5.2 La filière informelle
L'accession à la parcelle officielle relève
d'un parcours de combattant qui dissuade beaucoup de candidats. Pour contourner
cette procédure longue, fastidieuse et peu sûre (les parcelles
officielles sont toujours insuffisantes par rapport à la demande), une
procédure parallèle et illégale a vu le jour et
concurrence efficacement la filière officielle de plusieurs
manières les unes plus illégales que les autres.
5.2.1 L'habitat informel sur domaine coutumier
Le domaine coutumier est constitué de l'ensemble des
terres qui ne sont pas encore soumises à une enquête publique
en vue d'une expropriation pour cause d'utilité publique. Le
territoire de Niamey étant une zone à vocation agricole,
l'ensemble de l'espace est subdivisé en champs
appartenant à des familles dont chacune connaît
les limites exactes de ses terres depuis des générations et sur
lesquelles s'étend son droit coutumier.
Ce domaine foncier est de plus en plus exproprié par
l'Etat au nom de son droit d'expropriation, une procédure douloureuse
que les propriétaires coutumiers n'ont jamais cautionnée
volontairement. Pour montrer leur désapprobation de cette pratique et
surtout pour mieux profiter de leurs patrimoines fonciers, ils se sont
lancés dans des opérations de lotissement dont la plus
célèbre reste celle de Talladjé entreprise en 1966.
5.2.1.1 Comment s'effectue le lotissement ?
Le propriétaire coutumier dont le champ est à
la limite du lotissement officiel ou qui pressent la menace d'un lotissement
prochain, préfère prendre le devant en faisant parfois appel
à des géomètres pour imiter le plan officiel ce qui
évitera trop de casses en cas de restructuration. Ainsi, les parcelles
sont produites avec souvent de piquets de fer ou de bois servant de bornes. Il
ne procède à aucune viabilisation du site. Le lotissement est
porté à la connaissance des demandeurs de parcelles par les
démarcheurs.
5.2.1.2 Comment s'organise la vente des parcelles
informelles ?
Le candidat au terrain à bâtir s'informe
auprès des démarcheurs ou des habitants du quartier. Avec le
démarcheur ou une connaissance du lotisseur, le candidat prend
rendez-vous avec le propriétaire pour constater la situation des
parcelles disponibles. S'il est intéressé par les parcelles
disponibles, le marchandage s'engage. Les prix ne sont pas les mêmes pour
tous car les liens sociaux interviennent pour influencer souvent le prix
préalablement arrêté. C'est d'ailleurs pourquoi le candidat
s'informe d'avance sur le propriétaire coutumier en vue de se faire
accompagner par quelqu'un qui peut influencer le prix ou aider à avoir
un échéancier plus souple pour le versement du montant convenu.
Une fois le marché conclu, l'heureux acquéreur fait
délimiter sa parcelle avec ses piquets. La vente est effectuée en
présence d'au moins un héritier du vendeur. L'acquéreur
peut verser l'intégralité du prix convenu ou avancer une partie.
Le versement intégral du prix de la parcelle donne droit à une
attestation de vente signée par le propriétaire coutumier et
contresignée par le chef de quartier. En fonction des relations de
confiance entre vendeur et acheteur, le paiement peut se faire à
tempérament. En cas de non respect de l'engagement de payer le prix
selon les échéances, le propriétaire coutumier peut
retirer son terrain.
De plus, lors de l'achat le candidat s'engage à
construire en matériaux durables et en un temps relativement rapide.
Ainsi, s'étend l'habitat informel sur le domaine coutumier. Il faut dire
que la production des parcelles était à ses débuts plus
une oeuvre sociale qu'une véritable opération économique.
En effet, pendant le régime d'exception où le taux de
dédommagement n'excédait guère 6% des parcelles produites,
les propriétaires coutumiers n'hésitaient pas à offrir
gracieusement des parcelles à leurs connaissances. Pour les candidats
ordinaires le prix variait entre 30 000 et 50 000 F CFA. Mais depuis
l'avènement de l'ère démocratique (1992) où le taux
de dédommagement est revu à la hausse (passant de 6 à 25%)
après une lutte âpre des propriétaires coutumiers, une
nouvelle donne est apparue. Le prix du Shara ka zamna20 ne
fait que flamber variant entre 150 000 F CFA et 200 000 F CFA pour la demi
parcelle c'est-à-dire une parcelle de 300 m2.
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