PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE ET APERÇU
BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre premier : Le contexte général de
l'habitat informel
Chapitre II : Les villes d'Afrique subsaharienne francophone et
leur planification urbaine
Chapitre III : Niamey : description et caractérisation de
la problématique Chapitre IV : Le foncier à Niamey
Chapitre premier : Le contexte général de
l'habitat informel
En Afrique subsaharienne francophone, le
phénomène d'urbanisation est récent et date
véritablement de la période coloniale. Cette période
allant de 1870 à 1960 était toutefois marquée par un
faible taux d'urbanisation en Afrique tropicale par rapport à d'autres
parties du monde. Alors que l'Europe et la Chine avaient des taux
dépassant les 10% durant cette période, l'Afrique subsaharienne
était à un taux 4% (COUR J-M., 1995). Mais le timide processus
d'urbanisme enclenché au cours des années 1950 connaîtra un
essor sans précédent après les indépendances.
1.1 La problématique générale
Le problème de gestion de l'espace urbain qui concerne
tous les pays du tiers-monde a, du fait de son ampleur, fait l'objet de
plusieurs rencontres internationales au cours desquelles les différents
Etats s'étaient engagés à trouver des solutions visant
à améliorer les conditions de logement des citadins
démunis. C'est dans ce cadre que s'est tenue la conférence des
Nations Unies sur les établissements humains à Vancouver au
Canada en 1976. Une décennie après, au regard du non respect des
engagements pris par les différents gouvernements, l'Organisation des
Nations Unies a décrété l'année 1987 année
des sans-abri et une stratégie globale du logement fut
élaborée l'année suivante. Néanmoins, ces
initiatives n'ont eu que peu d'effet et le problème persiste puisque
près d'un milliard de personnes habitent de logements indécents
ou irréguliers et parmi eux six cent millions vivent dans une situation
préjudiciable à leur santé selon PEROUSE J-F. (1993). Face
aux inquiétudes qu'elle suscite, la question urbaine a constitué
aussi le thème central de la deuxième conférence des
Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II) tenue à
Istanbul (Turquie) en 1996.
En Afrique subsaharienne l'urbanisation est un
phénomène récent. En effet, même si des villes ont
existé bien avant la pénétration coloniale dans cette
partie du continent, il n'en demeure pas moins que le véritable
processus d'urbanisation s'est enclenché après la deuxième
guerre mondiale. Plus tard, l'accession des Etats à
l'indépendance va accélérer la croissance urbaine.
D'environ 22 millions en 1950, la population urbaine passe à 249
millions en 19951 soit une multiplication par 11 en 45 ans. Cette
croissance rapide pose du coup le problème de l'accès au logement
pour tous les citadins. L'occupation de l'espace met en jeu plusieurs acteurs
aux intérêts contradictoires dont les actions transforment la
ville. Il s'engage
1DUBRESSON A. (1999), in : les grandes villes
africaines : trois questions sur le futur urbain du continent, pp. 66-82
ainsi une concurrence entre les différents intervenants
dont chacun cherche à tirer le maximum de profit en élaborant
parfois des tactiques ou même des stratégies pour assouvir ses
besoins. Ces logiques et stratégies transforment le paysage urbain en
une multitude de secteurs fortement contrastés.
A Niamey (capitale du Niger), ville fondée par les
français en 1903, les bases du contrôle du foncier ont
été fondées par l'administration coloniale qui au terme
des textes réglementaires s'était attribuée toutes les
terres sur lesquelles s'étendait la croissance spatiale de la ville.
Dans cette perspective, des terrains ont été gratuitement offert
aux habitants (à condition de construire avec des matériaux
durables) afin d'accélérer la mutation de ce village anonyme. Il
en est résulté une croissance rapide de la ville tant du point de
vue démographique que spatiale. En effet, selon SIDIKOU (1980) la
population est passée de 1800 habitants en 1905 à 1886 habitants
en 1921. Trente ans plus tard (1951), cette population a été
multipliée par 6,2 atteignant ainsi 11 790 habitants. A cette date
Niamey rattrape les grandes villes précoloniales et en 1960 avec une
population estimée à 33 816 habitants2, elle regroupe
plus du tiers de la population citadine du pays. En 1977, suite aux
sécheresses du début des années 1970, l'afflux massif des
ruraux a fait que Niamey totalise 108 000 habitants en 1972 et concentre ainsi
40% de la population citadine du pays avec une croissance annuelle de 11,5%.
