De toutes les villes actuelles du Niger, Niamey est celle qui
a connu l'évolution la plus étrange forgée par le destin
incroyable qu'a constitué le choix du site de ce petit village
d'agriculteurs et de pêcheurs pour abriter un poste militaire
français le 15 mai 1902. Un an après le village sans rayonnement
local devint le siège du territoire militaire du Niger et ce, jusqu'au
1er janvier 1911 date à laquelle Zinder, centre important
situé plus à l'Est et frontalier avec les villes
nigérianes sous colonisation britannique, lui ravi ce titre. Le statut
des colonies évoluant, le territoire militaire devint territoire civil
autonome en décembre 1920 puis colonie du Niger pour compter du 13
octobre 1926. Ce transfert ne dura que 16 ans car dès le 28
décembre 1926, Niamey retrouvera définitivement son rôle de
capitale. Cinq ans plus tard Niamey accéda au statut de canton. Par
arrêté n°1248/API du 14 février 1954, elle devient
commune mixte de premier degré, puis commune de plein exercice à
partir du 18 novembre 1955. Il fut organisé pour la première fois
des élections municipales à Niamey le 18 novembre
1956 et le premier maire élu fut Djibo Bakari. A
partir de 196712, Niamey accède au statut de ville ayant une
emprise sur 74 250 hectares dont 1 300 hectares seulement étaient
effectivement bâtis (SIDIKOU 2004). Niamey sera divisée en 17
arrondissements en janvier 1974 puis restructurée en cinq districts en
1979. Ce n'est qu'en 1988 qu'elle devient Communauté Urbaine avec rang
de région. Cette huitième région du pays se voit attribuer
un territoire un territoire d'une superficie de 23 900 hectares avec l'annexion
de plusieurs villages périphériques en 1996. Au terme de la loi
n°2002- 012 du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux
de la libre administration des régions, des départements et des
communes ainsi que leurs compétences et leurs ressources, Niamey reste
Communauté Urbaine dans ses frontières de 1996. Toutefois le
nombre de communes est passé de 3 à 5, elles-mêmes
subdivisées en 99 quartiers :
- la commune de Niamey I : 20 quartiers ;
- la commune de Niamey II : 17 Quartiers ;
- la commune de Niamey III : 17 quartiers ;
- la commune de Niamey IV : 17 quartiers ;
- et la commune de Niamey V : 28 quartiers
Chacun de ces quartiers a à sa tête un chef
considéré comme un chef coutumier nommé à cette
fonction en application des dispositions de l'ordonnance n° 93-02 du 15
avril 1993 portant statut de la chefferie traditionnelle au Niger. Les chefs de
quartiers sont des auxiliaires de l'administration. Ils ont officiellement la
responsabilité de la collecte des impôts et taxes auprès
des populations de leurs quartiers respectifs. Dans les faits, leur
responsabilité est plus étendue car ils mobilisent les
populations pour les travaux d'intérêt public, s'occupent de la
sécurité des populations à travers le contrôle des
milices de protection contre les voleurs appelées Yam banga. De
plus, ils sont courtisés en vue de la mobilisation des populations en
faveur de tel ou tel parti politique.
Désormais, c'est le Gouverneur de la région de
Niamey qui est le représentant de l'Etat. Il dirige les services
déconcentrés et veille à l'exécution des lois et
règlements de la République. Il a l'autorité sur tous les
agents de l'Etat dans la limite du territoire de la CUN à l'exception
des cours et tribunaux. La loi n°98-32 du 14 septembre 1998
déterminant le statut des communautés urbaines stipule que la
communauté urbaine est un établissement public à
caractère administratif doté d'une autonomie financière.
Par conséquent, pour la réalisation de ses objectifs, elle
dispose d'un budget, d'un personnel et des domaines propres. Elle est
gérée
12 Conformément à la loi, toute
agglomération d'une population de 25 000 habitants pourrait être
considérée comme ville.
par un conseil de la Communauté Urbaine composé
de membres élus. Les différentes modifications de statuts et de
redéfinition territoriale qu'a connu Niamey ne sont que le reflet de
l'atermoiement des autorités face à la gestion harmonieuse de la
ville. En effet, le dernier changement consacrant la décentralisation a
fait l'objet de nombreuses controverses suite auxquelles les autochtones, forts
de leur lobbying ont fini par imposer une subdivision administrative
basée sur les terroirs coloniaux ce qui du coup renforce leur poids
politique sur les communes à travers notamment la forte
représentation des grandes familles au sein des conseils communaux.
Aussi, les cinq communes ne sont-elles que la représentation des
terroirs des premiers habitants de Niamey comme l'a souligné MOTCHO
K.H13 (2006) qui en a fait la subdivision clanique suivante :
- la commune I est établie sur le terroir du clan de
Goudel,
- la commune III sur celui des Kalley,
- la commune II sur celui des Maouri,
- la commune IV sur celui de Gamkallé et Saga,
- la commune V revenant au clan des Peul de Lamordé.
Si cette nouvelle subdivision administrative basée sur
le terroir répond à la volonté de grandes familles, elle
constitue une contrainte pour la bonne gouvernance qui semble être le
critère invoqué par les autorités politiques qui, il est
vrai, n'ont accepté cette déconcentration qui amenuiserait leur
pouvoir que sous pression.
Capitale d'un jeune Etat qui a connu une instabilité
politique notamment au cours de la décennie 90, Niamey est le
siège de toutes les contradictions politiques et économiques qu'a
connu le pays au cours de son histoire. Les modifications successives de
statuts traduisent les difficultés de gestion de la ville. La nouvelle
politique de décentralisation basée sur le principe de la libre
administration de la ville qui devrait instaurer un nouvel état d'esprit
ainsi que de nouvelles méthodes de gestion contraires à celles du
passé semble mal partie. En effet, en allégeant le pouvoir de
l'administration centrale jugée inefficace, la décentralisation a
entraîné l'émergence du pouvoir des grandes familles qui
sont surreprésentées dans les instances de décision. En
faisant échec au plan conçu par les techniciens du Haut
Commissariat à la Reforme Administrative et à la
Décentralisation, les autochtones sont parvenus à maintenir leur
contrôle sur la ville et notamment la production foncière.
13
http://www2.polito.it/ricerca/cctm/wp/WP16.pdf