ii. La méthode NOVIB
L'objectif général de NOVIB est de combattre la
pauvreté. Pour cela NOVIB utilise une méthode, dite la
"NOVIB Method".
La méthode NOVIB:
- vise à des résultats spécifiques et
durables;
- complete les initiatives locales;
- implique une coopération avec les organisations
locales;
- encourage les contacts et les échanges entre les
partenaires;
- travaille dans le Nord aux changements
bénéficiant au "Global South";
- accorde une attention spécifique à
l'environnement, les droits humains et les femmes.228
A propos de cette méthode nous noterons l'importance
qui est donnée à la relation avec des organisations locales et
l'échange entre les partenaires dont nous parlions plus haut. Les
partenaires locaux ne sont pas instrumentalisés et sont, au contraire,
sur un pied d'égalité avec NOVIB. Cette volonté de
partenariat actif, tant dans le sens Nord-Sud que dans le sens Sud-Sud, est
basée sur le "Linking and Learning" (mise en
réseau et apprentissage).
iii.Linking and learning
Cette stratégie du "Linking and Learning" vise à
favoriser la mise en réseaux, l'apprentissage réciproque entre
organisations partenaires et ONG de développement. C'est un processus
dynamique et collectif dans l'acquisition et le développement de nouv
eaux savoirs. Dans cette optique, NOVIB soutient l'organisation de groupes de
travails et de formations dans la plupart de ses pays partenaires. NOVIB
fournit également un appui dans le choix et le recrutement de
consultants (voir page 91). Ce processus est important pour les partenaires
autant que pour NOVIB car il permet de disséminer l'information, les
connaissances et les innovations pratiques, notamment en terme de genre et
développement. De plus, les alliances entre les partenaires
(organisations de femmes et organisations mixtes) d'une part, entre les
partenaires et les gouvernements et secteur privé d'autre part, sont
censés permettre aux partenaires d'augmenter les spheres d'influence
politique. Ce processus de "Linking and Learning" s'applique
également à NOVIB et à ses relations avec ses partenaires
hollandais et européens (Eurostep, HIVOS, Oxfam International, etc.).
La première concrétisation de cette
stratégie est le Gender Route Project, que nous analyserons plus
loin.
Iv. organisation interne - organigramme
NOVIB est composée, comme toutes les autres ONG, d'une
assemblée générale, d'un comité fondateur (sorte
de conseil d'administration) et d'une direction. Elle compte au niveau
228 NOVIB, More power, less poverty.
Novib's gender and development policy until 2000, La Haye, 1997, p.
6.
opérationnel sur trois départements principaux:
le département responsable des campagnes, celui des actions des groupes
de pression et de la diffusion de l'information et enfin le département
des projets. Ces trois départements dépendent de l'AG et du
comité directeur. (voir annexe 2)
Nous notons à propos de la structure interne de NOVIB,
l'existence d'un département "recherche et
développement", qui a pour objectif, non pas de créer et
produire des connaissances propres mais plutTMt de servir de "tête
chercheuse". Il est composé de 6 "senior advisors" qui ont des
compétences transversales (par exemple le genre). Ces conseillers
collectent ainsi les informations provenant d'ailleurs, en participant aux
conférences internationales, aux réunions de réseaux (ONG
de développement mais aussi organisations de femmes, de migrants, etc.),
ainsi qu'aux différents groupes de travail.
De ce département central dépendent
différents "Focal Points" répartis dans le reste de la structure
de NOVIB. Le département recherche et développement vit donc
à la fois d'apports internes, provenant des autres services (notamment
celui des projets) et d'apports externes (rencontres avec d'autres
réseaux, ateliers de réflexion, groupes de travail, etc.).
Cette activité de "recherche et développement"
est également basée sur un partenariat étroit avec les
autres membres du Réseau Oxfam. Irma Van Dueren affirme ainsi que "rien
ne se fait sans les autres Oxfams". Les différents membres du
réseaux ont des principes d'actions (working principles)
communs.229
L'objectif de ce département, comme l'ensemble de
NOVIB, est de servir de pont entre les institutions et les partenaires. Il sert
de base à l'activité de lobbying de l'organisation auprès
des institutions internationales (Banque Mondiale, Nations Unies, etc.) ainsi
qu'auprès des gouvernements (Pays-Bas et Union Européenne).
