes en pharmacologie en ont donné une conception réductionniste. La médecine traditionnelle, dans cette perspective, est isolée, détachée de son environnement social et culturel qui lui donne sens et légitimité. On ne peut comprendre la médecine traditionnelle sans s'intéresser à ses guérisseurs, ses patients, leurs croyances, leurs savoirs et leurs visions du monde, bref, sa dimension culturelle. "Cette dimension qui consiste, d'une part, dans le rituel qui précède et accompagne la récolte, la préparation et l'administration des remèdes ; et d'autre part, dans les conditions d'efficacité de ceux-ci, essentiellement liées au mode de classification des affections qui n'est pas nécessairement fondé sur les catégories cliniques observables" (Sillans et Gollnhoffer, 1975, p.285), est incontournable pour une approche de la tradithérapie.

La dimension socio-culturelle de la médecine traditionnelle, est cependant prise en compte et même mise en avant par la perspective anthropologique. En effet, presque toutes les approches anthropologiques, convergent dans la spécification de la médecine traditionnelle par sa propension à rechercher l'étiologie de la maladie dans l'environnement familial ou dans les rapports entre le malade et les divinités.

Ainsi, la maladie mentale, "est considérée soit comme l'oeuvre d'un homme, soit d'un esprit" (Ahyi, 1994, p.203). Dans la même dynamique, Fainzang (1982, p. 415) écrit que "tant dans sa phase diagnostique que dans sa phase thérapeutique, la cure fonctionne comme mythe". La littérature anthropologique, promeut donc dans l'ensemble, une vision des médecines en Afrique comme réalité ancrée dans le symbolisme, le magico-religieux, le social.

Toutefois, signalons que les lectures d'orientation anthropologique de la tradithérapie comportent aussi les insuffisances. D'abord, la médecine traditionnelle n'est pas seulement affaire de rituels, d'incantations et de divinations. C'est aussi des pratiques empiriques. Fainzang (1982, p.419), reconnaît ainsi qu'au niveau de la tradithérapie, "le rationnel n'est pas donné comme tel, isolément, il s'appuie sur le sacré, le mythe". Cette conception qui consiste donc à confiner la médecine traditionnelle dans une mentalité magico religieuse est à récuser.

Notons aussi que la recherche des causes sociales de la maladie n'est pas une caractéristique déterminante pour spécifier la médecine traditionnelle. En effet, comme le montre l'anthropologue Auge (1983, p.23), même dans les sociétés industrielles, occidentales, "la maladie est imputée à la société agressive par l'intermédiaire d'un mode de vie malsain imposé à l'individu".

On pourrait aussi reprocher aux anthropologues, d'avoir sous-estimé " l'importance accordée par les sociétés africaines au maintien de la santé (et non à l'interprétation des maladies déclarées, qui aurait davantage retenu l'attention des anthropologues)"(Auge et Herzlich, 1983, p.18).

Ce rappel du point de vue historique, adressé à l'analyse anthropologique, nous semble heuristique.

Dans la perspective de recherche qui est la nôtre, il semble impératif de ne plus considérer la médecine traditionnelle comme une réalité statique pour la

comprendre. La médecine traditionnelle étant une réalité qui évolue, se transforme, s'adapte, il nous semble nécessaire d'orienter la réflexion vers une approche dynamique de la tradithérapie. Cela est d'autant plus vrai que Balandier (1982, p.6), montre que "les agencements culturels ne peuvent être appréhendés sous le seul aspect des principes qui les régissent et de leur existence "formelle" ; ils ne prennent leur pleine signification que s'ils sont rapportés aux mouvements et conjonctures historiques qui les façonnent et les affectent".

"La période précoloniale est caractérisée par l'utilisation systématique et généralisée de la médecine et la pharmacopée traditionnelles africaines. Les praticiens de la médecine traditionnelle, en raison de leurs compétences et de leurs rôles constituent le premier recours de soins, rendant leur situation enviable des autres couches sociales"(Houngnihin, 2011, p.18). Mais avec la colonisation que les pays africains ont connu, la tendance a changé. Cette colonisation s'est accompagnée d'une pénétration de la culture occidentale en Afrique, mais aussi, de l'implantation d'une médecine d'origine occidentale. La médecine traditionnelle coexiste donc avec une médecine dite moderne depuis longtemps. Cette coexistence ne peut plus être ignorée dans une étude de la tradithérapie.

