B- Résultat d'études empiriques menées
en Afrique de l'ouest :
1- Cas de l'UEMOA :
L'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest
africaine) est une zone monétaire qui comprend sept pays, anciennes
colonies françaises (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte
d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo) et la
Guinée Bissau qui y a adhéré en 1997. Ces pays partagent
une monnaie commune : le Franc CFA qui est arrimé à l'euro depuis
2000, selon une parité fixe (1 euro = 655,65 F CFA). L'UEMOA fait partie
d'un ensemble plus grand de zone monétaire que constitue la Zone Franc.
En fait, après les indépendances, les anciennes colonies
françaises signent un accord de coopération monétaire
entre leurs Etats réunis au sein de deux sous ensembles (la CEMAC et
l'UEMOA) et la France (France d'outre-mer y comprise). Cet accord consiste en
une garantie du trésor français apportée à la
valeur des deux Francs CFA. De cet accord de coopération découle
plusieurs avantages dont bénéficient les pays membres de cette
zone, bien sûr des inconvénients sont aussi à noter. Ces
pays sont à l'abri des
20 W. S. Jung (1986). « Financial development and economic
growth : international evidence », Economic Development and Cultural
Change, vol. 34, n° 2, pp. 333-346.
21 FMI (1996). « Pays en développement : défis
des marchés de capitaux et performances économiques »,
Perspectives de l'économie mondiale, octobre, pp. 62-84.
incertitudes de la valeur d'une monnaie sous un
régime de change flottant et bénéficient de la
crédibilité de la monnaie ancre. Ainsi, la Zone Franc a
été fondée dans le but de maintenir un cadre
institutionnel favorisant la stabilité macroéconomique, mais
également le développement
économique22.
Des travaux menés par Jean-Placide KEZA
(2010)23 ont permis de constater que sur le plan des croyances,
l'Afrique subsaharienne, présente ceci de particulier, qu'elle n'est pas
un ensemble homogène ; contrainte au crédit bancaire. On y trouve
à la fois des animismes, des chrétiens, des musulmans, des
hindouistes et des bouddhistes. Même si toutes ces religions ne sont pas
totalement compatibles avec le « développement économique
» c'est l'islam qui s'avère plus rétive à toute
idée de profit. Or une bonne partie de la population en l'Afrique
étant islamisé (l'Afrique de l'ouest), il s'ensuit que toute
activité ou initiative ne peut pas être déconnectée
de ce milieu culturel.
Dans la doctrine islamique l'argent en soi est
improductif et ne sert que d'instrument de mesure de la valeur de biens. Il ne
peut donc être considéré comme un bien en soi, dont le prix
serait fixé par l'offre et la demande. Par conséquent le «
riba » (l'augmentation non justifiée des montants
prêtés) est interdit par l'islam.
En dehors de l'injustice sociale, fondement commune de
cette interdiction aux trois religions monothéistes, une autre raison
explique la position de l'islam. En effet pour l'islam, le capital (argent)
n'est qu'une mesure de la richesse et non la richesse ellemême. Il ne le
devient que grâce à son association avec le travail de l'homme.
Par conséquent l'intérêt comme prix de l'argent
épargné n'est pas justifié. Une telle justification
n'existera que si cette épargne était investie en vue de
créer plus de richesses.
Selon les économistes musulmans, les fonds
disponibles dans le système non islamiques sont souvent susceptibles
d'être alloués à des emplois purement spéculatifs et
ne profitent pas nécessairement aux projets les plus productifs. Ce qui
conduit à une mauvaise allocation de ressources et représentent
une entrave à l'emploi.
De même, l'intégration du prix de
l'argent dans la valeur de bien induit de l'inflation dans la
société, l'ensemble affecte la croissance et le bien être
de la société civile. En définitive, pour la
majorité des musulmans tout intérêt même pour les
crédits productifs reste interdit, puisque le « riba » est
interdit, tout remboursement au-delà du montant
original d'un prêt est donc illicite. Par
conséquent l'activité bancaire dans une région à
dominante islamique doit être établie sur la base de ces
principes. Le secteur bancaire et financier doit donc offrir des produits qui
reflètent l'ensemble de ces conceptions. Dés lors Jean-Placide
KEZA propose comme solutions l'association des banques classiques avec les
banques islamiques pour fournir des financements mixtes où le taux
d'intérêt prohibé est remplacé par un taux de
rendement sur des activités réelles.
En plus de ce facteur religieux, il constate que les
pratiques traditionnelles d'épargne et de crédit ont toujours
existé en Afrique subsaharienne. Son importance a amené de
nombreux experts et chercheurs à s'intéresser à ce qui est
appelé la finance informelle. Sous cette appellation on retrouve tous
les flux financiers générés par le réseau des
marchands, de prêteurs professionnels, des amis, de la famille, des
gardes monnaies ainsi que des tontines. Ces flux qui échappent au
secteur bancaire constituent un ensemble fort disparate qui ne doit son
unité qu'a la proximité des relations entre les débiteurs
et les créanciers.
ARY TANIMOUNE Nasser (2002) après une
étude sur l'UEMOA trouve une prédominance des crédits
à court terme qui s'expliquerait par l'aspect gestion de risques. En
effet, par exemple le financement à long terme fait appel à
certaines dispositions de gestion de risques de liquidité et de taux, en
plus des risques de crédit et d'insolvabilité (de Coussergues,
1996). A cela s'ajouterait la capacité limitée de l'absorption
des crédits bancaires (Eboué 1998). Par ailleurs, on remarque que
les banques dans l'Union sont en moyenne sur- liquides : le niveau des
réserves obligatoires constituées par ces derniers auprès
de la BCEAO représentaient en moyenne en juin 1999 sept fois le montant
requis. Toutefois, cette caractéristique des systèmes bancaires
nationaux dans l'UEMOA semble commune à de nombreux autres
systèmes bancaires. En effet, dans une récente étude
empirique sur le comportement des banques, Demergüç-Kunt,
Detragiache & Gupta (2000) trouvent que contrairement aux conclusions de
nombreuses analyses théoriques, d'une part les dépôts
bancaires se sont plutôt accrus et d'autre part, les crédits
bancaires ont connu une baisse même pour les banques qui sont
relativement peu affectées par la crise.
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