2.4 La ségrégation résidentielle
dans les villes de l'Afrique subsaharienne francophone
En général, les villes d'Afrique subsaharienne
francophone se sont développées à partir des anciens
noyaux sur lesquels se sont superposés des nouveaux ceinturant le centre
colonial administratif. Ces villes se caractérisent par leur typologie
variée qui dégage deux traits principaux : les tissus
aménagés, siège de l'administration et du commerce formel
; c'est dans cette partie que se trouvent l'habitat de haut et moyen standing,
et où résident les classes sociales aisées. L'essentiel
des infrastructures urbaines est orienté dans cette partie de la ville.
L'autre est constitué de tissus non aménagés : c'est le
domaine des classes paupérisées caractérisé par
l'absence des services urbains de base.
Cette configuration donne à la ville un aspect dual
fruit en partie du passé colonial. Si pendant la colonisation la ville
était divisée suivant un critère racial avec d'une part la
ville indigène et de l'autre la ville blanche les deux
séparées parfois par un obstacle naturel, la période
postcoloniale est marquée par une ségrégation
économique. Toutefois, on n'assiste pas à un véritable
apartheid car à l'intérieur des deux « villes », se
trouve un habitat qui ne respecte pas le zonage. SERGIO (2002) souligne que la
majorité des quartiers se sont développés comme des
îlots isolés en fonction des besoins et des intérêts
des habitants. Cela a entraîné un véritable problème
d'aménagement urbain qui a suscité l'intervention des partenaires
extérieurs dont notamment la Caisse Centrale de Coopération
Economique de la France qui a permis des financements de l'habitat urbain dans
les villes des pays francophones jusqu'au milieu de la décennie 70.
C'est le cas par exemple au Niger où elle a participé au capital
du Crédit du Niger (la banque de l'habitat) jusqu'en 1975 où elle
a mis fin à ses subventions. La décennie 70 a été
marquée aussi par l'engouement de la Banque Mondiale pour la
réhabilitation des quartiers spontanés et le financement des
projets de trame d'accueil à travers la réalisation
d'équipement minimum allant de la desserte en eau à la
réalisation des caniveaux. Les difficultés de mobilisation de
financement de logement ont conduit les pays Africains à créer en
1982 une société panafricaine de financement de l'habitat
dénommée Schelter-Afrique.
2.5 Les systèmes de droits et statuts
d'occupation dans les villes d'Afrique subsaharienne francophone
En Afrique subsaharienne francophone, coexistent deux
systèmes de droit foncier relevant de logiques et de
légitimités différentes qui, dans bien des cas, se sont
superposés contribuant à entretenir une confusion juridique dont
les différents acteurs essaient de tirer profit. Ce
syncrétisme juridique en milieu urbain a conduit à ce
que DURAND-LASSERVE A. (1993) a appelé un imbroglio-foncier
très complexe. Il résume la difficulté
foncière à trois niveaux :
- les conditions d'application des textes hérités
de l'époque coloniale qui organisent et réglementent le
régime de la concession foncière.
- l'usage de ces textes par les différents pays
après leur accession à l'indépendance.
- la résurgence du droit coutumier précolonial au
cours des décennies 70 et 80 en violation de la loi.
2.5.1 L'organisation du régime de la
propriété foncière
Dans le souci d'assurer et de garantir des droits réels
sur le sol, il a été mis en place dans l'ancien empire colonial
français un système juridique reposant sur l'immatriculation des
immeubles au livre foncier. Quoique facultatif, c'est l'immatriculation qui
donne droit à un titre foncier inattaquable. Ce caractère
facultatif, la complexité de la procédure et la
possibilité de son contournement ont fait que peu de domaines ont
été enregistrés sur le livre foncier même en milieu
urbain.
Le cadre général de l'organisation de la
propriété foncière s'articule autour du droit coutumier
constituant la situation initiale et le code civil avec l'attribution de
concessions. De la période coloniale aux indépendances,
l'attribution officielle de droit d'usage sur les terrains repose sur trois
procédures : la concession foncière, le permis d'habiter et le
permis d'occuper.
- la concession foncière est un
contrat passé entre l'administration chargée de la gestion du
domaine privé de l'Etat et une personne privée, au terme d'une
procédure dite de lotissement. Les obligations de la puissance
concédante sont entre autres le lotissement de la partie du domaine
privé, la délimitation des parcelles, la définition de
leur destination et l'attribution d'un numéro d'identification. Ce titre
est provisoire et donne droit selon les pays à une « concession
définitive » semblable à un titre foncier ou à un
droit réel immobilier (emphytéose ou droit de superficie). Pour
obtenir la concession définitive il faut remplir un certain nombre de
conditions à savoir : l'occupation et la jouissance de la parcelle
conformément aux textes, la mise en valeur effective du terrain et
l'accomplissement des formalités foncières. Selon cette
procédure, le concessionnaire ne devient propriétaire qu'à
condition de détenir un titre foncier, lequel a été
établi avant son transfert au nom de la collectivité publique
concédante. Le concessionnaire succède donc au concédant.
L'Etat fonde et prépare l'appropriation foncière privée.
En outre, l'Etat n'est que l'instrument politique de légalisation de
l'extension des emprises foncières des personnes et des capitaux
dominants dont il autorise le déploiement sauvage.
- Le permis d'habiter c'est une
autorisation administrative donnée à titre gratuit, mais
conditionnelle et révocable : l'Etat garde la propriété du
sol ; le « permissionnaire » ne peut l'utiliser à des fins
autres que d'habitation et doit se conformer à des règles
minimales s'il construit ; s'il quitte le pays, la parcelle revient à
l'Etat ; celui-ci se réserve d'ailleurs à tout moment le droit de
reprendre la parcelle (DURAND-LASSERVE A. 1993). Après les
indépendances, ce permis ne s'octroie qu'après le paiement d'une
taxe ou contribution spéciale à l'autorité publique.
Cependant, ce titre révocable peut être transformé en
titre
effectif de propriété car le permissionnaire
peut demander que le terrain qu'il a mis en valeur lui soit vendu.
- le permis d'occuper est un simple
« droit » donné à un individu de s'installer sur le
domaine privé de la collectivité publique pour une durée
déterminée. Contrairement au permis d'habiter, avec le
permis d'occuper le permissionnaire ne peut en aucune manière devenir
propriétaire de la parcelle même après la mise en valeur.
C'est une autorisation précaire et révocable qui autorise
à s'installer le plus souvent sur un terrain non loti.
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