Bien que ne produisant pas de connaissances propres et ne
fonctionnant pas comme un centre de recherche, contrairement à ce qui
existe au sein d'Oxfam-GB, NOVIB, de par sa politique d'échange et de
diffusion actif des connaissances, il contribue à la production d'un
savoir résultant d'une pratique collective et permettant de
redéfinir sans cesse les politiques et stratégies mises en
Ïuvre. Cette politique bénéficie tant à NOVIB
qu'à ses partenaires. NOVIB soutient et finance notamment de nombreuses
publications de ses partenaires.
2. HISTORIQUE DU GENRE AU SEIN DE NOVIB i.
Le genre et NOVIB en quelques dates
1981: L'assemblée générale
décide de mettre l'accent sur la position des femmes au sein de NOVIB,
de la société néerlandaise et dans le Sud.
1981: Constitution de la "Task Force on
Women" (groupe de travail sur les femmes).
1983: Publication du document Femmes et
coopération au développement qui décrit les facteurs
historiques et sociaux qui déterminent la position des femmes et met en
avant quelques recommandations d'actions.
1987: Suite aux conférences des
Nations Unies, la Task Force on Women publie un document décrivant les
principaux points politiques concernant les femmes et le développement
qui seront utilisés dans les différents départements de
NOVIB.
1989: Pour la première fois, les
objectifs initiaux de l'approche "Femmes et développement" sont
insérés dans le document de politique générale.
|
229 Entretien avec Irma Van Dueren, 26 aoilt 2002
1991: 'Countouren
NOVIB-Vrouwenbeleid, werkplan 1991-1993' est publié. Ce plan
d'action contient les objectifs débattus lors de consultations entre les
différents départements de NOVIB. Ces objectifs améliorent
la cohérence entre politiques internes et externes de NOVIB et
pratiques.
1992-actuellement: La mise en oeuvre de la
stratégie 'genre et développement' est intégrée
dans les plans annuels, pluriannuels et le monitoring central de
NOVIB.230
C'est au début des années 1980 que l'importance
de prendre en compte les femmes dans le développement a
été soulignée au sein de NOVIB. Adrie Papma et Ellen
Sprenger racontent qu'en 1980, quatre membres du personnel de NOVIB ont pris
sur leurs vacances (et leurs finances) pour se rendre à Copenhague oil
se tenait le Forum de la Conférence de l'ONU sur les femmes. Ce sont
sans doute gr%oce à ces femmes "rebelles"231 que 'tout a
commencé'.232
Par la suite, la participation de NOVIB aux conférences
internationales sur les femmes et le genre a été prise en charge
par l'organisation et notamment par le groupe de travail sur les
femmes qui fut créé en 1981, à la demande du
Comité Directeur. Les liens que se sont tissés entre les femmes
qui avaient été à Copenhague et certains membres du
Comité Directeur ont été décisifs pour la suite de
l'intégration du genre au sein de NOVIB, meme si on peut parler d'une
réticence d'ensemble envers le genre au sein de NOVIB.
Malgré cette réticence, un texte consacré
aux femmes dans la coopération au développement est
rédigé en 1983. Quatre ans plus tard, un autre document
décrit les points politiques qui fonderont l'intégration du FED
au sein de NOVIB. Ce n'est cependant qu'en 1989 que ces objectifs sont
intégrés dans les documents de politique générale.
Presque dix ans ont donc été nécessaires pour que la
question soit acceptée de facon institutionnelle et officielle dans
l'ONG. Deux ans seront encore nécessaires pour qu'elle fasse l'objet
d'une réflexion sur la cohérence entre politiques internes et
externes. Ce n'est que dans le plan pluriannuel 1991- 1 993 que cette
nécessaire cohésion sera intégrée et
systématisée. Ce changement vient essentiellement du constat que
le genre n'était pas structuré, ni au niveau interne, ni au
niveau des partenaires.
Comme dans la plupart des autres ONG, et comme nous l'avions
déjà noté auparavant, l'intéret porté aux
femmes et au genre dépend largement, du moins dans ses débuts,
des individus (souvent des femmes) qui prennent sur eux de défendre des
idées féministes. Par ailleurs, le fait que beaucoup ne
considerent pas encore les themes de genre comme faisant partie
intégrante des projets, et que pour la plupart il ne s'agisse que d'un
theme générant un surplus de travail rend tres difficile
l'intégration du genre puisqu'il s'agit d'une question qui puise sa
force dans sa globalité. Si elle n'est traitée que de maniere
accessoire, les résultats ne peuvent etre probants.