Avec la décolonisation, les nouveaux Etats africains indépendants se sont lancés dans une entreprise de "modernisation" de tous les secteurs de la société. Le domaine de la santé n'y a pas échappé. Pourtant, la médecine traditionnelle continue d'être pratiquée, malgré cette "modernisation", cette occidentalisation des sociétés africaines. Il semble donc nécessaire de replacer la médecine traditionnelle dans son contexte actuel pour la comprendre. Dans cette perspective, les questions suivantes pourraient être formulées : comment la médecine traditionnelle coexiste-t-elle avec la médecine moderne? Pourquoi la tradithérapie continue-t-elle à séduire de larges couches des populations africaines en ville comme en milieu rural ? Dans quelles conditions la médecine traditionnelle peut-elle s'épanouir dans un environnement de plus en plus imprégné d'une logique scientifique essentiellement d'origine occidentale.

Ces questions incontournables posent en fait le problème des rapports entre la tradithérapie et les dynamiques interculturelles auxquelles nos sociétés sont confrontées avec la "modernisation".

Il s'ensuit que les rapports entre la médecine traditionnelle et les dynamiques interculturelles sont assez importants pour constituer un problème pertinent de recherche.

Il convient également de préciser qu'il existe plusieurs niveaux où on peut saisir l'importance de la dynamique interculturelle dans la compréhension de la situation actuelle de la tradithérapie au Benin. D'abord, soulignons que de plus en plus des guérisseurs adoptent les signes de la modernité. Comme le montre C. Moretti (1983, p.208), "dans les zones péri - urbaines africaines, les "nouveaux guérisseurs" selon l'expression de F. Hagen-boucher, soignent leur apparence d'une manière moderne qui ne "laisse" pas d'impressionner la clientèle: blouse blanche, l'emploi d'un vocabulaire pseudo - médical renforce leur statut de chercheurs en médecine traditionnelle, injustement ignorés selon eux des milieux institutionnels".

De plus en plus la médecine traditionnelle est aussi pensée comme complémentaire à la médecine hospitalière. Dans cette perspective, Gruenais (1985, p.196) pense que "les tradipraticiens permettraient ainsi de pallier les carences du système de santé dans les zones reculées, d'autant mieux qu'ils présenteraient l'avantage d'une bonne insertion dans leur milieu et de proposer des soins à faible coût".

La dynamique sur le terrain se manifeste depuis longtemps par l'intérêt porté par de nombreuses organisations de la médecine traditionnelle béninoise. Ainsi, le 13 décembre 2007, Monsieur Philibert Cossi Dossou-Yovo ouvrait à Porto- Novo `'la maison de la feuille'' qui est un Centre Laïc de Traitement des Maladies par la Méthode Traditionnelle de nos Ancêtres (CLTMMTA).

Cet hôpital traditionnel constitue notre champ d'investigation dans le cadre de ce travail. Cependant, signalons que ce centre présente une certaine spécificité. Certaines règles, normes, principes qui guident le fonctionnement du centre sont dans l'ensemble similaires à ceux des hôpitaux dits modernes. C'est ce type de fonctionnement et les pratiques thérapeutiques dans le centre que nous qualifions de valorisation de la médecine traditionnelle.

Cette valorisation de la tradithérapie constitue donc notre problème spécifique de recherche. La valorisation manifeste clairement à notre avis les dynamiques interculturelles à l'oeuvre au niveau de la médecine traditionnelle. En effet, à `'la maison de la feuille'', des guérisseurs pratiquant la tradithérapie travaillent en collaboration, en coordination, avec des administrateurs et agents de service ayant reçu une formation de type occidental, pour certains du moins.

Cette valorisation introduit non seulement une certaine forme d'organisation de la médecine traditionnelle mais aussi, permet le contact entre les savoirs médicinaux traditionnels et des savoirs modernes.

Ainsi, il s'agit de savoir dans quelles mesures la valorisation de la tradithérapie, qui est en cours à l'hôpital traditionnel «la maison de la feuille'' de Porto-Novo, influence t- elle les pratiques et les représentations relatives à la médecine traditionnelle ?

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe