5- Asymétrie d'information sur le marché
du crédit :
De quel moyen disposent les banques pour
contrôler leur prise de risque et détecter les « faiseurs de
projets » ? Elles ont tout d'abord l'avantage de gérer les comptes
de leurs propres emprunteurs, surtout si elles leur font crédit sous
forme de « découvertes », ce qui permet d'observer les
mouvements de ce compte et d'en tirer des
informations sur leur capacité à
rembourser ; la production conjointe de crédit et de monnaie, par les
banques est la source de leur raison d'être et de leur savoir faire dans
la réduction des asymétries d'information. Ce point est repris
par les auteurs contemporains comme Fama (1985). Seulement, il semble qu'en
agissant ainsi, cet asymétrie d'information est source d'insuffisance du
crédit bancaire car les banques ne prêtent qu'à ceux qui
ont déjà un compte bancaire.
De plus Smith leur conseille de suivre des règles
de bonne gestion. Elles ne doivent escompter qu'un seul type de traites, des
effets « réels » par opposition à des effets «
fictifs », et ne prêter qu'à court terme soit par escompte
soit par découverte. D.Diamond, qui a construit le modèle sans
doute le plus connu en ce domaine et qui est au centre de la théorie
contemporaine de la banque, débute son analyse par une
référence à Schumpeter, sans oublier le modèle de
Stiglizt et Weiss (1990) qui se réfère aussi à Schumpeter
; les banques sont des « comptables sociaux » (« social
accountants »).
Le modèle de Diamond rend compte du rôle
de « surveillant délégué » qu'assure la banque
et montre la supériorité de la solution bancaire par rapport au
financement direct par de multiples prêteurs sur un marché. Elle
est capable de résoudre à moindre coût le problème
de risque moral issu de l'information privé que détient
l'emprunteur. En effet, ce dernier peut « tricher » et invoquer la
mauvaise chance ou les difficultés économiques du secteur pour ne
pas révéler la réussite de son projet et ne pas
rembourser. L'avantage de la banque réside dans la réduction des
asymétries d'informations. Elle peut diminuer (par rapport à la
situation où il existe de nombreux prêteurs) les coûts de
surveillance de l'emprunteur grâce aux économies d'échelle,
une fois le contrat de prêt signé. Elle évite donc la
multiplication des coûts de vérification des emprunteurs (audit et
« sanction ») ou les comportements de passager clandestin de la part
des prêteurs. De plus, la délégation à
l'intermédiation financière de la surveillance par les
prêteurs individuels est exemple de risque moral qui pourrait être
encouru par ceux qui ont déposé, du fait des possibilités
de diversification de son portefeuille de prêts. L'intermédiaire
financier est donc décri dans ce modèle comme le siège de
l'articulation de deux relations d'agence : l'une entre les prêteurs
individuels et l'intermédiaire (le contrat de dépôt) et
l'autre entre ce dernier et l'emprunteur (le contrat de crédit). Les
coûts de délégation à l'intermédiaire
financier (coûts de surveillance de l'intermédiaire
lui-même) sont plus faibles que les gains provenant de
l'exploitation des économies d'échelles
dans le contrôle des emprunteurs. La nécessité d'une bonne
gestion de l'information est d'autant plus importante qu'une crise bancaire a
des effets très négatifs sur le système bancaire. Cette
dernière (crise bancaire) n'a pas seulement une influence en
deuxième lieu sur le secteur réel du fait de la diminution de la
quantité de monnaie mais aussi du fait de la destruction des relations
de clientèle des banques et du capital informationnel qui y est
lié.
Pour Diamond (1991), les effets de réputation
et l'analyse multi périodique forment le cadre de l'analyse : le
modèle de Diamond permet de bénéficier l'emprunteur de sa
réputation acquise quant aux résultats de ses projets et au
respect de ses engagements au niveau des conditions futures de financement.