Ce n'est guere différent au sein de NOVIB puisqu'il a
fallu qu'une féministe arrive à la direction de l'organisation
pour que la question du genre prenne réellement son "envol". En effet,
les véritables changements ne sont apparus qu'en 1995, lorsqu'une femme,
féministe, a été nommée à la direction.
ii. NOVIB et le féminisme
230 NOVIB, More power, less
poverty. Novib's gender and development policy until 2000, La
Haye, 1997, p. 11.
231 Lors de notre entretien, Irma Van Dueren parle de
rebellion pour évoquer l'esprit qui animait les femmes qui ont
été à Copenhague. Entretien avec Irma Van Dueren, 26 aoilt
2002.
232 PAPMA Adrie et SPRENGER Ellen,
NOVIB y género: situaci--n actual y temas de debates, in BARRIG
M. & WEHKAMP A., Sin morir en el intento. Experiencias de
planificaci--n de género en el desarollo, NOVIB, Edici--nes Red Entre
Mujeres, Lima, 1994, pp. 211 -232, p. 218.
Nous avions évoqué le fait qu'ONG et
féminisme ne faisaient pas toujours bon ménage et que dès
lors que les idées féministes entraient dans des structures plus
strictes, elles courraient le risque de se dépolitiser et de perdre
ainsi de leur caractère novateur et dynamique. Cette question a bien
évidemment été soulevée au sein de NOVIB et a
donné lieu à une politique claire à ce sujet: l'objectif
général est de renforcer le "leadership" des femmes et pour y
arriver il faut qu'une réelle perspective féministe soit
adoptée et transversalisée. Les moyens mis en Ïuvre pour y
arrivés sont donc axés sur le partenariat avec, dans la mesure du
possible, des organisations féministes. Ce partenariat est plus simple
dans les régions oü les féministes sont bien
implantées. Il est plus difficile d'avoir des partenaires
féministes en Afrique, oü le terme est encore tabou et
connoté comme étant occidental et oü les femmes ont encore
des réticences à s'affirmer comme féministes, qu'en
Amérique latine oü les femmes sont très bien
organisées et ont une réelle tradition féministe.
L'utilisation du terme "féminisme" ou
"féministe" n'est donc plus tabou, du moins dans le chef de certaines
femmes à NOVIB. A cet égard, nous constatons que les deux
personnes de NOVIB que nous avons rencontrées (Irma Van Dueren et
Liesbeth Van der Hoogte), sont particulièrement engagées et ont
des idées progressistes sur la question. L'apport des féministes
est donc reconnu comme étant important. Elles ont, comme le souligne
Ruiz, "proposé la possibilité de la transformation de
l'oppression de genre, symbolique et structurelle" au sein du
développement.233
En réalité, dire que c'est parce qu'une
féministe est arrivée à la direction de NOVIB que les
choses ont changé, est un peu faux: c'est parce que les choses ont
changé qu'une femmes est arrivée à la direction de NOVIB.
En effet si c'est effectivement gr%oce à l'intégration
progressive des femmes dans les institutions et organisations, que la question
de leur participation a été discutée au sein des
sphères du pouvoir, c'est aussi gr%oce aux pressions incessantes en
dehors de ces structures qu'elles ont pu y faire leur entrée. Le
contexte international et la dynamique mondiale du mouvement des femmes autour
de la Conférence de Pékin en 1995, qui a placé la question
de genre au sommet de l'agenda public a également contribué
à un changement au sein des partenaires de NOVIB. Tant au sein des
organisations de femmes qu'au sein des organisations mixtes en effet, les
femmes sont en demandes de formes de leadership alternatives et
transformatrices, formes qu'elles retrouvent en partie dans la proposition de
NOVIB. Un dialogue a dès lors été entamé entre
NOVIB et les femmes travaillant sein de organisations partenaires afin
d'acquérir plus de connaissances sur les thématiques de genre
d'une part, sur les processus de changement organisationnel d'autre part.
233 RUIZ Carmen Beatriz, No tenemos todas
las respuestasÉ pero las estamos buscando, in BARRIG M.
& WEHKAMP A., Sin morir en el intento. Experiencias de
planificación de género en el desarollo, NOVIB, Edici--nes
Red Entre Mujeres, Lima, 1994, pp. 123-142, p.126.
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