2-CAUSES ET AUTEURS
Les causes d'inobservation des modalités
d'exploitation des forêts sont diverses. Mais, celles susceptibles de
retenir notre attention sont de deux ordres : Les causes liées
à l'administration en charge de la gestion des forêts et les
causes imputables à la participation passive, à l'ignorance des
contraintes liées au contexte socioculturel des populations
forestières.les auteurs quant à eux étant les exploitants
et les populations.
a) LA CAUSE IMPUTABLE A L'ADMINISTRATION ET AUX
EXPLOITANTS FORESTIERS.
· La sensibilisation et la vulgarisation
insuffisante de la législation forestière.
La sensibilisation et la vulgarisation
insuffisantes de la loi est en grande majorité à l'origine des
activités illégales. Ces activités se manifestent de deux
façons au moins: D'une part, les coupes illégales telles; la
coupe en dehors des limites de la zone d'exploitation, la coupe sans
autorisation par certains particuliers et même par la population locale,
la sous-traitance de l'exploitation de coupe, la coupe d'arbres dont le
diamètre est inférieur à la norme autorisée ( les
exploitants prétendent dans ce cas qu'il s'agit de la partie
supérieure d'un gros tronc, trop grand pour être transporté
en un seul morceau sur le camion).
Toutefois, les manquements à la
législation forestière ne sont pas uniquement dus à
l'ignorance de la loi.
b) LES CAUSES IMPUTABLES AUX POPULATIONS
FORESTIERES.
· La participation passive des populations
forestières au processus décisionnel.
La participation et l'implication des
populations riveraines dans la gestion des ressources forestières,
faut-il le rappeler, constitue la « raison d'être »
des forêts communautaires. L'étude de l'état des lieux de
la foresterie communautaire dans le Nyong et kéllé montre une
implication plus ou moins directe des acteurs extérieurs dans le processus d'acquisition des forêts
communautaires. En effet, la force motrice de l'acquisition et de
l'exploitation des forêts communautaires est l'exploitation
forestière pour le bois d'oeuvre. Or, l'exploitation forestière
pour le bois d'oeuvre reste une question de pouvoir et de moyens financiers,
non accessibles aux populations forestières dont l'état de
pauvreté n'est plus à démontrer ; lequel état
de pauvreté pousse la grande majorité des dits populations
à se jeter dans le sciage sauvage la vente et le transport des
débités en vu de subvenir aux besoins les plus
élémentaires.
La réglementation en vigueur consacre la
propriété de l'Etat sur la terre et l'ensemble des ressources
forestières( art. 6 de la loi de 1994 sur les forêts;
art.1 de l'ordonnance du 6 juillet 1974 fixant le régime
foncier) ; Il en ressort que les populations ne sont que des
bénéficiaires de simples droits de jouissance ou des droits
réels conditionnels. Par conséquent, les populations riveraines
n'étant propriétaires ni des forêts encore moins des
redevances forestières, n'ont pas qualité d'agir en justice pour
faire cesser les opérations illégales qui
sont de plus en plus récurrentes dans les massifs forestiers ni pour
faire cesser les malversations ou les détournements de certains
fonctionnaires locaux véreux, le statut de deniers publics reconnus aux
redevances forestières limitant la
participation des populations bénéficiaires. Celle-ci s'est
limitée jusqu'ici à la participation communautaire. Les
méthodes et outils pour assurer la participation des communautés
riveraines n'ont pas intégré le fait que le processus
(accès aux ressources et revenus), est un enjeu de pouvoir important.
· L'ignorance des contraintes liées aux
contextes économique, social et culturel local.
Le caractère facultatif des avis émis par la
population pendant la phase d'élaboration des modalités
d'exploitation des forêts a eu comme conséquences, la non prise en
compte des contraintes liées aux contextes économique, social et
culturel local. Ainsi, les processus de classement et d'exploitation des
forêts, en particulier des forêts communales et communautaires,
n'ont pas intégré les facteurs du contexte spécifiques aux
populations riveraines. Ces facteurs sont de plusieurs ordres à savoir:
l'attentisme des populations forestières, leur inorganisation, leur
perception par elles-mêmes et leur faible niveau de revenu.