Sharpe (1990) montre que les relations de long terme émergent de
façon endogène puisqu'une banque qui prête à une
firme (la banque « interne ») apprend sur elle plus (elle
reçoit un « signal » parfaitement exact du résultat du
projet). Ceci lui permet de faire bénéficier les firmes qui ont
réussi dans leurs projets de conditions meilleurs de financement
à la période suivante puisque leur probabilité de
succès apparait plus forte que pour les nouvelles firmes qui sont
inconnues de la banque. Les banques « externes », qui n'ont pas
prêté à ces firmes ne peuvent que proposer des conditions
moins bonnes (elles ont des coûts d'acquisition de l'information plus
forts). Les avantages de la relation de long terme sont aussi soulignés
par Haubrich (1989) dans le cadre d'une variante du modèle de Diamond
(1984). La banque, du fait de la relation de long terme, observe l'historique
des versements véritables de remboursement des emprunts. A partir de ces
informations, elle peut procéder à des teste statistiques. Il en
résulte que les rendements des projets peuvent être connus soit
directement par le méthode de la surveillance envisagée dans le
modèle de Diamond (1984), à chaque période, avec un
coût k, soit indirectement par le test statistique dont le coût est
a dans la relation de long terme, avec a<k . La banque compare le
résultat moyen déclaré au rendement moyen véritable
[E(Y)].
Si la moyenne des versements s'écarte de la
vraie moyenne, l'emprunteur est sanctionné, le crédit suspendu.
Seulement, il peut s'écarter, avec tolérance, de la moyenne dans
une certaine proportion.
Le risque de représailles de la part du
banquier du fait de la relation de clientèle est souligné par
Stiglizt et Weiss (1983). En cas de non-révélation de ses
résultats par l'emprunteur, la banque peut menacer de ne pas renouveler
le prêt.
Pour Mayer (1988), analyse la cause de l'insuffisance
du crédit dans la même lancée mais différemment. En
effet, il indique que la concurrence sur le marché financier
empêche les firmes comme les prêteurs de s'engager ensemble
à prendre des risques. Au contraire, les relations de long terme
bilatérales, et exclusivement entre banques et firmes permettent de tels
engagement qui sont avantageux. Dans ce cadre, prêteurs et emprunteurs
partagent ensemble une même information non utilisable par d'autres
prêteurs potentiels. Ceci incite les banques à maintenir leur
financement, même durant les périodes difficiles que traverse les
firmes, en retour l'emprunteur garantit à la banque qu'il lui sera
fidèle. Il peut donc être intéressant pour le prêteur
de restructurer le prêt pour compenser les pertes actuelles par des gains
futurs et à ne pas mettre en faillite la firme. Les banques peuvent
ainsi procéder à un lissage temporel des remboursements ou
à une péréquation des remboursements entre périodes
dans un horizon de long terme, ce que ne peuvent pas faire les
marchés.
A contrario, Von Thadden (1995) dénonce les
aspects négatifs de la relation de long terme. Il y a deux types de
firmes : les firmes de bonne qualité et celles de mauvaises
qualités. Chacune peut entreprendre soit des projets de court terme soit
des projets de long terme. Les projets de long terme sont en
général plus profitables mais ils se caractérisent par des
rendements plus faibles en matière période que ceux de court
terme. Comme les prêteurs ne peuvent connaître à priori le
type de firme, ils ne peuvent avoir confiance aux firmes. Les bonnes firmes
sont tenues alors d'investir dans des projets à court terme.
Rajan (1992) a montré que la position de
monopole acquise par les banques internes (banque qui a déjà
financé) oblige la firme qui a un faible pouvoir de négociation
à laisser une grande partie de ses profits à cette banque ; elle
va donc chercher à diversifier ses ressources de financement faisant
appel à d'autres banques. Si ceci incite la firme à choisir des
projets plus efficients, ce sera bénéfique pour la firme et la
banque interne elle-même.
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