Parallèlement, le prix des terrains ne fait que flamber passant de 30
000F CFA en 1960 à 60 000F en 1975 et à plus de 900 000 F CFA
(soit 1 372 euros) en 2002 pour une parcelle de 600 m2. En 1988,
avec 397 437 habitants, Niamey ne concentre plus que 32% de la population
citadine du Niger. Au même moment la ville ne fait que s'étendre
puisqu'en 25 ans la superficie a été multipliée par 2,5
passant de 4 400 ha en 1977, à près de 11 000 ha en 2002 alors
qu'elle n'était que de 1367 ha en 1970.
En 2005, selon l'Institut national de la statistique, avec une
population estimée à 808 313 habitants, Niamey concentrait 6,4%
de la population du Niger et 39,3% de la population urbaine. Elle se classe
ainsi très loin devant Zinder et Maradi deuxième et
troisième villes du pays dont les taux de population urbaine varient
respectivement entre 14,1% et 13,3%.
La rapide croissance démographique et spatiale de
Niamey s'effectue dans une situation économique difficile où
rares sont les citadins qui peuvent s'acheter une parcelle officielle. En
effet, selon une enquête nationale sur le budget et la consommation
réalisée en 1993, 42% des Niaméens sont
qualifiés de pauvres avec un revenu inférieur à 75 000 F
CFA et 18% sont extrêmement pauvres c'est-à-dire qu'ils ont un
revenu annuel de 50 000 F CFA. Ces pauvres
2BRUNEAU (J-C), GIRAUT (F.), MORICONI-EBRARD (F.) :
Villes nigériennes. L'émergence d'une armature urbaine nationale
en pays sahélien, in Revue de Géographie alpine N° hors
série, vol. I, 1994, pp. 241-257.
et très pauvres ne peuvent donc pas s'offrir une
parcelle régulière ; mais ils ne sont pas les seuls. La
procédure d'attribution des parcelles officielles est tellement lente et
ségrégative que la plupart des citadins sans connaissance
à la Mairie préfère s'abstenir. L'offre est toujours
insuffisante et entourée de clientélisme. En 1960, la
moitié des demandes avait été satisfaite ce qui a conduit
à la naissance du premier quartier informel de la ville en 1966. Cette
insuffisance de l'offre continue en s'aggravant puisque selon SEYBOU I (2005)
entre 1972 et 1993, sur plus de 15 000 demandes de parcelles
enregistrées au service des affaires domaniales de la Communauté
Urbaine de Niamey, seules 4 061 parcelles ont été
théoriquement produites soit un taux de 27,1%. Confrontés
à cette pénurie de parcelles officielles et à son
inaccessibilité pour les couches moyennes et populaires, ces citadins se
retournent vers les propriétaires fonciers coutumiers. Ces derniers
concurrencent efficacement l'administration foncière par leurs offres
immédiates et relativement moins chères. Les citadins très
pauvres qui ne peuvent s'offrir aucun des services précités
occupent tout simplement les espaces publics et certains interstices de la
ville
Dans cette situation, on est en droit de se demander comment
les individus arrivent-ils à s'imposer aux pouvoirs publics et à
modifier les formes de gouvernance de la ville ? A cette question principale,
peuvent s'ajouter les interrogations suivantes :
- quelles sont les raisons qui poussent les
citadins à occuper illégalement l'espace urbain ? - Qui sont les
acteurs fonciers et de quelles compétences disposent-ils ?
- Les enjeux fonciers à Niamey peuvent-ils être
liés à la forte demande de parcelles et de logements qui serait
à l'origine des types d'offres qui sont en cours ?
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