Le constat général est que les populations
villageoises deviennent avec le temps enclines au gain facile et à court
terme, hypothèquent leurs ressources et leur avenir. C'est pourquoi les populations peuvent être
considérées comme des agents destructeurs de leur propre
environnement de plus, la perception des populations par elles-mêmes et
leur faible niveau de revenus ne font pas d'elles de véritables
partenaires dans le processus ; les populations forestières ne
s'estiment pas à une grande valeur et ont d'elles-mêmes une image,
qui les place dans une position inférieure aux autres acteurs sociaux;
en l'occurrence des « élites » et des
fonctionnaires. Elles n'osent pas « lever la tête devant
eux », ni leur parler « d'homme à homme ».
Ce facteur rend difficile la mise en oeuvre d'un processus de
négociation approprié, indispensable pour la réussite de
l'exploitation participative et durable des forêts au Cameroun et du
potentiel naturel en Bubinga du département lorsqu'on sait que le Nyong
et kéllé est l'un des départements les mieux fournis en
Bubinga au Cameroun. Par ailleurs, leur taux de revenus demeure faible voire
nul; ce qui les met à la merci de tous les pouvoirs d'argent et au lieu de promouvoir le développement
économique local, l'exploitation des ressources de la forêt a dans
la majorité des cas, favorisé plutôt l'avancement
de la pauvreté et par conséquent la violation du droit des
populations forestières à un environnement sain.
3- IMPACTS SUR LES DROITS DES COMMUNAUTES
FORESTIERES.
Les impacts négatifs de cette exploitation
forestière s'observent non seulement au niveau de la
déstructuration et de la dégradation du cadre de vie des
populations forestières, mais l'exploitation illégale
altère aussi l'alimentation et aggrave la situation sanitaire des
villageois.
a)La dégradation et la
déstructuration du cadre de vie des populations
forestières.
L'exploitation (industrielle et artisanale) non
contrôlées des forêts a un impact négatif
considérable sur le milieu et le mode de vie de la population vivant
à proximité ou à l'intérieur des forêts.
Les populations villageoises vivant dans la zone de MBAANDJOCK
dans l'assiette 004, n'exercent qu'une influence aucune sur la
définition des modalités de l'exploitation. En effet, le
lancement des opérations forestières tant industrielles
qu'artisanales a constitué pour elles, une surprise qui modifie
considérablement leur milieu de vie. C'est ce
handicap qui a favorisé l'activité illégale de certains
exploitants industriels du bois notamment du bubinga. De manière
générale, l'exploitation industrielle du bois ouvre un
accès à la forêt, avec toutes les conséquences que
l'intrusion d'acteurs nouveaux entraîne dans le
« système socio- écologique ». Pour abattre seulement les meilleurs arbres de quelques
essences de grandes valeurs, les sociétés et exploitants non
identifiés tracent des routes sur de vastes zones de forêt
inaccessibles auparavant; cela facilite l'afflux des populations à la
quête d'emplois et ouvre la forêt à d'autres
activités tels que : la chasse commerciale de gibier, le
défrichement ou le feu de brousse à des fins agricoles.
L'industrie forestière a facilité directement et indirectement
une augmentation importante du braconnage; par conséquent certaines
espèces fauniques sont en voie d'extinction.
L'exploitation industrielle et illégale du bubinga a
aussi un impact surtout qualitatif sur la flore. En coupant par exemple les
gros arbres, l'exploitant élimine aussi les arbres qui produisent les
meilleures graines. Les espèces exploitées souffrent ainsi
d'érosion génétique et leur
régénération naturelle s'en trouve ainsi affectée.
En outre, le bruit des engins forestiers fait fuir la plupart des primates et
suidés. Cette dégradation de leur milieu de vie entraîne
une érosion des pratiques coutumières menaçant ainsi leur
mode de vie et les responsables coutumiers encore soucieux du devenir de leurs
localités craignent la perte de toutes valeurs coutumières et
économiques leur étant propre.
Les activités d'exploitation forestière,
altèrent aussi le mode de vie des populations locales et autochtones et
tout particulièrement, celui des peuples vivant dans la forêt
(pygmées).Paradoxalement, ce sont eux qui souvent, sont loués
pour quelques jours par les entreprises comme prospecteurs pour indiquer les
essences d'arbres intéressantes (non pour leur protection) sur le plan
commercial. Ces pygmées accélèrent
ainsi la fin de leur mode de vie traditionnel et la perte de la richesse de
leur connaissance des produits de la forêt et de la nature. De cette
manière, les habitants de la forêt, ignorant parfois l'impact
négatif de la déforestation sur leur mode de vie, participent
souvent inconsciemment à la destruction de leur propre environnement.
