CHAPITRE I : EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DES DROITS
DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE SUR LE PLAN NORMATIF
La protection des droits de propriété
littéraire et artistique pour être effective doit d'abord exister
et pour cela, un certain nombre de normes doivent être
édictées d'où elle tirera sa source. Le droit positif
sénégalais en la matière n'est pas en reste et c'est ainsi
qu'il a prévu un dispositif textuel (Section 1), mais qui reste
cependant confronté à des insuffisances (Section 2) qui
ralentissent quelque peu son expansion.
SECTION 1 : LE DISPOSITIF TEXTUEL EN VIGUEUR
EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET
ARTISTIQUE
Le dispositif textuel en ce qui concerne la
propriété littéraire et artistique en
général et la protection de ces droits en particulier trouve sa
source dans la Loi 2008-09 qui est le texte de référence
(Paragraphe I) en la matière et dans d'autres textes (Paragraphe II) qui
n'en sont pas moins édifiants quant à l'effectivité ou non
de la protection des dits droits.
PARAGRAPHE I : LE TEXTE DE REFERENCE EN MATIERE DE
PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Ce texte n'est autre que la Loi 2008-09 sur le droit d'auteur
et les droits voisins. Il convient donc de la situer dans son contexte (A)
avant de la présenter formellement (B).
A- LE CONTEXTE DE LA LOI 2008-09 SUR LE DROIT D'AUTEUR
ET LES DROITS VOISINS
Au Sénégal, la propriété
littéraire et artistique est régie par une loi. Il s'agit de la
Loi 2008-09 du 25 Janvier 2008 sur les droits d'auteur et les droits voisins
remplaçant celle du 4 Décembre 1973. Cette loi transpose en droit
sénégalais, l'Accord de Bangui
révisé4.
En effet, c'est en 1999 que les Etats signataires de l'accord
initial de 1977 ont décidé de le réviser. Ils
étaient ainsi animés du désir de promouvoir la
contribution effective de la propriété au développement de
leurs Etats d'une part, et soucieux de protéger sur leurs territoires
d'une manière aussi efficace et uniforme que possible, les droits de la
propriété intellectuelle d'autre part. Une décennie plus
tard, le Sénégal a opté de faire cavalier seul en
édictant en 2008, la loi ci-dessus évoquée, mais cela
uniquement en matière de propriété littéraire et
artistique. C'est dire que l'Etat du Sénégal a fait une option de
souveraineté en matière de propriété
littéraire et artistique.
Il convient de relever que l'Etat du Sénégal n'a
pas été le seul parmi les Etats-parties à l'accord de
Bangui révisé et dans l'espace OAPI à choisir la voie de
la souveraineté quant à la matière de la
propriété littéraire et artistique. Il nous a ainsi
été donné de constater que l'Etat du Cameroun s'est
également adonné à la tache de mettre en vigueur une loi
en vue de régir la propriété littéraire et
artistique sur toute l'étendue du territoire camerounais.5
C'est ainsi que la Loi 2000-011 du 19 Décembre 2000 relative aux droits
d'auteur et aux droits voisins a été mise en vigueur. Cette loi
portait ainsi refonte de la loi n° 90-01 du 10 Août 1990 relative
aux droits d'auteurs et aux droits voisins, et le souci majeur qui la sous
tendait était de permettre aux créateurs et artistes camerounais
de vivre véritablement de leur art. C'est ainsi que les droits
patrimoniaux des auteurs sont mieux protégés, de même que
leurs créances bénéficient du régime
privilégié des salaires.
Ladite loi tendait également à encourager les
opérateurs économiques à investir dans le secteur culturel
et à créer des emplois dans le domaine des oeuvres de l'esprit et
apportait des solutions juridiques à des demandes sociales
légitimes et pressantes, par exemple en renforçant les sanctions
pénales en cas de contrefaçon, en vue d'une meilleure
protection.
