PARAGRAPHE II : LES SANCTIONS CONTRE LES VIOLATIONS
DES DROITS PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTISTIQUE
Le rôle de la sanction n'est pas uniquement de punir,
mais aussi d'intimider, décourager les futurs délinquants. Elle a
également un rôle éducatif en ce sens où le celui
qui s'est rendu coupable de faits de contrefaçon à l'encontre des
titulaires d'oeuvres de l'esprit devra être informé quant aux
méfaits de ses actes. Dans ce sens, il est prévu dans le droit
positif sénégalais des mesures civiles (A) dans un premier temps
et des mesures pénales (B) dans un second temps.
A- LES MESURES CIVILES CONTRE LES VIOLATIONS DES
DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
procédure de saisie-contrefaçon dont le
fondement se trouve à l'article 131 de la loi 2008-09 sur le droit
d'auteur et les droits voisins. Le président du Tribunal a
compétence pour ordonner la suspension de toute fabrication, la saisie
des exemplaires contrefaits ou encore la suspension de toute communication au
public non autorisé par le propriétaire de l'oeuvre objet de la
contrefaçon. Le tribunal peut également ordonner la fermeture de
l'établissement dans lequel est opérée la
contrefaçon lorsque celle-ci est vraiment organisée
conformément à l'article 132.
La saisie description ou saisie conservatoire peut se faire en
cas de soupçon également. En effet, en droit de la
propriété intellectuelle en général et en droit de
la propriété littéraire et artistique, tout plaignant peut
demander au commissaire de police, à défaut au juge d'instance,
la saisie sans appréhension matérielle des exemplaires
constituant une reproduction illicite de son oeuvre. A ce niveau, l'huissier ne
fait que répertorier et décrire les exemplaires qu'il a
découverts au cours de sa descente sur le terrain ordonnée par le
juge.
Quant à la saisie réelle, elle suppose une
appréhension matérielle et une dépossession du saisi de
tout ou partie des éléments contrefaisants et du matériel
ayant servi à la réalisation de la contrefaçon. En effet,
nous avons pu nous rendre compte à cette étape de la
procédure que le rôle de l'huissier est accru, tel que nous l'a
exposé Maître Mintou BOYE DIOP, Huissier de justice près
les Cours et Tribunaux de Dakar.
Après avoir reçu la décision de justice y
afférente, l'huissier se rend sur le terrain, dresse un procès
verbal de saisie description, mais il arrive des cas où il
appréhende le bien, c'est lorsque le juge en décide ainsi. Il
s'agit là d'une saisie avec immobilisation. L'huissier a l'obligation de
dénoncer le procès verbal de saisie réelle et le remettre
au requérant. Il va ensuite consigner le bien saisi au greffe du
tribunal contre remise d'un procès verbal remis par le greffier.
Par ailleurs, relevons que le tiers saisi peut demander
suivant certaines conditions la mainlevée de la saisie
opérée. En effet, l'article 133 alinéa 1 dispose in fine
que : «
- Mainlevée de la saisie.
1. - Dans les trente jours de la date de l'ordonnance, le
saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal de
prononcer la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner les effets, ou
encore d'autoriser la reprise de la fabrication ou celle de la communication au
public, sous l'autorité d'un administrateur constitué
séquestre, pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette
fabrication ou de cette communication au public.
2. Le président du tribunal statuant en
référé peut, s'il fait droit à la demande du saisi
ou du tiers saisi, ordonner à la charge du demandeur la consignation
d'une somme affectée à la garantie des dommages et
intérêts auxquels le titulaire du droit pourrait prétendre.
»
L'auteur ou le titulaire d'un droit voisin qui a subi le
préjudice de piraterie ou de contrefaçon peut demander au juge la
validation des procès verbaux ainsi que la destruction des produits
contrefaits comme cela a été le cas dans le jugement n°1605
du 06 juillet 2005 rendu par le Tribunal régional hors classe de Dakar
entre Abdou Guité SECK et Disco Star22.
L'artiste musicien Abdou Guité SECK a fait valoir qu'il
a signé le 05 juin 2002 avec la société Origines SA, un
contrat de coproduction portant sur la production de 10608 cassettes audio
pré enregistrées de 40 minutes. Mais il a constaté la
commercialisation distribution de l'oeuvre musicale « Evolution » en
CD chez disco star et fait remarquer qu'il n'en a jamais autorisé la
duplication et la réalisation sous forme de CD et a donc solliciter la
validation des procès verbaux de saisie description et de saisie
réelle ainsi que la destruction des produits saisis.
En guise de réponse, Disco Star a soutenu que non
seulement l'artiste musicien ne lui impute pas dans l'assignation les faits
qu'il qualifie de piraterie mais les dispositions de l'article 49 de l'annexe
VII de l'accord de Bangui ne sauraient s'appliquer à son cas
étant donné qu'il n'est ni producteur, ni distributeur de
l'oeuvre en question, les cd saisis chez lui résultant d'un
approvisionnement auprès d'un grand distributeur du marché
Sandaga, et ceux-ci circulent avec des hologrammes instaurés par le
BSDA.
Mais le juge y a rétorqué qu'il est constant que
seuls Origines SA et Abdou Guité SECK avaient le droit exclusif de faire
ou d'autoriser la distribution de copies au public du phonogramme «
Evolution » par la vente ; que contrairement aux prétentions du
défendeur, les cd saisis sur lui ne portent pas les hologrammes du BSDA.
Le juge a donc qualifié ces agissements comme des actes de piraterie qui
violent les droits du musicien sur son oeuvre musicale « Evolution »,
il a ainsi conclu à la condamnation de Disco Star à payer
à ce premier la somme de 2 millions de francs. Il a également
ordonné la validation des procès verbaux de saisie description et
saisie réelle pratiquées, et a prononcé en vertu de
l'article 63-2 de l'annexe VII de l'accord de Bangui, la destruction des
produits et disques ayant fait l'objet de saisie.
Une autre mesure civile contre les violations des droits de
propriété littéraire et artistique sont les mesures aux
frontières. En effet, les autorités douanières disposent
d'un droit d'inspection sur toute cargaison qui traverse le territoire afin
d'établir le bien fondé de leurs allégations en cas de
contestations devant le juge. Ces opérations d'inspection menées
à bien répondraient également au souci d'harmonisation des
politiques dans la lutte contre la contrefaçon entre les Etats
africains, tel que nous l'avons exposé dans une autre partie de ce
travail de recherche.
22 N° 1605 TRHC du 06 Juillet 2005, Abdou
Guité SECK c/ Disco Star, inédit
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