De plus, l'exploitation forestière illégale (par
écrémages) contribue à la destruction de la culture des
peuples de la forêt et altère les bases de leur vie. Les essences
d'arbres comme le Bubinga et le Moabi sont très utiles
pour la population locale et autochtone, qui accepte mal leur exploitation, car
ces arbres à forte valeur commerciale ont également une
importance « culturelle » et par
conséquent, leur exploitation irrationnelle a un impact sur
l'alimentation et sur la santé des populations locales.
b) Impact sur l'alimentation locale et sur la
santé des populations forestières
La fragilité des peuples forestiers, de même que
leur forte dépendance vis-à-vis de la forêt, auraient sans
doute pu justifier une attention particulière de la loi et des
exploitants industriels du bois à leur égard.
Les pratiques observées dans les zones
forestières sont plutôt pitoyables. L'industrie illégale du
bubinga ne favorise certainement pas l'amélioration des conditions de
vie des populations, qui plus est, le commerce du bois génère
directement et indirectement un nombre croissant de problèmes
d'alimentation et de santé dans les zones forestières
concernées.
· L'insécurité alimentaire des
populations forestières.
Pour les peuples autochtones ou habitants de la forêt,
les désavantages de l'exploitation forestière sont bien plus
consistants que les avantages : Quand l'exploitation forestière ou
quand une industrie de transformation du bois s'installe dans une zone
forestière, la population riveraine croît rapidement. Les villages
deviennent de petites villes, mais seulement l'infrastructure ou
l'alimentation ne suit pas. La ville d'Eséka chef lieu du
département du Nyong et kéllé est un exemple palpable de
ce type de développement précaire; Les coûts des produits
alimentaires y sont fortement augmentés, car l'alimentation locale est
insuffisante, de sorte qu'il faut importer de plus en plus de produits.
Par ailleurs, l'abattage abusif du bois raréfie
d'autres produits forestiers (non ligneux) tels que le gibier pour consommation
propre, fruits, huile, chenille et miel. Les petits potagers et les plantations
de maniocs sont régulièrement pillés par les travailleurs
forestiers et les chauffeurs de camion qui passent par-là; L'invasion
des braconniers, qui chassent le gibier à grande échelle dans les
forêts pour les vendre aux exploitants forestiers ou dans les grandes
villes, cause également de gros problèmes à la population
qui voit ses propres réserves de gibier disparaître et son
alimentation en protéine animale en péril sans la moindre
compensation de la part des entreprises forestières.
Enfin, ni la provision d'eau propre pour les soins de
propreté, ni la provision d'eau potable ne sont assurées. Dans la
plupart des cas, les compagnies forestières creusent à
proximité du camp un puits qui constitue la seule source d'eau
disponible dans le camp. Creusé sans avoir recours à un expert,
ce puits fournit une eau impropre à la consommation et peu attrayant
pour la toilette. Elle contient en outre des amibes qui font souffrir en
permanence les ouvriers et leur famille de sérieux problèmes de
santé.
· Les conditions sanitaires
déplorables.
Peu sont les exploitants forestiers qui se soucient du
bien-être de la population riveraine. La plupart des exploitants
industriels du bois animés par la recherche effrénée du
gain, n'évaluent pas l'impact de leurs activités sur la
communauté villageoise riveraine. Les constatations suivantes ont trait
aux conditions de santé déplorables des populations villageoises
et indiquent qu'un changement urgent est nécessaire et indispensable.
De prime abord, l'exploitation illégale du Bubinga
n'est pas sans conséquence sur la santé des populations quand on sait que le Bubinga permet la
fabrication de remèdes pour soigner l'hernie et les douleurs
musculaires.
Somme toute, les populations des forêts du Nyong et
kéllé ont souffert et continuent de souffrir de l'exploitation
intensive et des ruptures sociales résultant des intérêts
étrangers pour les ressources forestières dans le département.
L'application ineffective de la loi forestière et
l'exploitation illégale du Bubinga ont crée des
déséquilibres sociaux niant ainsi les droits des populations
forestières à leurs terres et ressources, diminuant aussi leur
contrôle et surtout leur participation aux prises de décisions en
matière d'exploitation des forêts.
Assurément, l'exploitation industrielle des
forêts a hypothéqué le droit des communautés
forestières du Nyong et kéllé à un environnement
sain vu que tout le long de cette chaine de production, aucune des
règles d'exploitation forestière à impact réduit
(EFIR) ne sont ni consultée encore moins utilisée. D'où
l'urgence de réagir en faveur de la redynamisation de la gestion durable
et participative des forêts, garantissant le droit des communautés
de la forêt à un environnement sain.
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