4 Ibrahima CAMARA, Le statut juridique de la
contrefaçon des phonogrammes et des oeuvres littéraires et
artistiques au Sénégal, Editions juridiques africaines, Dakar
mars 1993, p 11
5 Christophe SEUNA, Droit d'auteur et droits voisins
au Cameroun : la loi du 19 décembre 2000 et son décret
d'application, SOGESIC, Yaoundé 2008 p. 13
Les raisons évoquées ci-dessus qui ont conduit
à l'adoption de la loi camerounaise sont quasi identiques à
celles qui ont commandées la mise en vigueur de la loi semblable au
Sénégal. Ainsi, à la lecture de l'exposé des motifs
de la Loi 2008-09, il ressort que les acteurs culturels ont pris conscience de
ce que les potentialités des industries culturelles ne peuvent trouver
à s'exprimer que dans le cadre d'un environnement juridique
sécurisé propre à permettre l'épanouissement de la
créativité et à promouvoir les investissements
indispensables.6
Le projet de loi à l'époque mettait donc en avant
quelques idées fondamentales :
La première est que la Loi n° 73-52 du 4
Décembre 1973, qui réglementait le droit d'auteur, conservait
encore sur beaucoup de points sa pertinence. C'est la raison pour laquelle
nombre de ses dispositions se retrouvent dans le nouveau texte.
La deuxième idée fondamentale était que
le Sénégal devait, pour respecter ses obligations
internationales, mettre sa législation en conformité avec
certaines conventions. Deux séries de dispositions sont issues de cette
préoccupation. D'abord, le texte innove en introduisant en droit
sénégalais la protection des droits voisins du droit d'auteur,
accordés aux auxiliaires de la création littéraire et
artistique que sont, notamment, les artistes interprètes, les
producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion. Ensuite, il
comporte de très importantes dispositions, issues pour l'essentiel de
l'Accord ADPIC, concernant la procédure et les sanctions, qui ont pour
objet de doter le Sénégal d'un dispositif permettant de lutter
efficacement contre le fléau de la contrefaçon, ce qui passe en
particulier par l'édiction de sanctions plus sévères.
La troisième idée-force du projet était
l'ancrage personnaliste de la protection des auteurs et des artistes
interprètes. Il s'agit, au rebours de la philosophie qui imprègne
le copyright anglo-américain, de mettre les intéressés au
coeur du dispositif législatif en affirmant clairement qu'ils sont
à l'origine des richesses immatérielles que les divers
exploitants vont ensuite valoriser. Ainsi s'explique le choix de consacrer les
droits des auteurs salariés et fonctionnaires, de répudier la
catégorie de l'oeuvre collective, qui, en permettant de faire
naître les droits sur la fête d'une personne morale, rompt avec le
postulat personnaliste, de conforter l'existence d'un droit moral, fort et
perpétuel, de définir de façon large et synthétique
les prérogatives patrimoniales reconnues aux différents
titulaires de droits (en dissipant toute équivoque sur le fait qu'une
telle définition inclut les exploitations numériques), et
d'élaborer un droit contractuel propre à compenser
l'infériorité économique dans laquelle se trouvent les
auteurs et les artistes interprètes vis-à-vis des exploitants.
Cette position de principe, toutefois, n'empêche pas de prendre en compte
les revendications légitimes de ceux qui, par leurs investissements,
rendent possible la conception de ces richesses culturelles. C'est ainsi que
l'employeur bénéficie, dans la mesure des besoins de
l'entreprise, d'une présomption de cession des droits sur
6 Cf. exposé des motifs de la loi 2008-09 sur
le droit d'auteur et les droits voisins :
http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article6664
l'oeuvre créée par son salarié, et que le
producteur de l'oeuvre audiovisuelle est luimême réputé
cessionnaire. On peut rattacher à cette préoccupation la
rénovation de la gestion collective, qui, à travers des
structures de droit privé, doit relever tout à la fois le
défi de l'efficacité et de la transparence.
Enfin, il a été jugé nécessaire,
dans un souci de cohérence, de consacrer une partie autonome, la
quatrième, à la protection du folklore et du domaine public
payant, questions qui se situent, d'un point de vue juridique, à la
marge du droit d'auteur mais dont le lien avec la matière a,
jusqu'à présent, été considéré comme
suffisant pour qu'elles soient traitées dans ce cadre.
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