B- LES MESURES PENALES CONTRE LES VIOLATIONS
DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Le niveau ultime de sanctions contre les violations des droits
de propriété littéraire et artistique fait
référence aux mesures pénales. Il s'agit de mesures
coercitives prononcées par une juridiction pénale de jugement.
L'action en contrefaçon est l'instrument à utiliser afin de mener
la répression à cet effet, comme l'écrit
Jérôme PASSA : « aussi disparates soient-ils, les droits
de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins et
modèles, droits d'auteurs) institués par des textes bien
précis trouvent leur commune sanction dans l'action en
contrefaçon »23.
La contrefaçon est un délit pénal. En
propriété littéraire, la reproduction, la location, la
distribution illicites sont punis d'un emprisonnement d'un an à 2 ans et
d'une amende d'un à 5 millions de francs. La violation des droits
patrimoniaux de l'auteur et du titulaire d'un droit voisin constitue une
atteinte grave au droit de propriété ainsi qu'au droit de jouir
du fruit de ses idées. La base légale de ces mesures
pénales se trouve aux articles 142 et 151 de la loi 2008-09. La
violation du droit moral est punie par le droit pénal de la même
façon.
Ainsi, dans le cadre d'un litige devant le juge, le BSDA qui
représente les intérêts des titulaires des droits de
propriété littéraire et artistique au
Sénégal s'attache à récupérer des dommages
et intérêts tandis que le procureur maitre des poursuites
sollicite des mesures coercitives à l'encontre du contrefacteur. Cela a
été le cas dans une affaire jugée par le Tribunal
Régional de Matam le 23 décembre 2010, en matière de
reproduction illégale d'oeuvres protégées appartenant
à autrui24.
Les faits remontent à la dernière semaine du
mois de Novembre 2010 lorsque la Brigade de gendarmerie de Ourossogui a eu
à appréhender le sieur Aliou Badara CAMARA à son domicile
avec par devers lui des produits contrefaits ainsi que le matériel qui a
servi à commettre de tels actes.
D'après le Procès Verbal n° 1432 du 1er
Décembre qui a été communiqué au Bureau
Sénégalais du Droit d'Auteur (BSDA), seul organe habilité
à défendre et à protéger les oeuvres
littéraires et artistiques au Sénégal, le matériel
saisi est composé de:
- 1 imprimante
- 1 Scanner
- 4 bidons d'encre HP
- 4 Hauts parleurs
- 9 paquets de CD vierges
- 884 produits audiovisuels contrefaits
23 Jérôme PASSA, Contrefaçon et
concurrence déloyale, Litec 1997, p.21
24
http://www.bsda.sn/matam.html
C'est à la suite de cela que le BSDA a
rédigé une plainte et s'est constitué partie civile pour
défendre les intérêts des auteurs qui lui ont confié
la gestion collective de leurs oeuvres.
A la barre, l'accusé a reconnu les faits qui lui sont
imputés mais a soutenu qu' "il ignorait la gravité des peines
prévues par la loi"; ce qui ne constituera pas pour autant un motif de
circonstance atténuante pour les juges qui lui
rétorquèrent que "NUL N'EST CENSE IGNORER LA LOI".
La partie Civile qui était représentée
par son Directeur du Département Juridique M. Youssou SOUMARE a
axé l'essentiel de sa plaidoirie sur la situation de misère ainsi
que l'état de pauvreté latente de la plupart des créateurs
Sénégalais compte tenu des effets du fléau de la
piraterie.
M. Youssou SOUMARE, demandera au tribunal d'appliquer pour une
fois le maximum des peines prévues par le législateur pour que
nul n'en ignore c'est à dire des dommages et intérêts
à hauteur de 5 millions de FCFA compte tenu du préjudice
causé aux auteurs.
Le procureur qui représente le Ministère Public
abondera dans le même sens en invoquant les articles 142 et 151 de la loi
2008-09 pour demander que l'accusé soit condamné à payer 1
million de FCFA assorti d'une peine d'emprisonnement ferme de 2 ans.
A l'arrivée, le Président du Tribunal
après reconnu la gravité des faits ainsi que le préjudice
moral et économique causé aux auteurs prononcera la peine
à travers le dispositif suivant:
- Le tribunal déclare la constitution de partie
Civile du BSDA recevable - Condamne l'accusé à payer une amende
de 200 000 mille FCFA assorti d'une peine d'emprisonnement de 3 mois
ferme.
- L'accusé devra payer en outre à la partie
civile des dommages et intérêts de deux millions (2 000 000) de
FCFA.- Le matériel sous scellé sera confisqué et les
produits contrefaits seront détruits.
En effet, cette décision des Juges de Matam est une
première en matière de contrefaçon d'oeuvres
littéraires et artistiques et constitue un signal fort qui doit inspirer
tous les juges Sénégalais pour qu'enfin la lutte contre la
contrefaçon soit une réalité au Sénégal. Les
sanctions sont dissuasives et sont à la hauteur des actes commis mais
cette décision de justice ne doit pas constituer un cas isolé.
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